Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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futurisme (suite)

(Cortona, prov. d’Arezzo, 1883 - Paris 1966) est, parmi les cinq peintres du futurisme initial, le Parisien. D’origines très modestes, il a fort à faire, lorsqu’il arrive à Rome en 1899, pour gagner sa vie, réservant ses loisirs au dessin et à la peinture (il suit les cours du soir de la Villa Médicis). La rencontre de Boccioni et de Balla lui fait découvrir le divisionnisme, dont il devient un adepte enthousiaste. Arrivé à Paris en 1906, Severini découvre l’œuvre de Seurat, dont la pureté et la rigueur contrastent singulièrement avec le pathos de Gaetano Previati (1852-1920) ou de Giovanni Segantini (1858-1899). Dans Printemps à Montmartre (1908-09), il montre qu’il a assimilé la leçon de Seurat. Le futurisme va intervenir à point nommé pour lui suggérer de nouveaux sujets, mais si l’on remarque son intérêt tout particulier pour la danse, on peut penser que son modèle idéal demeure le Chahut de Seurat. Lors de l’exposition futuriste à Paris en 1912, c’est sa Danse du « Pan Pan » au Monico (détruite ; réplique au musée national d’Art moderne, Paris) qui est considérée comme l’œuvre la plus accomplie, notamment par Apollinaire. En 1912 et en 1913, Severini atteint les sommets de son lyrisme personnel, soit dans les tourbillonnantes images suggérées par la danse (Danseuse bleue ; Danseuse blanche ; Hiéroglyphe dynamique du Bal Tabarin), soit dans des œuvres austères et presque géométriques (Portrait d’Arthur Cravan). Cette seconde tendance se renforce à la faveur d’une réflexion sur la métaphore plastique, qui le conduit à des œuvres intitulées par exemple Danseuse = Mer + Bouquet de fleurs. Un texte théorique important, les Analogies plastiques du dynamisme (1913), n’est pas publié en raison de l’opposition de Marinetti. Dissuadé de poursuivre son activité dans un sens métaphorique, Severini débouche dans la série Expansion sphérique de la lumière (1913-14) sur une célébration tout abstraite de la lumière, aboutissement extrême de la leçon de Seurat. Il revient ensuite à des évocations pleines de saveur de la vie parisienne (14 Juillet). La guerre lui suggère des compositions solides, mais d’un lyrisme moins éclatant (le Train de la Croix-Rouge, 1914). En 1916, il se rallie à un cubisme synthétique très géométrisé, proche de celui de Juan Gris. À partir de 1921, il régresse à un néo-classicisme peu inspiré, le divisionnisme de la couleur trouvant à se satisfaire désormais dans le travail de la mosaïque. Dans les dernières années de sa vie, il tentera de revenir à son inspiration futuriste.

Des grands peintres du premier futurisme, Giacomo Balla (Turin 1871 - Rome 1958) est celui qui demeurera le plus longtemps fidèle à l’esprit du mouvement, au point de signer jusqu’en 1930 « Futur Balla ». Il est le plus âgé et, à ce titre, assure la liaison entre les divisionnistes italiens (Segantini, Previati, Guiseppe Pellizza, dit da Volpedo [1868-1907]), dont il a recueilli l’héritage, et les jeunes Boccioni et Severini, auxquels il communique ses connaissances techniques. Ses préoccupations sociales influenceront également Boccioni. Signataire des deux manifestes picturaux de 1910, il attend néanmoins deux ans avant de se sentir prêt à participer aux expositions collectives. L’année 1912 est celle du grand départ, effectué en même temps dans le sens d’une analyse quasi photographique du mouvement, très proche des chronophotographies d’E. J. Marey (Chien en laisse, New York, coll. priv. ; Fillette courant sur un balcon, 1912, galerie d’Art moderne, Milan), et dans le sens d’une traduction rythmique purement géométrique de la lumière (Compénétrations iridescentes). À partir de 1913, Balla se consacrera à des études systématiques d’un thème donné dans des séries de peintures : Rapidité d’automobile + Lumière + Bruit, Vol d’hirondelles (1913) ; Espace + Fleurs, Mercure passant devant le Soleil, etc. (1914) ; Démonstrations interventionnistes (1915) ; Forces du paysage (1918) ; Transformations Forme-Esprit (1918-1920). Une activité débordante, qui vise par exemple à modifier totalement le décor intérieur (Bal Tic Tac, 1921), sans négliger la typographie ni le costume, se manifeste dans plusieurs textes théoriques : le Vêtement antineutraliste, Reconstruction futuriste de l’univers (avec Depero, 11 mars 1915), Manifeste de la couleur (1918). Les « complexes plastiques » sont à l’origine d’intéressantes recherches sculpturales réduites en quelque sorte aux « lignes-forces » (Lignes-Forces du poing de Boccioni, 1915). En 1917, Balla exécute les décors de Feu d’artifice de Stravinski pour les Ballets russes de Diaghilev. Au lendemain de la guerre, demeuré le seul grand peintre du futurisme, son rayonnement comptera pour beaucoup dans la relance du mouvement. Son dernier geste en ce sens consistera à s’associer au manifeste de l’Aéropeinture (1929). À partir de 1920, en effet, il est de plus en plus tenté, lui aussi, par un retour à un académisme vaguement impressionniste. Pourtant, de nombreuses œuvres du plus grand intérêt continuent à voir le jour dans un esprit géométrique ou dans la tradition des « états d’âme » boccioniens (Mon instant du 4 avril 1928 à 10 heures 2 minutes), ou encore dans un sens presque « métaphysique » (la Chaise de l’homme étrange, 1930), ou enfin dans l’utilisation « puriste », mais très brillante de chiffres et de lettres (L’enchantement est rompu, 1925). Mais, passé 1930, c’en est fait.

Les peintres qui ont assumé la continuité futuriste

Balla excepté, trois peintres méritent une mention spéciale : Prampolini, Depero et Fillia.


Enrico Prampolini

(Modène 1894 - Rome 1956) est expulsé de l’Académie des beaux-arts de Rome en 1913 ; il écrit un manifeste, Bombardons les académies, et devient à dix-neuf ans la plus jeune recrue du futurisme. Influencé d’abord par Balla et Boccioni, sa peinture évoluera très vite dans le sens de l’abstraction. Son extrême ouverture d’esprit lui vaut d’être en liaison avec dada dès 1916 et par la suite avec tous les mouvements d’avant-garde européens, contribuant ainsi à protéger quelque peu le second futurisme de son provincialisme. À partir de 1928, son « idéalisme cosmique », puis, en 1935, le début de ses expériences « polymatérielles » correspondent à un approfondissement de son expression propre. Mais, jusqu’à sa mort, Prampolini demeurera à l’affût des « frissons nouveaux » avec une étonnante disponibilité.


Fortunato Depero