Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Gand (suite)

Le temps des crises (xive-xvie s.)

Les XXXIX accueillent avec faste le souverain le 22 mai 1301 et empêchent les « communiers » de soutenir en 1302 la révolte des métiers brugeois et de participer à la bataille de Courtrai le 11 juillet, à la seule exception des 700 hommes de Jan Borluut († 1306). Ils perdent le gouvernement de la ville au lendemain de la défaite royale au profit des gens de métiers, animés par les plus nombreux d’entre eux : les tisserands et les foulons. Peu à peu, un nouvel équilibre politique et social se crée entre trois forces essentielles : les poorters (« bonnes gens »), issus de la fusion du patriciat avec la noblesse gantoise, qui reprennent le pouvoir notamment en 1319 et surtout en 1328, après la défaite du parti populaire à Cassel le 23 août 1328 ; les petits métiers, dirigés par un Conseil de doyens qui a tendance à en fermer l’accès ; enfin les tisserands du grand métier, qui éliminent en 1359 ceux qui sont à la fois leurs alliés sur le plan politique et leurs adversaires sur le plan salarial : les foulons. À une époque où les conséquences de la dépression économique sont aggravées par la montée au Brabant, en Angleterre et en Italie des industries drapantes concurrentes, il ne peut en effet être question d’améliorer également les salaires de chacune des nombreuses catégories de travailleurs du textile, qui entrent ainsi naturellement en rivalité. Plus nombreux, plus disciplinés, les tisserands de Gand jouent en effet, sous la direction de leur doyen, un rôle déterminant lors des révoltes de 1311, de 1319, de 1325-1328 et finalement de 1328-1345. Au cours de cette dernière, ils accordent leur soutien décisif à Jacob Van Artevelde (v. 1290-1345). Aussi, sous leur impulsion, ce dernier s’allie-t-il à Édouard III en échange de la réouverture du marché des laines anglaises, fermé par ce souverain en octobre 1336, et réussit-il à substituer dans toute la Flandre son autorité à celle du comte. Mais, entré en rivalité avec le doyen des tisserands, Gérard Denijs, à qui il a pourtant permis d’éliminer par les armes les foulons le 2 mai 1345, il est finalement assassiné par les tisserands le 17 juillet 1345. En 1360, une assemblée de caractère représentatif, la Collace, est pourtant mise en place, et, en 1369, le gouvernement de la ville est même remis aux représentants des trois membres de Gand : trois pour les poorters, cinq pour les cinquante-trois petits métiers et cinq pour les grands métiers (en fait, les tisserands seuls). Reconquise par les partisans du comte en 1348. Gand devient malgré tout le théâtre d’une lutte incessante entre les partisans du comte Louis de Mâle (1346-1384) et ceux des tisserands, qui se regroupent sous l’autorité de Filips (1340-1382), fils de Jacob Van Artevelde, mais Filips est vaincu et tué par les forces de Charles VI à Rozebeke le 27 novembre 1382. Le 18 décembre 1385, la ville doit alors signer la paix de Tournai avec le nouveau comte de Flandre. Philippe le Hardi, duc de Bourgogne (1363/64-1404). Devenue le siège du Conseil des Flandres au temps de Jean sans Peur (1404-1419), elle tente à cinq reprises, mais en vain, de reconquérir son autonomie communale : en 1449, lorsqu’elle se révolte contre la gabelle, jusqu’à ce que ses milices soient écrasées à Gavere le 23 juillet 1453 ; en 1467, lorsqu’elle se soulève contre Charles le Téméraire, qui la prive alors de tous ses privilèges ; en 1477, lorsqu’elle arrache à la duchesse Marie de Bourgogne le « Grand Privilège » ; en 1482, lorsqu’elle s’allie à Charles VIII pour imposer l’humiliante paix d’Arras du 23 décembre à Maximilien, qui doit attendre 1492 pour la contraindre à signer à son tour celle de Cadzand ; enfin en 1537, lorsqu’elle refuse d’aider financièrement Marie de Hongrie, dont le frère Charles Quint doit alors substituer à sa constitution urbaine la « concession Caroline » de 1540, qui soumet la ville au gouvernement central.

Malgré ces difficultés, Gand réussit pourtant à maintenir sa prospérité jusqu’au milieu du xvie s. Surmontant la crise de l’industrie drapière au xive s., elle devient tour à tour l’étape du commerce des grains commercialisés en France à la fin du xive s., un vaste entrepôt céréalier et un centre très actif de batellerie au xve s., enfin un foyer important de la tapisserie au xvie s. Mais cette prospérité renouvelée ne survit pas aux guerres de Religion.

Bien qu’elle soit devenue en 1559 le siège d’un nouveau diocèse, Gand est alors en effet profondément pénétrée par les idées réformées. Après la signature de la « pacification » des 5-8 novembre 1576, elle est contrôlée de 1577 à 1584 par les calvinistes, qui la font adhérer à l’Union d’Utrecht de 1579. Reconquise par Alexandre Farnèse le 17 septembre 1584, elle se dépeuple (30 000 hab. en 1600).


Déclin et renouveau (xvie-xxe s.)

Gand est occupée par les Français en 1678, en 1708 et en 1745 ; elle participe à la révolution brabançonne de 1789, est annexée à la France en 1794 et devient le chef-lieu du département de l’Escaut le 1er octobre 1795. Elle est de nouveau un grand centre de l’industrie textile spécialisé dans le travail du coton et du lin (premières filatures fondées respectivement en 1800 par Lieven Bauwens et en 1833) ; en même temps, elle reçoit un accès facile à la mer grâce à la construction du canal de Terneuzen en 1815-1827.

Dans cette ville, dotée en 1817 d’une université par les Néerlandais (1815-1830), la renaissance de l’industrie textile entraîne celle de la démographie (50 000 hab. vers 1690, 166 000 en 1937) et surtout celle du vieux conflit bourgeoisie-prolétariat, la bourgeoisie, conservatrice ou libérale, restant orangiste jusqu’en 1840 et animant ensuite le mouvement flamingant, alors que le prolétariat y fait pénétrer le socialisme.

P. T.


Le rôle du port

Gand n’est pas une vraie ville portuaire, bien que son sort soit lié au port. Celui-ci a connu des fortunes diverses en fonction, souvent, de l’accès à la mer, qui a toujours été un problème préoccupant, finalement résolu par le percement du canal de Terneuzen. Celui-ci, inauguré en 1827, n’a qu’une écluse à son débouché dans l’Escaut. Gand devient alors un grand centre cotonnier. Peu à peu, le canal a été agrandi, mais il s’étend pour moitié aux Pays-Bas, et les travaux nécessitent l’accord des Néerlandais. Jusqu’en 1968, le tonnage des navires est limité à 10 000 t, et le trafic maritime du port stagne un peu au-dessous de 3 Mt, inférieur à celui d’avant-guerre. Un nouveau canal, inauguré en 1968, permet l’accès des navires de 60 000 t ; le trafic est remonté à près de 10 Mt en 1970, et de grandes zones industrielles s’aménagent. Mais, pendant le creusement du canal, les tonnages ont augmenté ; une raffinerie de pétrole installée en bordure doit être alimentée par Zeebrugge, et l’on étudie un nouveau tracé accessible aux 125 000 t.