Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

géométrie (suite)

L’appareil logique de la géométrie grecque a servi de modèle aux mathématiciens jusqu’à la seconde moitié du xixe s. Cette géométrie n’est cependant pas sans graves insuffisances. En particulier, tout ce qui est de caractère topologique y reste à l’état d’intuition pure, sans critique logique, un peu comme était purement intuitif, chez les Babyloniens et les Égyptiens, l’ensemble de la science.

Les documents permettant d’écrire l’histoire de la géométrie grecque du vie au iiie s. av. J.-C. sont rares et souvent incertains, et il serait assez vain d’en tenter une reconstitution.


Euclide

C’est avec les treize livres des Éléments d’Euclide* d’Alexandrie (ive-iiie s. av. J.-C.) dont la rédaction peut remonter v. 340 que commence vraiment cette histoire. Pendant deux millénaires, ces Éléments resteront un modèle inégalé d’élégance et de rigueur mathématique. On n’y trouve rien, ou presque rien, sur la géométrie de la sphère. Cependant, depuis qu’a été admise la sphéricité de la voûte céleste et établie celle de la Terre, cette surface est bien connue des savants.

Eudoxe de Cnide (v. 406 - v. 355) établit sa théorie astronomique des sphères homocentriques, et Aristote l’adopte. À la fin du ive s. av. J.-C., Autolycos de Pitane écrit deux traités, De la sphère en mouvement et Des levers et couchers des astres. Euclide lui-même traite dans les Phénomènes du mouvement de rotation uniforme d’une sphère autour d’un de ses axes. Cela prouve l’existence, au ive s., d’une théorie de géométrie sphérique, premier exemple d’une « géométrie non euclidienne ». Mais l’un des rares ouvrages sur cet argument qui soient connus, les Sphericæ de Théodose de Bithynie, se situe vers l’an 200 av. J.-C. C’est un traité élémentaire imitant le style d’Euclide.

Plus important est le traité du même nom écrit par Ménélaos d’Alexandrie à la fin du ier s. apr. J.-C., véritable étude systématique de géométrie sphérique. Il n’est connu en Occident que depuis le xviie s. par des traductions arabes. Il fournira à Ptolémée (v. 90 - v. 168) les propositions fondamentales de la trigonométrie sphérique.


Archimède

Les travaux géométriques d’Archimède* concernent surtout la géométrie de la mesure. Ils renferment de nombreuses propositions sur les sections coniques, soit simplement évoquées, soit démontrées. Ainsi, au iiie s. av. J.-C., ces courbes sont déjà bien connues des géomètres. Euclide écrit sur elles un traité, et Conon de Samos (iiie s. av. J.-C.), astronome ami d’Archimède, y consacre une partie de ses travaux.


Apollonios

Mais le traité d’Apollonios de Perga (v. 262 - v. 180) les Coniques amène, par son grand succès, la disparition des œuvres didactiques de ses prédécesseurs.

Courbes et surfaces. Les Grecs ont connu et étudié un certain nombre de courbes ou de surfaces. Parmi ces dernières — outre les cônes et les cylindres, la sphère et les conoïdes et sphéroïdes d’Archimède (paraboloïde de révolution, hyperboloïde de révolution à deux nappes, ellipsoïde de révolution) — figure le tore. Les divers tores — ouvert, fermé, rentrant — portent le nom de surface spirique. Il ne reste que quelques allusions sur les recherches qu’ils ont occasionnées. De même, notre hélicoïde à plan directeur apparaît, sous le nom de surface plectoïde, ou tressée, dans Pappus d’Alexandrie (ive s. apr. J.-C.), en corrélation avec des travaux d’Archimède et d’Apollonius.

Parmi les courbes autres que les coniques, la spirale d’Archimède (ρ = a ω) donne lieu à de nombreuses études. Apollonios étudie l’hélice cylindrique, et d’autres géomètres l’hélice conique et surtout les hélices sphériques, décrites par un point se déplaçant d’un mouvement uniforme sur un méridien tournant lui-même d’un mouvement uniforme.

La quadratrice dite « de Dinostrate » (ive s. av. J.-C.) ou « d’Hippias d’Élis » (seconde moitié du ve s. av. J.-C.) est une courbe plane transcendante analogue aux précédentes. À côté de ces lignes, toutes obtenues par des combinaisons de mouvements uniformes, rectilignes ou circulaires, figurent les « spiriques », sections planes de tores, la conchoïde de Nicomède (iie s. av. J.-C.) et la courbe de Dioclès (fin du iie s. - début du ier s.), appelée plus tard cissoïde, toutes deux utilisées dans la duplication du cube, la première servant aussi et surtout à la trisection de l’angle.


Les Arabes

Les Arabes, s’ils n’atteignent jamais le haut niveau des grands classiques grecs, jouent dans la conservation et la transcription des acquis scientifiques un rôle de premier plan.


L’Occident

En Occident, ce n’est guère qu’au xiie s., au contact des savants arabes ou juifs d’Espagne et de Sicile, qu’un renouveau de l’esprit géométrique se fait sentir, mais il faut attendre le xvie s. pour assister à une vraie renaissance. On voit alors fleurir en Italie toute une littérature sur les constructions à la règle et au compas, problèmes assez délaissés par les Grecs, et surtout se développer les techniques de la perspective qui, dans les siècles suivants, vont bouleverser les conceptions géométriques.


La géométrie de Descartes

Le xviie s. amène une double révolution. S’inspirant des conceptions de François Viète* (1540-1603), René Descartes* (1596-1650), Pierre de Fermat* (1601-1665) et, à un moindre degré, Gilles Personier de Roberval (1602-1675) créent, vers 1630, la géométrie analytique par une application des techniques de l’algèbre à la géométrie. Cette nouvelle discipline, si elle se fonde sur la géométrie euclidienne, en élargit singulièrement les possibilités et prépare l’unification des mathématiques.


La géométrie projective

Par l’introduction d’éléments à l’infini, Girard Desargues (1593-1662) crée la géométrie projective. Deux droites parallèles ont un point commun « à distance infinie », deux plans parallèles se rencontrent sur une droite « à distance infinie de toutes parts ». L’espace arguésien comprend ainsi l’espace euclidien, mais en est une extension qui révélera ultérieurement toute sa richesse.