Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Grande-Bretagne (suite)

L’art en Grande-Bretagne

Tributaire de l’Europe, l’art britannique possède cependant une personnalité que son cadre insulaire contribue à définir. Sa chronologie n’épouse pas celle de l’art continental.


Les origines

L’ensemble mégalithique de Stonehenge (Wiltshire) constituait probablement un lieu de culte solaire au iie millénaire av. J.-C. ; le peuplement celtique a laissé de nombreux objets, trouvés dans les sépultures et conservés notamment au British Museum de Londres. Le souvenir de la domination romaine apparaît dans le tracé du célèbre mur d’Hadrien ; on note aussi les vestiges des bains d’Aquae Sulis (aujourd’hui Bath) et ceux de la ville de Verulamium, à l’emplacement de Saint Albans.

Après les invasions, le christianisme dut attendre la fin du vie s. pour triompher et susciter un art, celui de la période dite « saxonne », qui précède la conquête normande. Dans l’architecture sacrée, on relève la prépondérance des volumes rectilignes, la présence habituelle d’une tour carrée en façade, l’emploi décoratif de bandes de pierre en saillie. À défaut des grands édifices, reconstruits depuis lors, subsistent quelques églises de campagne. Cette période a vu surtout naître un art dont l’Angleterre médiévale ne devait cesser d’entretenir l’éclat : celui de l’enluminure des manuscrits. Revenue d’Irlande*, où la conquête romaine et les invasions lui avaient fait trouver refuge, la culture celtique inspira un style ornemental où domine l’entrelacs. Le plus bel exemple en est l’évangéliaire de Lindisfarne du viiie s. (British Museum). C’est en revanche l’influence carolingienne qui l’emporte dans la brillante école de Winchester, au style plus figuratif.


La période normande

Intégrée peu après 1066, par le succès de Guillaume le Conquérant, au domaine européen de l’art roman, l’Angleterre devait en donner jusqu’à la fin du xiie s. une version dite « normande ». De fait, les cathédrales et abbatiales reconstruites après la conquête sont apparentées aux églises romanes de Normandie*, tout en les dépassant par les dimensions. Le plan habituel comporte une abside, parfois entourée d’un déambulatoire. La nef est couverte, du moins à l’origine, d’une charpente apparente ou d’un plafond. L’élévation intérieure comprend trois étages d’ouvertures. Le double transept, particularité assez fréquente en Angleterre, fait son apparition. Une tour-lanterne s’élève à la croisée, dessinant à l’extérieur un puissant bloc quadrangulaire. La décoration emploie surtout des motifs géométriques.

Parmi les cathédrales remontant à cette époque, il faut citer au moins : Canterbury*, où le transept oriental et la crypte sont les témoins de la cathédrale entreprise dès 1067 ; Ely, normande par sa nef grandiose et encore couverte d’un plafond de bois ; Norwich, qui subsiste entière ; Winchester, dont le transept est roman. À Durham, la croisée d’ogives apparaît dès 1093 aux voûtes des bas-côtés (comme dans l’ancienne abbatiale de Peterborough), un peu plus tard au-dessus de la nef. Aux cathédrales, il faut ajouter des églises bénédictines : Saint Albans (auj. cathédrale), Tewkesbury (Gloucestershire), Romsey (Hampshire) ; celles de l’ordre cistercien, ruinées depuis la Réforme : Fountains (Yorkshire), Tintern (Monmouthshire) ; et des églises paroissiales.

La féodalité normande a laissé de nombreux châteaux, dont l’essentiel est le donjon, trapu et puissant, flanqué d’épais contreforts. Guillaume le Conquérant en fixa pour son usage les deux types principaux : quadrangulaire à la Tour de Londres* arrondi à Windsor.


L’art gothique : « early english », « decorated » et « perpendicular »

Expérimentée dès la fin du xie s., diffusée ensuite par les cisterciens, la croisée d’ogives eut son triomphe consacré dans le dernier quart du xiie s. par quelques grandes constructions comme la cathédrale de Chichester ou le nouveau chœur de Canterbury, proches des modèles français. C’est au début du xiiie s. que l’Angleterre affirma son originalité dans le style appelé early english. Alors que les cathédrales du continent s’élèvent au cœur de la cité, la cathédrale anglaise s’en isole au moyen d’un enclos de verdure où de nombreuses dépendances rappellent qu’un établissement monastique lui était souvent intégré. L’aspect général de l’édifice est trapu, l’effet de longueur prime celui d’élévation. Au chevet arrondi se substitue un chœur très étiré, de forme rectiligne. Le double transept n’est pas rare. La façade forme un écran sans liaison avec la structure intérieure ; elle se creuse souvent de nombreuses niches, et le portail n’y joue qu’un rôle médiocre. Le répertoire décoratif comprend des arcs extrêmement aigus, parfois entrecroisés, des moulures très marquées, des rosaces et, entre les arcades intérieures, des écoinçons richement sculptés.

Les deux exemples les plus significatifs de l’early english sont les cathédrales de Salisbury et de Lincoln. Très homogène, la première (v. 1220-1260) offre, surtout à l’extérieur, une harmonieuse composition de volumes quadrangulaires. La seconde, reconstruite à partir de 1192, vaut davantage par la beauté de morceaux dus à des campagnes successives, notamment l’arrière-chœur, dit Angel choir (1256-1280), célèbre par l’élégance de son décor sculpté. De l’early english relèvent aussi la cathédrale de Wells, le chœur d’Ely, le chœur et le transept oriental de Worcester, le transept d’York, le chevet de Durham ; parmi les dépendances, les cloîtres de Salisbury et de Lincoln et surtout nombre de salles capitulaires, à pans coupés, couvertes d’une magnifique voûte ramifiée dont les nervures retombent généralement sur une pile centrale.

Il est difficile d’assigner une période précise au style dit decorated, qui apporta un enrichissement dans les détails plutôt que des modifications de structure. Les voûtes sont caractérisées par la multiplication des nervures et des clefs sculptées. Le tracé des fenestrages se complique aussi ; l’ondoiement des courbes et des contrecourbes apparaît dès la première moitié du xive s., en avance sur le style flamboyant continental. En dehors de la cathédrale de Lichfield, commencée dès la seconde moitié du xiiie s., le style decorated a inspiré surtout des adjonctions ou des reconstructions partielles : à Exeter, la façade-écran ; à Ely, l’octogone de la croisée, original et hardi ; à York, la nef (1291-1345), décorée d’un bel ensemble de vitraux ; etc.