gratte-ciel (suite)
En Europe, la tour Pirelli de Milan (1958, Gio Ponti avec Pier-Luigi Nervi* comme ingénieur) fut une remarquable réussite esthétique dans le domaine de la construction en béton. D’autres tours sont plus dépendantes des modèles américains : hôtel S. A. S. de Copenhague (1959, Arne Jacobsen), tour Nobel de Paris - la Défense (1966, Jean de Mailly avec Jean Prouvé) ou même Thyssenhaus (« Phoenix-Rheinrohr ») de Düsseldorf (1957-1960) par Helmut Hentrich et Herbert Petschnigg, dont les recherches, à cette époque, sont voisines de celles de l’agence SOM pour les États-Unis. La crise des années 60 a atteint l’Europe au moment où s’y élaborait la formule du gratte-ciel, et elle y a trouvé un terrain malheureusement favorable. Ainsi des ensembles considérables comme la Défense. Maine-Montparnasse, le Front de Seine ou la Porte d’Italie, à Paris, rassortissent à la décoration de façade plutôt qu’à l’architecture : le gratte-ciel est une image de marque et l’individualisation de son aspect correspond à des impératifs commerciaux.
C’est essentiellement dans le domaine des tours d’habitation, à ossature en béton armé, que la construction actuelle se distingue : tours de l’Île-Verte à Grenoble (Roger Anger et Pierre Puccinelli, 1966), Torres Blancas de Madrid (F. J. Sáenz Oiza, 1969), Barbican Renovation à Londres (Chamberlain, Powell and Bon, avec Ove Arup, 1964-1971) et îlot Riquet à Paris (Martin Schulz van Treeck, entrepris en 1969). À ces ensembles, il faut rattacher les recherches d’Édouard Albert, avec l’ingénieur J. L. Sarf, à Paris (tour Croulebarbe, 1960 ; tour de la faculté des Sciences, 1971), et celles de Hentrich et Petschnigg en Allemagne : la Standard Bank de Johannesburg (1970) est une construction préfabriquée en béton, entièrement suspendue à un mât central en coffrage glissant. Ces nouvelles techniques ont permis le dépassement de l’esthétique « transparente » du gratte-ciel des années 50.
Face au formalisme actuel des grands immeubles de bureaux, la voie est ainsi ouverte à de nouvelles conceptions qu’illustre le projet utopique de Paul Rudolph pour un ensemble à la pointe de Manhattan (1967) : inspiré par l’« Habitat 67 » de Montréal (Moshe Safdie), il dépasse l’opposition entre immeuble haut et habitat en terrasse au moyen d’une agglomération de cellules suspendues en grappes à des mâts verticaux d’acier. L’assouplissement de la structure se conjugue avec le renouvellement de l’implantation, il conduit à dépasser la notion même de gratte-ciel.
F. L.
➙ Architecture / Chicago / Fer.
T. E. Tallmadge, The Origin of the Sky-scraper (Chicago, 1939). / C. W. Condit, The Rise of the Sky-scraper (Chicago, 1952). / F. Carpanelli, Come si costruisce oggi nel mondo (Milan, 1956).