Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Gaule (suite)

La venue des Celtes

Après avoir dit parfois que les Celtes n’étaient pas venus en Gaule, mais étaient des autochtones (Ferdinand Lot), ou situé leur venue à une date très tardive (C. Jullian), on préfère aujourd’hui l’hypothèse d’infiltrations lentes ou de vagues successives d’envahisseurs.

La civilisation dite « des Champs d’urnes » commence v. 1100-1000 av. J.-C. dans l’est de la Gaule et se caractérise par des progrès dans la technique agricole, par une métallurgie améliorée du bronze et par des tombes à incinération, dans de grands cimetières, des champs d’urnes. Elle n’est pas propre à la Gaule, mais s’étend aux Pays-Bas, au haut Danube. On hésite à parler de Celtes à son propos, et les populations sont parfois désignées du qualificatif de préceltique.

L’époque de la civilisation de Hallstatt, qui suit (v. 900 [ou v. 725 selon J.-J. Hatt] - v. 450 av. J.-C.) et qui tient son nom d’une station du Salzkammergut, se situe au début de l’âge du fer. Alors se constitue une civilisation guerrière qui se reconnaît à ses sépultures : les chefs se font inhumer avec des épées de fer, sur la caisse d’un char dont les quatre roues sont rangées le long de la paroi de la chambre funéraire, sous un tumulus. Issue de la Bohême, cette civilisation s’est étendue sur une région qui se situe à cheval sur le Rhin et dont on a pu définir les limites comme « une sorte de royaume d’Austrasie préhistorique » (Albert Grenier). Elle était en contact avec les Étrusques et les Grecs, dont elle savait se procurer les œuvres d’art (amphores du Camp du Château, dans le Jura ; trésor de Vix, à l’extrême fin de la période). On est fondé à qualifier de Celtes les tenants de cette civilisation, et ceux-ci sont apparus en tant que nation dans les mêmes cadres chronologiques et géographiques. Ils se sont alors répandus parfois très loin en Gaule et l’ont même traversée pour gagner la péninsule Ibérique.

La civilisation de La Tène (ve-ier s. av. J.-C., fer récent) est, elle, la civilisation celtique par excellence. C’est la période où le monde celte prend conscience de lui-même, et aussi l’époque de l’invasion la moins discutée des Celtes les plus authentiques, cela sous la poussée des Germains ou, selon une théorie plus récente, sous l’effet d’un changement climatique refroidissant l’atmosphère et inondant les vallées. Cette civilisation possède une puissante originalité. Les sépultures contiennent des chars à deux roues, du matériel d’importation (casques), mais aussi des interprétations originales, exprimant le goût des formes contournées et de la stylisation des animaux (vases de bronze, bracelets, colliers), à partir d’apports extérieurs (étrusques, grecs, scythes).

Au ive s., la population paraît dans le centre de la Gaule densément celtique : c’est d’ailleurs la région dite « Gaule Celtique », et qui aurait été en un temps (fin du vie s. av. J.-C.) soumise à la domination d’Ambigat, roi biturige, « sorte de Charlemagne celtique ». Mais ce détail n’est nullement sûr. Sur la côte méditerranéenne, les Celtes s’infiltrent parmi les populations antérieures et leur apportent certains éléments culturels, que ce soit en pays ligure (Entremont, Roquepertuse) ou non (Ensérune, en Languedoc, où la civilisation des « indigènes » est remplacée à partir de 425 av. J.-C. par une autre, d’allure celto-grecque). Les Grecs de Marseille sont attaqués à plusieurs reprises.

L’Aquitaine était peuplée d’hommes plus proches des Ibères que des Celtes : ils étaient réputés experts en ruses de guerre, et les données toponymiques se prêtent à des discussions (origine ibérique, ou d’une autre langue, voisine ?). Il est certain que les Aquitains ont eu leurs dialectes, et aussi qu’ils ont été mêlés de Celtes (présents dans les Pyrénées dès la fin de la période de Hallstatt), puis plus tardivement d’Ibères.

L’Armorique n’a été pleinement celtisée qu’à la fin de l’Antiquité, à la faveur d’une invasion venant de la Bretagne insulaire. À l’époque gauloise, elle était peuplée de marins audacieux et ne s’est laissé pénétrer par les influences continentales qu’à l’époque de La Tène. La tradition des mégalithes y a survécu, atténuée dans l’édification des lechs, qui les rappellent tout en surmontant des sépultures de type celtique.

Le dernier flot d’invasion des Celtes continentaux est celui des Belges, arrivés à partir de 300 et peut-être jusqu’à 150 av. J.-C. Ils sont bien celtes, encore que César les ait crus germains. Il est vrai que la distinction entre Celtes et Germains s’est faite à une époque tardive et que l’Antiquité classique appelait simplement Germains ceux qui traversèrent le Rhin après la prise de contact de Rome avec la Gaule, c’est-à-dire après le flot des Belges. Les Belges, venus d’outre-Rhin — comme leurs prédécesseurs, ainsi dits « Celtes », et leurs successeurs, qualifiés de Germains —, se sont répandus de l’Argonne à la Manche, où ils n’ont fait que se superposer aux premiers arrivés. Leur civilisation correspond à La Tène II. César fait état de leurs mœurs, de leurs institutions originales et de leur parler, un peu différent de celui des autres Gaulois. On leur attribue des tombes plates à incinération.


L’histoire politique de la Gaule avant la conquête romaine

L’histoire politique de la Gaule émerge alors. Après la mise en place des peuples celtes, désormais gaulois, la Gaule entre dans une période nouvelle : les tentatives d’invasion continuent, mais elles sont désormais vouées à l’échec. Les Cimbres et les Teutons déferlent de 113 à 101 av. J.-C. sur la Gaule, qui s’en trouve appauvrie (décadence de La Tène III), mais ils sont battus par les soldats de Caius Marius. Il apparaît ainsi que, dès l’origine, la présence romaine contribue efficacement à la stabilisation des populations.

L’histoire intérieure de la Gaule avant l’intervention romaine est à peu près complètement inconnue. Elle fut agitée de querelles entre peuples divers, et la possibilité d’une unité politique de quelque étendue resta hypothétique : après l’Empire biturige plus ou moins légendaire d’Ambigat, les Arvernes, puis les Éduens ont acquis momentanément une relative hégémonie en Gaule. Mais l’état politique ne s’y prêtait pas. On a pu comparer le compartimentage entre peuples à celui des cités grecques. Chaque peuple pouvait d’autant mieux s’isoler que son terroir s’y prêtait. Ces terroirs correspondaient souvent à des régions géographiques naturelles, au paysage original et aux confins marqués par une barrière forestière. Leur existence aurait d’ailleurs résulté de la fusion d’unités plus petites, les pagi, à la fois unités militaires, groupes humains, puis zones territoriales.