Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Grande-Bretagne (suite)

Cette augmentation quantitative s’est accompagnée d’une diversification des produits, destinés à combler de nouveaux besoins, et d’un changement de la géographie de la production : le sud et l’est de l’Angleterre voient leur importance relative décroître par rapport à des régions autrefois pauvres, le Yorkshire, le Lancashire, le sud du pays de Galles, où sont concentrées les grandes industries nouvelles.

Le développement d’une nouvelle société.
À côté de l’aristocratie foncière apparaissent maintenant dans l’élite de l’Angleterre les capitaines d’industrie et les financiers heureux. La fusion entre ces deux éléments s’est opérée relativement facilement : non seulement certains aristocrates se sont passionnés pour le développement industriel (le duc de Bridgewater et le comte de Dundonald, le fondateur de la chimie du charbon), mais encore, dès la seconde génération, les « nouveaux riches » ont adopté le genre de vie de l’aristocratie. Cette évolution a été d’autant plus facile qu’un vent général d’austérité soufflait sur l’Angleterre de la seconde moitié du xviiie s. et que la vie de l’aristocratie ne prêtait plus trop le flanc à la critique des classes moyennes (on trouve parmi les industriels de nombreux membres des Églises dissidentes, comme Newcomen [baptiste], Darby [quaker], Watt [presbytérien], Roebuck [indépendant]). Il va de soi que cette classe dirigeante nouvelle ne pouvait se satisfaire des jeux politiques des grandes familles whigs ! Après avoir été tentée un moment par le radicalisme, elle se contenta cependant des anciens partis : mais le jeu politique se trouvait dès lors profondément modifié, et l’on peut dire que la démocratie parlementaire ne s’est affirmée qu’en même temps que s’imposait à la tête du pays la bourgeoisie industrielle.

Cela pour l’élite : car la révolution industrielle a en même temps donné naissance au prolétariat. Les campagnes se sont dépeuplées, et des masses d’ouvriers sont venues s’entasser dans les villes en pleine expansion. Misérables, mal payés, mal logés, ils ont des conditions d’existence très dures : femmes et enfants travaillent, y compris dans les mines. Les relations de travail sont toutes différentes dans l’usine de ce qu’elles étaient dans l’atelier artisanal : les ouvriers, privés de tout droit d’association (Combination Act de 1799), sont entièrement dépourvus de moyens de défense.

Les effets annexes de la révolution industrielle.
Ils sont innombrables. Nous ne signalerons que quelques phénomènes dont le déroulement a été concomitant de celui de la révolution industrielle, sur lesquels elle a agi puissamment et qui ont déterminé l’avenir de la Grande-Bretagne.

Il en est ainsi de l’agriculture. Le mouvement des enclosures s’était poursuivi de 1600 à 1700 : à partir de 1750, les enclosures reprennent à un rythme accéléré au point que, si l’on excepte quelques districts reculés, toute l’Angleterre a été atteinte par ce phénomène avant 1840. Chassant les pauvres des campagnes, la mise en clôture des terrains communaux a profité uniquement aux couches dirigeantes. Sur leurs terres agrandies, les propriétaires ont, pour répondre aux immenses besoins des villes surpeuplées, commencé à pratiquer une agriculture beaucoup plus moderne, au point que l’on a aussi pu parler de révolution agricole...

Et, dans un domaine tout différent, celui des mentalités, ces changements ont été tout aussi profonds. Sur le plan religieux, le succès va à la rigueur, à l’austérité de sectes comme les méthodistes et les évangélistes, qui forment des fidèles courageux et endurants. Devant le spectacle de la souffrance des ouvriers se développe la philanthropie (action de John Howard [1726-1790] dans les prisons, 1774 ; création de la société pour l’abolition de la traite, 1802 ; première loi de fabrique [Factory Act] votée à l’instigation de Robert Peel...). Et les penseurs considèrent avec bien plus de profondeur que sur le continent les problèmes de l’économie. De la même façon que les développements constitutionnels du xviie s. avaient suscité les œuvres de Locke* et de Hobbes, la révolution industrielle a engendré celles d’Adam Smith* (Enquête sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776) et de Malthus (Essai sur la population, 1798). L’ouvrage de Smith peut même être considéré comme la véritable bible de la révolution industrielle.

Changements profonds, donc, que ceux qui ont pris place au cours du règne de George III : ce sont eux, en tout cas, qui ont donné à l’Angleterre la force de résister à la France dans la lutte qui s’ouvrait en 1793.

La lutte contre la France révolutionnaire (1789-1802)

• 1789 : dès les débuts de l’agitation en France, on assiste à un renouveau du radicalisme (Thomas Paine, William Godwin).

• 1790 : Réflexions sur la Révolution française, de Burke.

• 1793 : à la suite de l’exécution de Louis XVI, la guerre éclate entre la France et l’Angleterre. Ce sont surtout la flotte et l’argent anglais qui sont mis à contribution.

• 1795 : échec de l’expédition de Quiberon.

• 1796-97 : moment difficile. Si la flotte remporte des succès sur les Espagnols (cap Saint-Vincent, 1797) et sur les Hollandais (Camperdown, 1797), elle est désorganisée par de violentes mutineries, tandis que l’hémorragie causée par les versements au bénéfice des alliés continentaux oblige à suspendre la convertibilité en or des billets de la Banque d’Angleterre.

Surtout, si l’agitation radicale s’est vite calmée, l’Irlande catholique est une menace constante sur les arrières anglais. Seules la vigilance de la flotte et une tempête propice ont fait échouer la tentative de débarquement du général Hoche (1796). Le soulèvement irlandais de 1798 — dirigé par la société des Irlandais-Unis, dont les chefs, Theobald Wolfe Tone (1763-1798) et lord Edward Fitzgerald (1763-1798), avaient obtenu la promesse d’une aide française — révèle l’ampleur du danger. Toutefois, le gouvernement anglais, en s’appuyant sur les milices protestantes de l’Ulster, peut réprimer la révolte avant l’arrivée des troupes françaises. Pitt comprend qu’il faut pacifier absolument l’Irlande et que la seule méthode pour cela est de la soustraire à l’autorité du Parlement de Dublin, où seuls s’expriment les intérêts de la minorité protestante. Il réussit à obtenir, en 1800, l’union de l’Angleterre et de l’Irlande, qui envoie siéger à Londres 100 députés aux Communes et 32 lords à la Chambre haute, le libre-échange étant établi entre les deux pays. Mais Pitt ne peut imposer la seconde partie de son plan, l’émancipation des catholiques, à laquelle George III s’oppose.