Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Gênes (suite)

Gênes, ville d’art

Sa richesse lui a permis de figurer depuis le xie s. parmi les principaux centres artistiques de l’Italie. On discerne dans l’art génois une tendance habituelle au faste, ainsi qu’une importante participation des écoles étrangères.

Plusieurs édifices médiévaux témoignent de l’essor du pouvoir communal : la porta Soprana, de 1155, reste des fortifications de la ville ; le palais dit « de San Giorgio », élevé en 1260 pour les capitaines du peuple ; des portiques du xiiie s. le long du port. Les plus belles demeures patriciennes (xiiie-xve s.) sont celles des Doria, sur la piazza San Matteo. Les églises de style roman ont pour décoration extérieure des bandes horizontales en marbre alternativement clair et sombre. Santa Maria di Castello, Santissimi Cosma e Damiano, San Donato remontent au xie s. À San Matteo, rebâti à partir de 1278, le style gothique apparaît à l’intérieur et dans le cloître. Commencée vers 1100, la cathédrale San Lorenzo date surtout du xive s., mais la tradition romane y inspire encore les colonnades de la nef, non voûtée, ainsi que la façade, dont le triple portail offre un riche décor sculpté.

Si Gênes connut au xve s. les prémices de la Renaissance, ce fut grâce à des artistes du dehors. Le meilleur exemple en est la chapelle Saint-Jean-Baptiste à la cathédrale. Dès 1448, la famille lombarde des Gagini travaillait à sa clôture de marbre, d’une invention exubérante. Pour les niches de l’intérieur, Matteo Civitali (1436-1501), de Lucques, sculpta six figures de l’Ancien Testament, remarquables par leur réalisme expressif ; les deux dernières statues, saint Jean-Baptiste et la Vierge, furent commandées en 1501 au Toscan Andrea Sansovino*, plus classique. La peinture de cette époque est faite aussi d’apports étrangers, qui prouvent l’éclectisme de la clientèle génoise. Santa Maria di Castello conserve ainsi un polyptyque du Piémontais Giovanni Massone (v. 1433 - v. 1500) et une fresque de 1451 par l’Allemand Giusto de Ravensburg ; San Donato, le triptyque de l’Adoration des Mages par Joos Van Cleve (v. 1485-1540).

C’est le mécénat d’Andrea Doria qui introduisit à Gênes, dans le deuxième quart du xvie s., la Renaissance florentine et classique. Le nouveau palazzo Doria, bâtiment à un seul étage, doit l’essentiel de sa décoration intérieure à Perin del Vaga (v. 1501-1547), élève de Raphaël ; les fresques y sont encadrées de stucs, à l’exemple des Loges du Vatican. Giovanni Angelo da Montorsoli (1507-1563) ajouta au palais une grande loggia à arcades.

La Renaissance génoise trouva son plein épanouissement dans la seconde moitié du xvie s. C’est un architecte ombrien, Galeazzo Alessi (1512-1572), qui en fut l’animateur. Arrivé à Gênes en 1548, il donna peu après les dessins de l’église Santa Maria di Carignano, s’inspirant du projet de Bramante* pour Saint-Pierre de Rome. Mais son génie se révéla plutôt dans l’architecture civile et l’urbanisme. Alessi conçut en effet un plan d’extension de la ville axé sur une voie triomphale, la strada Aurea (auj. via Garibaldi). Celle-ci est bordée de palais fastueux, construits à partir de cette époque par les familles les plus puissantes. Il n’est pas facile de déterminer la part exacte d’Alessi dans leur exécution. Parmi ceux qui reflètent au moins sa pensée, le plus grandiose est le palais Doria-Tursi (auj. Municipio), commencé en 1564, dont l’architecture génoise a souvent imité la façade à bossages et surtout la perspective intérieure à niveaux ascendants. D’autres palais de la même époque se distinguent du type alessien par leur décoration plus opulente. À proximité de la ville, les patriciens firent construire pour leur agrément de nombreuses villas. Alessi en dessina plusieurs, telle la villa delle Peschiere, selon un type défini par le plan ramassé et la présence d’une loggia au centre de la façade.

