Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Amérique (suite)

La découverte de l’Amérique


La première découverte

La première « découverte » par des Européens d’une terre américaine revient aux Scandinaves, qui parviennent au Groenland à la fin du xe s. : il faudra attendre cinq cents ans pour que le long itinéraire de Colomb permette d’atteindre le Nouveau Monde en dehors de ses marges glacées.

Le premier « découvreur » de l’Amérique, Erik Thorvaldsson, dit « le Rouge » (v. 940 - v. 1010), est originaire de Norvège. Il vient en Islande avec son père, ce dernier ayant été banni de son pays pour meurtre. Erik lui-même doit s’exiler d’Islande pour des motifs semblables.

Il choisit de se diriger vers l’ouest, où des pêcheurs prétendaient avoir aperçu des îles. Parti en 982, Erik s’approche en effet d’une terre nouvelle, mais il ne peut y aborder en raison des glaces qui l’enserrent. Il hiverne dans une île près de la côte ouest ; pendant trois années, il entreprend des raids de reconnaissance aux alentours, dans ce « Pays vert », le « Groenland ». Revenu en Islande en 985, la période de son bannissement étant écoulée, il préconise une colonisation de ces terres, et vingt-cinq navires se dirigent vers l’extrémité méridionale du Groenland en 986. Un premier établissement est fondé, et l’on comptera jusqu’à 300 exploitations. Condamnée par le refroidissement du climat à s’étioler, la colonie n’en sert pas moins de plate-forme pour la découverte du continent américain lui-même. Le fils d’Erik le Rouge, Leif Eriksson, après un voyage en Norvège, est pris par la tempête sur la voie du retour et ne peut retrouver le Groenland : les vents le poussent vers le sud-ouest, et il atteint en l’an mille une terre inconnue où poussent la vigne sauvage et le blé. Il revient sain et sauf en Islande. En 1003, un autre Islandais, Dorfinn Karlsefni, avec 3 bateaux et 160 compagnons, s’installe dans ce « Vinland », qui devait se trouver entre 42 et 40° de latitude. Après trois hivernages (de 1003 à 1006), les attaques des indigènes obligent les Islandais à partir. Un parent d’Erik le Rouge retournera au Vinland, puis le pays ne sera plus visité par les Scandinaves avant le milieu du xive s.

Les régions touchées par ces hardis navigateurs sont localisées de façon très incertaine : Labrador, Terre-Neuve, la Nouvelle-Écosse ou des terres plus méridionales encore... ?

Au demeurant, la connaissance de ces terres nouvelles ne s’est, pour ainsi dire, pas répandue au-delà des terres de l’Europe du Nord en rapport commercial avec les inventeurs.


Les conditions générales de la véritable découverte

L’identification du Nouveau Monde par la chrétienté sera le fruit de conditions technologiques, idéologiques et économiques d’une envergure beaucoup plus grande que celles qui ont poussé quelques cultivateurs et pêcheurs vers des territoires presque aussi misérables que ceux qu’ils abandonnaient.

Les conditions favorables sont, tout d’abord, d’ordre technique. Le lent cheminement des Portugais sur la côte d’Afrique, pendant la première moitié du xve s., a permis l’apprentissage de la navigation océanique, car, lorsque l’on eut dépassé le cap Bojador (1434), il fallait désormais, afin de pouvoir revenir, partir très loin vers l’ouest-nord-ouest pour retrouver les latitudes où l’on rencontre les grands vents d’ouest. Peu après vient le temps de la caravelle, merveilleux navire capable d’affronter les terrifiantes tempêtes du grand large. Enfin, les techniques de la navigation font de rapides progrès.

Dans le domaine idéologique, la persistance d’un esprit de croisade, prolongé par la Reconquista de la péninsule Ibérique, joue un grand rôle : gagner de nouveaux peuples à la chrétienté sera l’un des arguments majeurs de Colomb auprès de la pieuse Isabelle.

Sur le plan économique, la soif de l’or de l’Europe, en plein essor commercial, est de plus en plus difficile à étancher : le courant de métal précieux qui provient de l’Afrique occidentale, via le Maghreb, répond de moins en moins aux besoins ; la recherche de l’or tournera à l’obsession chez la plupart des conquistadores, à commencer par Colomb. Celle des esclaves sera aussi très active, et, dès son premier contact avec les Caraïbes, Colomb notera leur docilité et combien il lui semble facile de les mettre au travail.

La caravelle, instrument de la découverte de l’Amérique, et les progrès de la navigation

La caravelle, « ce bijou ibérique », est mise au point à la fin du xve s. et au début du xvie. Le merveilleux navire a enfin affranchi la navigation traditionnelle de la terreur du grand large.

La caravelle est née de la rencontre de deux techniques : celle de la Méditerranée, où s’était élaboré un long et rapide navire, mû par des rameurs, finement travaillé, bordé à « franc bord », la très maniable galère, qui touche à la perfection à la fin du xive s. ; celle de l’Atlantique, à laquelle on doit un navire de marchands, rond et lourd, gros porteur mais lent, poussé par l’action du vent sur une voile carrée.

La caravelle, intermédiaire par ses proportions entre les deux types, bénéficie d’un progrès technique essentiel avec le gouvernail d’étambot, qui permet enfin de se diriger convenablement, sans utiliser les rameurs. Avec plusieurs mâts, une grande voile carrée pour la propulsion et de petites voiles triangulaires, « latines », pour les manœuvres, ce navire offre plus de souplesse dans son utilisation. Un bec à l’avant facilite la manœuvre des ancres en l’absence de cabestan. À l’arrière, le « château » prend de plus en plus d’importance.

Légère et maniable par rapport aux anciens navires de commerce des côtes atlantiques, la caravelle est, en outre, extrêmement rapide lorsque son capitaine sait trouver l’itinéraire qui lui fournit les vents les plus réguliers : dès sa deuxième traversée (1493), qui lui demande un mois environ, Colomb réalise l’un des meilleurs « temps » possibles pour le navire dont il dispose : « avant la vapeur et l’hélice, on ne pourra faire mieux » (P. Chaunu).