Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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gérontologie (suite)

Cependant, à partir de cette démarcation se trouvent réunis un certain nombre de facteurs pathogènes, tant sur le plan biologique que sur le plan social, qui amènent à poser la question fondamentale et encore non complètement résolue de la distinction entre vieillissement normal et vieillissement pathologique d’une part, entre sénescence (processus de vieillissement) et sénilité (son résultat) d’autre part. Un des handicaps les plus gênants aux progrès de la gérontologie est la difficulté de transposer à l’homme les données obtenues sur l’animal, les longévités des différentes espèces n’obéissant pas à un seul critère (la taille par exemple), même si certains très petits animaux vivent très peu et certains grands mammifères beaucoup plus, et notamment plus que l’homme, il n’y a pas de rapport entre longévité et taille.

Au niveau de la biologie cellulaire, on se rallie maintenant à la théorie d’un vieillissement « programmé ». Parmi les cellules de l’organisme, les cellules renouvelables ne le seraient pas à l’infini, comme le montrent les cultures de tissus (même si ces cultures paraissent, dans certains cas, avoir une vie plus longue que celle de l’individu dont elles proviennent) ; d’autre part, les cellules non renouvelables auraient une vie définie selon une programmation génétique ; de plus, au cours de cette vie limitée, les erreurs métaboliques augmenteraient au fur et à mesure. Cela permet d’expliquer à la fois la diminution de poids de la plupart des organes et le déficit fonctionnel de ceux-ci.

Cependant viennent limiter cette détermination, dans un sens qui, jusqu’ici, tend au raccourcissement de la vie, des facteurs écologiques au sens large. Il pourrait y avoir une relation entre des facteurs exogènes et des facteurs endogènes, par exemple entre la température et le métabolisme*, ce qui éclaire et complique la question, car il devient plus difficile de repérer le rôle exact de chacun lors du vieillissement : on a pu ainsi se demander si l’abaissement de la température (considéré en général comme favorisant une diminution de réactions physico-chimiques) pouvait retarder le vieillissement. Des résultats expérimentaux contradictoires ne permettent guère de conclure, mais, de toute façon, on peut observer une modification du métabolisme avec l’âge. On a pu penser qu’un métabolisme bas serait favorable à une longévité accrue.

Il convient toujours de distinguer les études différentielles qui portent sur les espèces de celles qui portent sur les individus. En ce qui concerne les études différentielles sur l’homme, les recherches du Centre de Nuffield sur le vieillissement des aptitudes, exposées en partie par A. T. Welford dans Ageing an human skill, montrent le déficit brut avec le vieillissement de toutes les aptitudes, mais les différences suivant le type de tâches proposées permettent de prévoir des palliatifs pour que soit utilisé au mieux ce qui persiste de ces aptitudes. La principale caractéristique est l’augmentation de la durée du temps de réaction, qui peut avoir des aspects positifs.

En ce qui concerne l’intelligence, on a pu dire que le vieillissement agissait comme un facteur important de discrimination : les plus nantis se retrouvent moins déchus que les plus pauvres.

C’est dire l’incidence très grande de la prévention dans la gérontologie. À l’heure actuelle, la prévention ne peut consister qu’en l’atténuation des facteurs pathogènes : maladies somatiques et psychologiques, conditions défavorables du développement physique et psychique dues au contexte social. Les conditions favorables, si l’on entend par là le recul de la mort et la disparition des signes du vieillissement considéré prudemment comme « normal », sont encore à l’étude. Les études interdisciplinaires montrent d’énormes différences selon les régions et les catégories socio-économiques dans l’état de santé physique et le vieillissement des aptitudes. La sobriété est, sans aucun doute, à recommander en opposition au vieillissement prématuré, observé parmi ceux qui abusent surtout des lipides (des corps gras) et de l’alcool ; mais la résistance aux stress (aux contraintes) exige l’expérience du changement, d’autant plus que la démonstration est faite de la moindre adaptabilité des individus au cours du vieillissement.

La gérontologie, qui prit vraiment son essor avant la Seconde Guerre mondiale aux États-Unis, se développe rapidement en France, où se multiplient à la fois les recherches fondamentales sur le vieillissement et des tentatives d’application d’une politique de la vieillesse dans les domaines social et médical, étroitement intriqués. Un des points sur lesquels portent un grand nombre d’efforts est la recherche de prises en charge qui ne soient pas définitives, par exemple les soins de courte durée avec, à la suite, une hospitalisation à domicile renforcée par l’intervention d’institutions de jour. Il y a là un aspect très positif de la gérontologie, où l’on voit reculer l’avènement d’une déchéance dont on cherche à élucider les causes.

La gériatrie

Cette discipline s’est individualisée du fait de l’accroissement du nombre des personnes âgées, lui-même en rapport avec les progrès de la thérapeutique.

Jusqu’au début du xxe s., les vieillards sans famille ou ne pouvant pas être pris en charge par leur famille étaient groupés dans des hospices. Vu l’âge moyen de la vie, le plus grand nombre décédait après un bref séjour, le plus souvent de maladies banales, qu’on peut éviter ou enrayer actuellement : pneumopathies, infections diverses, escarres, troubles urinaires, etc.

Les médecins appelés à soigner les vieillards dans les hospices ou en ville ont vu, du fait des progrès de la médecine, s’accroître le nombre des cas où il n’existe pas, à proprement parler, d’état pathologique défini, mais où un ensemble de limitations ou d’entraves aux fonctions physiologiques constitue une véritable physiopathologie du vieillard.

La gériatrie envisage donc le vieillard dans son ensemble : c’est une forme de médecine générale, mais, en raison des aspects particuliers les plus fréquents observés en pathologie du vieillard, les services de gériatrie font fréquemment appel à certains spécialistes : cardiologues, rhumatologues, neuropsychiatres, ophtalmologistes.