Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Goethe (Johann Wolfgang von) (suite)

Le roman des Affinités électives (die Wahlverwandtschaften), qu’il a publié en 1809, révèle aussi un aspect majeur de l’attitude de Goethe envers le mouvement romantique : l’héroïne la plus originale du livre, Ottilie, est assurément un personnage très romantique, et l’intrigue même va au-delà de toutes les audaces des romans contemporains, mettant en cause les fondements du mariage. La philosophie de la mesure, de la maîtrise de soi, de l’acceptation du destin personnel avec ses limitations cède ici devant les impératifs des affinités mystérieuses qui existent entre certains êtres et peuvent les aliéner à eux-mêmes, quand leur moi conscient ne peut plus s’imposer aux forces de l’inconscient.


« le Divan »

L’œuvre lyrique de Goethe s’étend sur toute sa vie, jusque dans ses années de vieillesse, mais il n’a donné qu’un seul cycle de poèmes dont il a voulu marquer qu’ils formaient un ensemble : le Divan oriental-occidental (Westöstlicher Divan), publié en 1819.

Venu en 1814 visiter la Rhénanie, le poète y connut une seconde jeunesse, bien qu’il eût plus de soixante-cinq ans et que les bouleversements politiques (suivis peu après [en 1816] de la mort de Christiane Vulpius, qu’il avait épousée en 1806) l’eussent éprouvé au cours des années précédentes. La femme à qui s’adressait ce nouveau cycle érotique était Marianne von Willemer, elle-même femme de lettres et qui accepta de suivre le grand homme dans son voyage poétique en Orient, en particulier à travers les œuvres du Persan Ḥāfiẓ.

Il a mis dans son recueil la très proche connaissance des poèmes persans que lui avait procurée une bonne traduction allemande, et le Divan contient quelques-unes de ses plus célèbres pièces, en particulier, dans « Selige Sehnsucht », la formule qui résume sa foi dans le renouveau toujours possible, la renaissance de chaque matin : « Stirb und werde » (« Meurs et deviens »). À Eckermann, Goethe confiait quelques années plus tard qu’il avait oublié bon nombre des poésies du Divan et qu’elles étaient pour lui comme une de ces peaux saisonnières que les serpents rejettent annuellement.

Son amour de la parabole, déjà très sensible dans le Divan, s’accentua cependant encore dans ses dernières productions poétiques, qui sont volontiers en forme d’épigramme et où les symboles se font toujours plus nombreux. La plus fameuse pièce des années qui suivent 1815 est l’Élégie de Marienbad (Marienbader Elegie), longue plainte qui semble tracer des cercles autour d’un cœur blessé et surtout d’un homme tourmenté et ébranlé pour avoir cru, un instant, que l’âge avait été aboli par la passion. La Trilogie de la passion (Trilogie der Leidenschaft), où est enchâssée cette élégie, renoue à la fois avec la fougue de la jeunesse et le renoncement qui fut le thème de l’âge mûr, donnant un aperçu du chemin parcouru.


« Poésie et vérité »

Le titre de l’autobiographie de Goethe, Poésie et vérité (Dichtung und Wahrheit), est comme un programme. Rédigé à partir de 1809, l’ouvrage est une narration, mais qui ne prétend pas à l’exactitude ; l’auteur demeure poète autant qu’historien.

À aucun moment, l’auteur ne cesse de présenter les faits et les hommes tels qu’il les a sentis, à travers sa propre sensibilité : tout y apparaît à travers une transposition poétique, rien n’y est imaginé, encore moins falsifié, mais on y trouve seulement ce qu’il a jugé digne de ce qu’il appelait volontiers la « vérité supérieure de la poésie ».

C’est à des personnages imaginés dès sa jeunesse, Wilhelm Meister et Faust, que le poète a consacré le travail de ses dernières années. À l’un et à l’autre, il fit faire de grands voyages : les œuvres qui en ont résulté sont l’une et l’autre attirantes et déroutantes ; elles demandent à être déchiffrées, encore que pour des raisons différentes et à des degrés divers.

Les Années de voyage de Wilhelm Meister (Wilhelm Meisters Wanderjahre) ont été publiées une première fois en 1821 puis remaniées, pour recevoir leur forme définitive en 1829.

Ce n’est pas un récit romanesque suivi, mais une série de nouvelles reliées par la présence, dans les chapitres intermédiaires, de personnages permanents ; ils viennent des Années de voyage ou bien sont apparus plus récemment au gré des épisodes qui émaillent les voyages de Wilhelm.

L’éducation demeure un des principaux thèmes ; l’auteur imagine même une « province pédagogique », où séjournera le propre fils de Wilhelm Meister, Félix. Partout domine l’idée de donner à chacun le métier qui lui convient ; chacun doit pouvoir exercer une activité, manuelle ou non, utile à la collectivité. Il faut d’abord former des hommes de métier ; on dirait aujourd’hui des techniciens.

Wilhelm aussi finit par trouver sa vocation en devenant chirurgien, et un groupe d’autres personnages partiront fonder une colonie en Amérique. D’autres pourtant, comme Makarie, demeurent voués à la contemplation et à la recherche. À certains moments, on est aux frontières de l’utopie, comme si l’auteur cherchait à deviner les traits d’un monde à venir.

À travers la seconde partie de la tragédie, le docteur Faust, lui, toujours accompagné de Méphistophélès, parcourt le temps et l’espace sur les ailes de l’imagination. On passe librement du Ciel à la Terre, du pays des ombres à la Terre des vivants, de l’Allemagne à l’Hellade. La « Nuit de Walpurgis » au second acte, la guerre qui remplit presque tout le quatrième prennent un caractère fantasmagorique ; les rêves du docteur Faust s’entremêlent avec des réminiscences venues de toutes parts. Le troisième acte, consacré à Hélène de Troie, est entièrement mythique ; Faust et Hélène, symboliquement unis par un mariage hors du temps, ont pour fils Euphorion, créature à demi réelle, qui se dissout dans les airs, comme un être de rêve.

Dans sa première partie, cette tragédie était celle d’un homme ; dans la seconde, c’est le monde qui est en cause, à travers les âges, les cultures et les empires.

Le Second Faust a été le dernier ouvrage du poète ; il y travaillait encore en 1831. Le pardon est accordé en fin de compte à Faust, parce qu’il a toujours voulu aller au-delà de lui-même.