Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

Frioul-Vénétie Julienne (suite)

Ces conditions naturelles ne sont pas défavorables à l’activité économique. Le revenu régional est moyen, et un exode rural continu vers la Lombardie enlève nombre d’habitants au Frioul, dont la population ne s’accroît que lentement. L’agriculture n’occupe plus que 13 p. 100 de la population active, mais elle reste importante. Le fractionnement de la propriété est compensé par l’extension des coopératives ; des bonifications ont amélioré bien des terroirs. Les principales cultures sont le maïs (8 p. 100 de la production nationale), le blé et la pomme de terre. La vigne est importante dans les collines. Les plantes industrielles et les légumes et fruits, jusqu’ici peu répandus, s’étendent surtout dans la basse plaine (colza, tournesol, betterave, tabac, tomates, pêchers, cerisiers). L’élevage bovin est important dans tous les secteurs ; il se double d’un élevage porcin (la charcuterie de San Daniele est renommée). Enfin, le Frioul conserve un élevage notable du ver à soie. Beaucoup plus concentrée géographiquement, l’industrie occupe 47 p. 100 de la population active. Les principales branches industrielles sont la mécanique, le textile, la chimie et l’alimentation. Mis à part l’équipement électrique, les nombreuses carrières, l’artisanat (coutellerie, travail du bois, meubles...), dispersés, et le gros foyer chimique isolé de Torviscosa (cellulose), ce sont les villes qui recueillent les industries. Trieste (270 000 hab.) et ses annexes, de Monfalcone à Muggia, possèdent, entre autres, des chantiers de construction navale, des usines textiles, des raffineries, une grosse papeterie. Gorizia (43 000 hab.) est davantage un centre commercial, mais compte néanmoins diverses entreprises. Udine (101 000 hab.) a développé le secteur textile (coton) et celui de la mécanique de précision (horloges industrielles, compteurs...). Le vieux centre cotonnier de Pordenone (47 000 hab.), érigé récemment (1968) en chef-lieu de province, connaît un nouvel essor grâce à des constructions mécaniques (machines textiles) et surtout grâce à l’industrie des articles électroménagers (Zanussi). Les activités tertiaires (commerce, transport) sont à rayonnement régional. Il y a cependant deux éléments nouveaux. Le port de Trieste, bien déchu après avoir été coupé de son arrière-pays, tend lentement à retrouver un meilleur niveau d’exploitation par la modernisation, la création d’un port franc, l’installation de l’oléoduc transalpin (TAL). Le tourisme joue un rôle plus grand avec des stations de montagne et surtout avec le tourisme balnéaire dans les stations de Grado et Lignano. Les perspectives de développement du Frioul-Vénétie Julienne ne sont donc pas mauvaises.

E. D.

➙ Trieste.

 G.Valussi, Friul-Venezia Giulia (Turin, 1968).

Frisch (Max)

Écrivain suisse de langue allemande (Zurich 1911).


Né le 15 mai 1911 d’un père architecte d’origine autrichienne, il fait d’abord des études de lettres à Zurich, tout en rêvant déjà de théâtre. La mort de son père, en 1933, bouleverse ces premiers projets. Max Frisch se fait journaliste et voyage trois ans durant à travers l’Europe centrale, la Grèce, la Turquie. Puis, brusquement, à l’âge de vingt-cinq ans, de retour chez lui, il se remet aux études et devient architecte, comme son père. Longtemps, il mène de front son métier d’architecte et son activité d’écrivain, à laquelle, depuis 1955, il se consacre entièrement. Après un long séjour à Rome, de 1959 à 1965, il retourne vivre à Zurich.

Au début de 1948, Max Frisch avait fait la connaissance de Bertolt Brecht. Venant de son long exil californien, Brecht s’était installé provisoirement aux environs de Zurich en attendant de pouvoir retourner à Berlin. Cette rencontre et les échanges fructueux qui en résultèrent jouèrent un rôle capital pour Frisch. Ce devait être le cas, d’ailleurs, pour la majorité des écrivains de langue allemande de l’immédiat après-guerre. C’est par rapport à Brecht qu’ils cherchèrent à se situer, pour ou contre lui, mais incapables d’échapper à son rayonnement. Admirant et critiquant vivement son aîné, Max Frisch lance une contre-attaque en faveur de l’individu, contre la conception épique du théâtre brechtien, mais, sous un autre éclairage, les problèmes que soulève Brecht sont aussi ceux qui retiennent Frisch.

À l’influence de Brecht se mêle très tôt chez Frisch celle de l’existentialisme. Quelques-uns des grands thèmes de l’humanisme sartrien se retrouvent constamment dans l’œuvre de l’écrivain suisse : ceux, en particulier, de liberté, de responsabilité, de choix. Toutes les œuvres de Max Frisch, les romans comme les pièces de théâtre, posent un « cas de conscience » et montrent l’homme se débattant contre la caricature de lui-même qu’il offre au monde, contre la sclérose des habitudes et des idées toutes faites, « dans un univers enragé de préjugés », qu’il a d’ailleurs contribué à façonner. Sans doute sa qualité de Suisse n’est-elle pas étrangère à la constante, amère, cinglante critique que Max Frisch adresse à toute forme de traditionalisme, d’autosatisfaction et de bonne conscience. Si la Suisse n’a certes pas le privilège de la mesquinerie petite-bourgeoise, sa position protégée au cœur de l’Europe, la contradiction entre son très haut niveau de technicité et l’étroitesse de son territoire n’ont pu que favoriser une certaine suffisance, à laquelle Frisch, grand voyageur, a été très tôt sensibilisé. Rien de tel qu’un écrivain suisse (qu’il s’agisse de Frisch, de Dürrenmatt, de Peter Bichsel ou de Steiner) pour condamner impitoyablement le confort matériel et moral qui caractérise son propre pays.

Le héros de Je ne suis pas Stiller est un Américain qui, venant du Mexique, est appréhendé à la frontière suisse. Les douaniers et la police le soupçonnent de voyager sous un nom d’emprunt. Il serait en réalité le sculpteur Anatol Stiller, citoyen suisse, ancien combattant des Brigades internationales, disparu de Zurich depuis six ans. Mais le voyageur s’obstine à répéter : « Je ne suis pas Stiller. » Il continuera de le proclamer aussi longtemps que durera sa détention préventive, alors que sa femme, ses amis, sa maîtresse, tous l’ont reconnu et identifié comme étant Stiller. Ce que Stiller cherche par ce moyen, c’est à échapper à sa propre biographie, à casser l’« image taillée » (cette expression biblique se retrouve souvent sous la plume de Frisch), cette représentation que les autres se font de vous pour vous y figer jusqu’à votre mort. Désespérément, Stiller tente d’être un autre, celui peut-être qui saurait vivre son amour pour Julika, ce que l’ancien Stiller n’a jamais réussi à faire.