Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Gaule (suite)

Dans l’intervalle, de nouvelles arrivées d’envahisseurs font de pires ravages. En 275, un grand déferlement dévaste toutes les grandes villes. La vaisselle de bronze gauloise qu’on trouve alors dans les tombes de Germanie paraît démontrer que les Barbares sont repartis avec leur butin. C’est alors (sous Probus, 276-282) que l’on entreprend d’entourer les villes de remparts. Les fondations sont faites de débris de constructions, sommairement entassés, tandis que la partie supérieure des murailles est d’un appareil soigné : tout s’est passé comme si un vent de panique avait soufflé au départ. Ces enceintes du Bas-Empire sont d’une étendue restreinte, vingt ou trente hectares, beaucoup moindre que celle des villes du Haut-Empire, soit que la population ait beaucoup diminué, soit qu’on se soit entassé. Ceux qui l’ont pu sont partis s’établir dans les campagnes : on a fui les villes privées d’eau par la destruction des aqueducs.

L’aristocratie s’est réfugiée dans ses vastes villae qui, fortifiées elles aussi, commencent à faire figure de châteaux. Elles sont le centre de vastes domaines où tout peut se produire, et où l’on pratique une économie fermée : l’abondance de l’effectif tant d’esclaves que de paysans libres venus se réfugier sous la protection d’un puissant personnage, et d’ailleurs guère mieux traités, permet d’avoir des représentants de tous les corps de métier.

La Gaule connaît, au ive s., de meilleurs moments. Elle a été réorganisée en dix-sept provinces pour diviser le pouvoir des fonctionnaires et mieux centraliser le pouvoir. L’État prend une part active au ravitaillement des villes et, pour cela comme pour ses fonctionnaires, prélève des impôts en nature. Au milieu du siècle, la Gaule trouve un brillant défenseur en la personne de Julien (361-363), petit-neveu de Constantin, qui s’établit à Lutèce dans l’intervalle de ses campagnes efficaces contre les Germains et y est acclamé Auguste par ses soldats (360). Lui disparu, les invasions reprennent. Valentinien Ier (364-375) installe sa capitale à Trèves. Valentinien II (375-392) charge un Franc, Arbogast, de chasser ses congénères du nord de la Gaule, mais Arbogast le renverse au profit d’un autre empereur. En fait, la défense de la Gaule, assurée épisodiquement, finit par s’effondrer complètement. La Gaule continue à se considérer comme romaine, bien que la civilisation s’y barbarise insidieusement.


Le christianisme

Une force est née et a grandi au milieu de ces désordres, l’Église chrétienne. Implanté d’assez bonne heure dans la vallée du Rhône, le christianisme ne pénètre que lentement au cœur des campagnes. Du temps de Marc Aurèle datent les premiers martyrs (Vienne et Lyon, 177). La tradition dit que saint Cyprien* avait envoyé sept apôtres évangéliser les sept plus grandes villes de la Gaule. En fait, c’est sous l’empire chrétien seulement que le christianisme put s’épanouir. Il eut ses grands hommes : saint Hilaire de Poitiers (v. 315 - v. 367), théologien, Cassien (v. 350 - apr. 432), fondateur du monachisme marseillais, et surtout saint Martin de Tours (v. 316-397), évangélisateur des paysans, qu’il sut arracher à un paganisme très enraciné. Les évêques devinrent les défenseurs de fait des cités romaines, leurs chefs moraux et même les représentants les plus considérés de la romanité d’alors, car les qualités de romain et de chrétien acquéraient une certaine similitude. Ce fait donne de l’importance au baptême, vers 496, de Clovis*, chef franc qui, après avoir absorbé le dernier gouvernement romain, dit « royaume de Syagrius » (dans le Bassin parisien), a réussi à refaire l’unité territoriale de la Gaule sous son autorité et à rallier à celle-ci toute la chrétienté gallo-romaine (v. Mérovingiens).

Camille Jullian

Historien de la Gaule (Marseille 1859 - Paris 1933). Professeur à la faculté des lettres de Bordeaux (1883), puis au Collège de France (1905), il composa de nombreux ouvrages historiques, dont une Histoire de Bordeaux (1895), Vercingétorix (1901), Au seuil de notre histoire (1930-31) et surtout sa grande Histoire de la Gaule (1908-1927). Il a su raconter les vicissitudes du pays en mettant l’accent sur la permanence des conditions locales à travers les âges et les générations. Il a donné l’exemple de l’analyse des terroirs et a fait découvrir l’évolution des villes au Bas-Empire. Son œuvre est malheureusement entachée d’hypothèses qui se sont révélées erronées (l’extension excessive accordée aux Ligures, l’origine monarchique des druides), et son attachement à la Gaule l’a fait critiquer exagérément le génie latin et la paix romaine. Au fatalisme mâtiné de gallophobie de Theodor Mommsen, pour qui la Gaule était un pays décadent, Jullian opposa l’hypothèse d’une Gaule qui aurait pu vaincre les Romains : selon lui, si Vercingétorix avait vaincu, la Gaule aurait progressé sur les voies d’une civilisation originale, au lieu de se fondre dans celle de la Méditerranée gréco-latine.

R. H.

➙ Alésia / Celtes / César / France / Rome / Vercingétorix.

 C. Jullian, Histoire de la Gaule (Hachette, 1907-1927 ; 8 vol. ; rééd. Culture et civilisation, Bruxelles, 1963). / J. Déchelette, Manuel d’archéologie préhistorique, celtique et gallo-romaine (Picard, 1908-1914 ; 6 vol. ; 2e éd., 1927-28 ; 4 vol.). / G. Dottin, la Langue gauloise (Klincksieck, 1920). / A. Grenier, les Gaulois (Payot, 1945 ; nouv. éd., 1970). / F. Lot, la Gaule (Fayard, 1947 ; nouv. éd., 1967). / E. Mâle, la Fin du paganisme en Gaule (Flammarion, 1949 ; nouv. éd., 1962). / P. M. Duval, la Vie quotidienne en Gaule pendant la paix romaine (Hachette, 1953) ; les Dieux de la Gaule (P. U. F., 1957) ; la Gaule jusqu’au milieu du ve siècle (Picard, 1971 ; 2 vol.). / L. Lengyel, l’Art gaulois dans les médailles (Corvina, 1954). / E. Griffe, la Gaule chrétienne à l’époque romaine (Picard, 1957 ; 2 vol. ; nouv. éd., Letouzey, 1965 ; 3 vol.). / J.-J. Hatt, Histoire de la Gaule romaine (Payot, 1959 ; 2e éd., 1966). / F. Benoit, Mars et Mercure (Ophrys, Gap, 1961) ; Recherches sur l’hellénisation du midi de la Gaule (Ophrys, Gap, 1965) ; Arts et dieux de la Gaule (Arthaud, Grenoble, 1970). / F. Le Roux, les Druides (P. U. F., 1961). / R. Latouche, Gaulois et Francs de Vercingétorix à Charlemagne (Arthaud, 1965). / E. Thévenot, Divinités et sanctuaires de la Gaule (Fayard, 1968). / G. Barruol, les Peuples préromains du sud-est de la Gaule (De Boccard, 1969). / A. Moreau, Dictionnaire de géographie historique de la Gaule et de la France (Picard, 1971).