À cette époque, palais et villas, comme certaines églises, ont procuré un champ d’activité à des peintres parfois étrangers, plus souvent autochtones. Décorateurs féconds, ceux-ci relèvent du maniérisme par leurs fresques encadrées de stucs, aux sujets tirés de la mythologie ou de l’histoire romaine. Antonio Semino (v. 1485 - v. 1555) ou Giambattista Castello (il Bergamasco, v. 1509-1569, également architecte) comptent parmi les représentants du genre. Aucun n’égale Luca Cambiaso (1527-1585), dont les compositions les plus ambitieuses ornent la chapelle Lercari, à la cathédrale, et le grand plafond de la villa Imperiali (Enlèvement des Sabines).

Les palais de la période baroque restent souvent fidèles aux traditions de la Renaissance. C’est ainsi que Bartolomeo Bianco († v. 1651) s’est inspiré d’Alessi dans ses palais de style sobre et majestueux, surtout celui de l’université, commencé en 1623 selon le type du palais Doria-Tursi. Parmi les églises construites ou décorées dans le goût baroque, celle de l’Annunziata offre l’intérieur le plus somptueux. D’autres abritent des statues de Pierre Puget*, le grand sculpteur provençal, qui travailla à Gênes de 1660 à 1668 (deux figures de saints à Santa Maria di Carignano, une Immaculée à San Filippo Neri). Dans les palais, la sculpture baroque est représentée par Giacomo Filippo Parodi (1630-1702) et Francesco Schiaffino (1689-1765). Le mobilier génois a connu son apogée dans la première moitié du xviiie s. ; on y relève l’influence française ou celle des Pays-Bas, mais aussi un usage original de la polychromie.

Gênes doit à l’âge baroque une brillante école de peinture. Églises, palais et villas en offrent le témoignage, de même que les deux pinacothèques du palazzo Bianco et du palazzo Rosso. Une fois de plus, il faut signaler la part des peintres étrangers. Visitant Gênes en 1607, Rubens* peignit une Circoncision pour le maître-autel de San Ambrogio ; la même église devait recevoir en 1620 le Miracle de saint Ignace, l’une des grandes compositions de sa maturité. Entre 1621 et 1625, Van Dyck* fut le peintre favori de l’aristocratie génoise. Nombreux jusqu’au milieu du xviiie s., les peintres autochtones ont subi maintes influences. Le clair-obscur et le naturalisme du Caravage* trouvent un écho chez Giovanni Andrea Ansaldo (1584-1638), Domenico Fiasella (1589-1669), Gioacchino Assereto (1600-1649), etc. L’influence flamande est sensible chez Bernardo Strozzi (il Cappuccino, 1581-1644), célèbre surtout par ses tableaux de chevalet, à la touche grasse et à la palette généreuse, répandus dans les collections mondiales. La vigueur du réalisme de Strozzi est attestée par l’Intérieur de cuisine du palazzo Rosso. Giovanni Benedetto Castiglione (1610-1665) fait aussi figure de réaliste, mais dans un genre plus délicat. Son dessin est nerveux, sa touche raffinée. Dans ses tableaux, très dispersés, les animaux occupent beaucoup de place. D’autres peintres, plus typiquement baroques, ont été surtout d’habiles décorateurs : Giovanni Battista Carlone (1592-1677) et son fils Giovanni Andrea (1639-1697) ; Valerio Castello (1625-1659), à la touche légère et au coloris original ; Domenico Piola (1628-1703), dont le plafond de l’Aurore, au palazzo Rosso, fait goûter la manière brillante et lumineuse ; Domenico Parodi (1668-1740), auquel on doit la décoration de la galerie des Miroirs, au palazzo Durazzo (dit « Reale »). Les musées du monde permettent de mieux connaître le singulier Alessandro Magnasco (1667-1749). Son imagination s’exprime dans des scènes satiriques ou hallucinantes, dont les figures sont des moines de fantaisie, des mendiants, des sorciers, campés d’une touche fiévreuse et frappés d’une lumière irréelle.

La tendance néo-classique domine l’architecture dans la seconde moitié du xviiie s., comme l’atteste le Palais ducal, reconstruit après un incendie. Le xixe s., à Gênes comme ailleurs, a fait régner l’éclectisme.

B. de M.

 J. de Foville, Gênes (Laurens, 1908). / L. Canonero, Barocchetto Genovese (Milan, 1962). / E. De Negri et coll., Le Ville Genovesi (Gênes, 1967). / V. Belloni, Pitture genovese del Seicento (Gênes, 1969).
Guide du Touring Club italien : Liguria.