Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Gand (suite)

L’universalité de la peinture gantoise s’affirma à travers l’œuvre de deux de ses plus grands peintres du xve s. : en premier lieu, Hugo Van der Goes*, doyen de la guilde de Gand de 1474 à 1476, diffusa l’influence flamande en Italie et dans les régions rhénanes. L’Italie du quattrocento reçut et admira son retable des Portinari (Offices, Florence), commandé par l’agent des Médicis en Flandre et qui valut à l’artiste une renommée sans précédent. Le second des grands peintres gantois, Joos Van Wassenhove (v. 1435/1440 - apr. 1480), dit Juste de Gand, triompha à la cour d’Urbino*. Au xve et au xvie s., un vaste atelier de peintres miniaturistes se développe à Gand, en liaison avec Bruges* et parfois avec la cour de Bourgogne*, comme le laisse supposer l’œuvre du Maître de Guillebert de Metz, actif pendant la première moitié du xve s. L’art de ce dernier demeure très proche de celui du Maître du privilège de Gand, connu par son manuscrit du musée de Vienne. Au xve s., Gheraert Horenbaut (v. 1465-1540) procède encore d’Hugo Van der Goes. La famille des Bening, enlumineurs très actifs, travaille à Gand et à Bruges entre 1470 et 1560 ; Simon Bening (1483-1561) exprime un sentiment nouveau de la nature, dont s’inspirera Pieter Bruegel*.

Le xvie s. est l’âge d’or de l’architecture gantoise : un style gothique très fleuri s’y juxtapose aux éléments de la Renaissance, comme on le voit à l’hôtel de ville. Cet édifice aurait dû être le plus important de Belgique sans les luttes religieuses qui interrompirent sa construction au xvie s. La cathédrale Saint-Bavon, dont la construction s’échelonne de 1228 à 1628, illustre plusieurs styles : type français dans les piliers du chœur et du déambulatoire, type brabançon dans ceux de la nef et du transept. Cette constance de la tradition architecturale gantoise, où s’harmonisent des styles divers, apparaît plus encore dans l’église Saint-Michel, commencée en 1440 et achevée au xviie s., dans le petit béguinage Notre-Dame, fondé en 1234 et reconstruit en 1600, et aussi le long des quais, où les pignons ornés du xvie s. voisinent avec la maison romane de l’Étape. Les vestiges de la puissante féodalité gantoise se retrouvent dans le château des comtes, fondé au ixe ou au xe s., ainsi que dans le célèbre beffroi (1313-1321), haut de 91 m, garni de statues d’hommes d’armes et surmonté d’un dragon de cuivre doré. Attenant au beffroi, la halle aux Draps (1426-1441) témoigne de la puissance commerciale européenne des textiles gantois.

La ville ne devait retrouver cette vitalité économique et artistique qu’au xixe s. C’est à Sint-Martens-Latem (Laethem-Saint-Martin), à quelques kilomètres au sud de Gand, que travaillèrent entre 1893 et 1903 deux jeunes artistes gantois : le peintre Valerius de Saedeleer (1867-1941) et le sculpteur Georges Minne (1866-1941). Représentants d’une tendance spiritualiste, ils furent suivis plus tard par un second groupe d’artistes, tous natifs de Gand, qui firent de l’expressionnisme* une source de l’art belge contemporain.

P. H. P.

Gāndhāra

Région du nord-ouest de l’Inde ancienne — déjà mentionnée à l’époque védique —, qui correspond essentiellement à l’actuel district de Peshāwar (anc. Puruṣapura), mais qui réunissait sans doute le Pendjab occidental et l’est de l’Afghānistān.


On la considérera ici du point de vue de son art.

Gagné au bouddhisme* dès le règne d’Aśoka* au moins, le Gāndhāra deviendra, sous la domination kuṣāṇa (kushāna) et en particulier au temps de Kaniṣka (Kanishka), l’un des principaux foyers de culture bouddhique. L’art original qui s’y développera alors, souvent défini du nom évocateur de gréco-bouddhique, jouera un rôle éminent dans l’évolution de l’iconographie, une situation géographique privilégiée ayant largement favorisé l’élaboration et le rayonnnement d’un art né de la rencontre de la pensée indienne et d’une esthétique profondément imprégnée de traditions hellénistiques plus ou moins modifiées au cours de leur cheminement vers l’est. Avec les vestiges de trois cités successives (Bhiri Mound, fondée vers le vie s. av. J.-C. ; Sirkap, ville indo-parthe fondée par les Grecs de Bactriane ; Sirsukh, ville des Kuṣāṇa), la capitale du Gāndhāra, Taxila (Takṣaśilā), est un site d’une importance considérable, parce que établi au carrefour des routes unissant le subcontinent indien à l’Asie occidentale, au monde méditerranéen et, par l’Asie centrale, à l’ensemble du monde sinisé.

La date d’apparition d’une école qui rompt délibérément avec les traditions iconographiques du bouddhisme ancien a suscité autant d’hypothèses et de controverses que le problème de ses sources d’inspiration. Pourtant, on admet généralement que, formée au cours du ier s. apr. J.-C., cette école se serait maintenue au Gāndhāra jusqu’à la fin du ive s., donnant peut-être des signes de décadence dès les iie-iiie s. En Afghānistān*, au Cachemire*, en Asie* centrale, les ateliers locaux conserveront les traditions gandhariennes parfois jusqu’au viie s.

Si l’art du Gāndhāra est un art complet, c’est sa sculpture, d’inspiration essentiellement bouddhique et tenue pour responsable, avec quelque vraisemblance, de l’invention et de la généralisation des images du Bouddha sous l’apparence humaine, qui a fait sa célébrité. D’une valeur parfois inégale, tournant volontiers au poncif, cette abondante production utilise généralement un schiste gris noirâtre ou verdâtre ; mais la terre cuite et surtout le stuc, modelé et peint, prennent au cours des siècles une importance croissante.

Encore que les parures qui permettent de préciser l’identité et le rang des figures soient imitées de l’Inde, laïques et religieux sont aussi peu indiens dans leurs accoutrements que par leur physique, et l’image du Bouddha n’échappe pas à la règle : profil presque « grec », chevelure ondée réunie en chignon « apollonien », vêtement monastique drapé à plis pesants comme dans l’art hellénistique... Avec le temps, ces traits s’estompent. La souplesse des drapés disparaît ; perdant tout naturalisme, les ondulations de la chevelure sont finalement remplacées par les boucles de la tradition indienne.