Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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fruits (jus de) (suite)

Fabrication

Les usines de jus de fruits sont soit indépendantes, soit jumelées avec d’autres, afin de valoriser au mieux la matière première.

Après un triage soigneux, les fruits sont dirigés sur les machines d’extraction du jus. Ce sont habituellement des presses hydrauliques (pomme, raisin) ou continues à vis (tomate, ananas). Mais il existe aussi des appareils conçus spécialement pour l’espèce à traiter : par exemple, les oranges ou les pomelos doivent être pressés fruit par fruit, en évitant l’écrasement de l’écorce, qui apporterait au jus de l’endocarpe des principes amers (limonine, naringine) et trop d’huiles essentielles.

Le rendement de l’extraction est important pour l’établissement du prix de revient. L’appareil d’extraction doit donc être judicieusement choisi en fonction du fruit et de la qualité escomptée pour son jus. Il n’existe pas d’appareil universel, et le grand nombre de procédés et de types proposés actuellement montre que les constructeurs sont à la recherche du système qui donnera satisfaction à la fois au fabricant et au consommateur de jus ; on peut noter que l’on s’oriente vers les systèmes continus, dont le fonctionnement est plus simple et surtout évite la recherche d’un personnel spécialisé attaché obligatoirement au service et à l’entretien des presses discontinues.

Le meilleur extracteur continu serait sans doute un tamis perforé à grande vitesse de rotation, qui obtient la totalité du jus en une fraction de seconde ; malheureusement, c’est un appareil onéreux et délicat d’entretien (Sharples, Guinard, Dorr-Oliver).

Dans une autre voie, les tapis sans fin entraînant la pulpe entre des rouleaux sont d’une conception très simple et provoquent un égouttage assez rapide ; la tuile des tapis de la presse Ensink est résistante, car elle se compose d’une trame de fils de Perlon et d’une chaîne en fil d’acier inoxydable.

Les presses continues à vis centrale (Speichim) sont robustes et utilisées surtout pour les jus très pulpeux. Enfin, la presse Demoisy, qui allie la centrifugation modérée et la pression en couche mince sans laminage, fournit des jus de très haute qualité avec un bon rendement.

Après l’extraction vient en général un affinage du liquide, afin d’obtenir un jus buvable : il élimine les particules dures (pépins, fragments de peau) et surtout, si le jus doit être présenté limpide (pomme, raisin, cassis), il permet d’obtenir ce résultat par clarification et filtration.

La clarification, qui consiste surtout à obtenir la précipitation des colloïdes solubles, comme les pectines, les mucilages et les matières albuminoïdes, pour entraîner dans leur réseau les particules fines en suspension et permettre une filtration impeccable par la suite, s’obtient par divers moyens inspirés des pratiques classiques de vinification et de brasserie : action du froid, qui permet le développement des cristaux de tartre dans le jus de raisin ; chauffage brusque, pour coaguler les protéines ; collage à la gélatine ou au tanin ; précipitation ou solubilisation des pectines par addition d’enzymes pectiques, tout en évitant l’action des oxydases. Une bonne quantité de matières coagulées se dépose assez rapidement au fond des cuves de garde ; le jus qui surnage, séparé par siphonnage, est en général soumis à un débourbage par centrifugation, qui l’éclaircit, et le brillant final est obtenu par une filtration sur plaques de carton amiante ou sur toile métallique avec application d’une précouche poreuse (cellulose, terre d’infusoires, polyesters).

Naturellement, les jus à présenter pulpeux (ananas, agrumes, tomate) sont simplement tamisés, et, pour éviter tout début de coagulation naturelle, on doit inactiver aussi tôt que possible leurs propres enzymes pectiques par un traitement rapide à la chaleur.


Stabilisation temporaire

Dans la plupart des pays, la récolte des fruits ne peut se réaliser que pendant une courte période de l’année : si l’on voit du raisin de table en France de fin juillet à décembre, les vendanges ne durent que quelques semaines, et la récolte du cassis est encore plus courte.

Il faut donc, après l’extraction du moût de fruit, le conserver en vrac dans de grandes cuves pendant quelques mois, afin de permettre à l’usine de travailler une grande partie de l’année. Le moyen le plus simple et le plus économique est d’utiliser un antiseptique volatil, que l’on devra éliminer après la période de garde et avant le remplissage des récipients ; l’anhydride sulfureux (à part l’alcool) est le seul produit pratiquement employé, surtout pour le jus de raisin, car une bonne désulfitation permet de l’éliminer, et, de plus, ce produit possède un bon pouvoir antioxydant. Le gaz carbonique maintenu sous pression donne aussi d’excellents résultats.

Actuellement, une grande partie des cuves de garde sont remplies à peu près aseptiquement avec du jus sortant d’un échangeur de chaleur qui lui a fait subir une pasteurisation, suivie aussitôt de refroidissement ; si les cuves sont étanches et bien nettoyées, pleines d’air filtré ou d’azote, le jus aseptique qui les remplit ne se contamine pas en déplaçant le gaz et peut se conserver plusieurs mois.


Remplissage et stabilisation définitive

Les récipients dans lesquels on va distribuer les jus de fruits sont en général classiques : boîtes de fer-blanc verni, bouteilles ou bocaux de verre. Ils doivent être parfaitement étanches.

Mais on commence à voir, surtout à l’étranger, des récipients plus légers et moins onéreux, comme les matières plastiques, soufflées ou formées à chaud, et surtout les feuilles complexes (par exemple polyester-aluminium-carton) mises en forme de tétraèdre, de coussinet ou de parallélépipède au moment du remplissage.

Celui-ci s’opère en général à chaud, afin de pasteuriser le récipient lui-même et l’air résiduel, puis le récipient est hermétiquement scellé. Mais, pour de petits flacons de verre, on préfère remplir à froid, boucher et ensuite pasteuriser le tout par passage sous des pluies d’eau de plus en plus chaude.

C’est donc la pasteurisation, avant ou après remplissage, qui stabilise définitivement le produit ; un jus de fruits peut se conserver plusieurs mois sans modification, exactement comme une conserve de fruits ou de légumes.