Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Gênes (suite)

À la base de ces institutions se trouve la compera, prêt consenti à la commune par la vente à des particuliers de parts amortissables dans un délai plus ou moins long, les luoghi, d’une valeur nominale de 100 livres et d’une valeur marchande très variable. Devenue l’association des porteurs de parts d’un emprunt public, la compera se voit attribuer la propriété d’une gabelle qu’elle afferme et dont les revenus servent à verser un intérêt à chacun de ses membres. Se multipliant au rythme des emprunts publics, ces compere fusionnent en 1407, à l’instigation du gouverneur français Jean II Boucicaut, en une Casa di San Giorgio, bientôt administrée par un Ufficio dei procuratori di San Giorgio, qui prend en charge les finances et l’économie de la ville au nom de ses créanciers. Ne pouvant empêcher l’occupation par les Turcs des comptoirs de la mer Noire (perte de Kaffa en 1475) et de l’Égée, à la seule exception de Chios, qui ne tombe qu’en 1566, les marchands génois orientent leurs activités maritimes vers l’Afrique du Nord (expédition de Antonio Malfante vers le Touat en 1447) et vers l’Atlantique, où l’apogée de leur activité se situe à Southampton vers 1466 (traité commercial) et à Bruges vers 1469. Avec Luigi Doria, établi à Marseille en 1462, ils étendent sur la France leur réseau d’affaires. De Barcelone, de Séville, de Lisbonne enfin, ils partent à la conquête des finances aragonaises, des produits agricoles de Grenade et des Açores (canne à sucre), de l’or du Soudan, auquel s’intéresse la famille des Centurione, qui a sans doute contribué à faire prendre le décret de 1447, stabilisant la monnaie génoise par rapport au seul étalon or. Au métal précieux s’intéresse également un facteur des Centurione, Christophe Colomb*, qui, de Lisbonne, gagne Madère (1479), puis les côtes de Guinée avant de partir vers l’ouest à la découverte de l’Amérique (1492).

Malgré l’importance de ses industries (constructions navales, draperies, soieries, velours de soie), Gênes est devenue en fait à la fin du xve s. une grande place bancaire internationale, dont les foires de change maintiennent le rayonnement financier au xvie s. Peuplée de plus de 100 000 habitants dès 1450, la ville, dont François Ier et Charles Quint se disputent le contrôle, tombe finalement sous la domination espagnole, qui s’y exerce par l’intermédiaire de l’amiral Andrea Doria (1466-1560), qui la dote en 1528 d’une constitution aristocratique qui la transforme en république marchande.


La fin de l’État génois

Détruite aux trois quarts par la flotte de Louis XIV en mai 1684, contrainte de céder la Corse à la France en 1768, érigée en république Ligurienne en 1797, annexée à l’Empire français en 1805, à la Sardaigne en 1815, Gênes participe en vain à la révolution de 1848-49 avant d’accepter son intégration politique et économique définitive au Piémont, puis à l’Italie.

P. T.


Les phases du développement urbain

L’agglomération actuelle s’étend sur 24 km d’est en ouest, de Nervi à Voltri, et s’enfonce, le long des vallées, d’une quinzaine de kilomètres ; quant aux collines, elles sont peu à peu urbanisées. C’est là le résultat d’une longue évolution. Le noyau primitif se trouvait au sud-est de l’actuel « Porto Vecchio », sur la colline de Sarzano. Jusqu’au milieu du xixe s., Gênes est restée tassée autour de la baie du Vieux Port, même si ses murailles limitaient un espace plus vaste. Les constructions en hauteur sont déjà de règle et enserrent les palais que les riches marchands peuvent faire bâtir. Le petit noyau préromain et la bourgade romaine sont remplacés au Moyen Âge par une puissante république maritime, mais qui n’a que peu de rapports avec son arrière-pays. Une nouvelle vocation pour Gênes va naître avec l’unité italienne. Le rôle du grand port national et industriel s’affirme, et la ville va s’étendre rapidement. En 1874, Gênes annexe le territoire de six communes dans la vallée du Bisagno. Les progrès économiques urbains exigent en 1926 de nouvelles extensions ; dix-neuf communes, tant à l’ouest qu’à l’est, sont incluses dans la « Grande Genova ». Tout au long de ces années, les travaux d’aménagement urbain se continuent, et la ville apparaît encore comme un vaste chantier dans de nombreux quartiers.


Les fonctions actuelles

Gênes est un foyer d’intense activité, qui attire de nombreux travailleurs de toute l’Italie. Lors du dernier recensement (1961), la population active (240 000) se partageait à peu près également entre secteur tertiaire et secteur industriel. Cela marque bien l’originalité génoise, à la fois ville commerciale et manufacturière. Toute l’organisation économique gravite autour du port.

Rival direct de Marseille en Méditerranée, le port, avec un trafic supérieur à 50 Mt de marchandises, plus de 500 000 passagers et un mouvement total de navires supérieur à 10 000 unités, assure le quart du commerce extérieur national (et le quart aussi de celui de la Suisse). Il a 45 km2 de superficie et 22 km de quais ; il peut abriter 200 navires. Son aménagement s’est fait en quatre phases. Au départ, on a utilisé la baie naturelle en créant des ouvrages de protection (Molo Vecchio en 1283, Molo Nuovo en 1642, bassin « delle Grazie » en 1888). De 1927 à 1936, on crée la digue du Large, parallèle à la côte, en face de Sampierdarena. De 1938 à 1968, on gagne 250 ha sur la mer pour bâtir l’usine sidérurgique Sinigallia et l’aéroport Cristoforo Colombo, et l’on construit une digue abritant le nouveau port pétrolier de Multedo. Depuis 1968, un autre port est en construction à Voltri. Plus de 85 p. 100 du trafic total sont formés par des entrées de marchandises ; parmi elles, les hydrocarbures représentent 70 p. 100 du tonnage. Aux sorties, les produits manufacturés l’emportent. Près de la moitié des produits importés restent en Ligurie, 30 p. 100 vont vers la Lombardie et 15 p. 100 vers le Piémont. Il convient d’ajouter à l’activité portuaire celle de l’aéroport, dont le mouvement « passagers » est de l’ordre du demi-million.