Fresnel (Augustin) (suite)
Sorti dans le corps des Ponts et Chaussées, il débute comme ingénieur en Vendée, où il construit des routes ; puis, en 1812, il est envoyé à Nyons, dans la Drôme. Mais ses fonctions administratives ne correspondent guère à ses goûts et, pour occuper son esprit, il entreprend ses premières recherches expérimentales. Son ignorance en physique est encore extrême, comme le prouvent les demandes de renseignements qu’il adresse à son oncle Mérimée, professeur à l’École polytechnique.
C’est alors qu’un événement soudain vient bouleverser le cours de sa carrière. Au moment du retour de Napoléon de l’île d’Elbe, il juge, en tant qu’ennemi du despotisme impérial, et malgré sa santé précaire, qu’il doit s’engager dans les troupes du duc d’Angoulême. Celles-ci ne peuvent s’opposer à la marche de l’Empereur sur Paris, et Fresnel rentre à Nyons presque mourant. Mais cette attitude lui vaut d’être révoqué par le gouvernement des Cent-Jours et placé sous la surveillance de la police. Il est toutefois autorisé à rejoindre à Mathieu sa mère, devenue veuve, et, comme il passe par Paris, il se lie d’amitié avec François Arago*, qui attire son attention sur les progrès récents de l’optique et lui suggère de consacrer les loisirs qui lui sont imposés à l’étude de cette science alors en plein développement.
D’emblée, il s’attaque à un problème ardu, celui de la diffraction de la lumière, qui semble inexplicable par la théorie de l’émission, la seule alors admise dans le monde scientifique. Il crée, parfois aidé par le serrurier du village, un matériel rudimentaire, mais suffisamment précis pour la mesure des franges ; une goutte de miel lui sert de lentille. Il consigne les résultats de ses recherches dans un mémoire qui le rend aussitôt célèbre et lui vaut, en 1819, le prix de l’Académie des sciences. Y décrivant le dispositif connu depuis sous le nom de « miroirs de Fresnel », il donne la preuve que la théorie ondulatoire peut seule expliquer les phénomènes d’interférences. Pour calculer la répartition des intensités dans les franges de diffraction, il introduit les fameuses « intégrales de Fresnel ».
Cependant, la seconde Restauration l’a réintégré dans le corps des Ponts et Chaussées.
On lui donne un poste d’ingénieur à Rennes et, en 1818, il est nommé à Paris, où il accepte une place de répétiteur à l’École polytechnique.
Tout en inventant, en 1821, les lentilles à échelons pour phares, qui multiplient la portée de ceux-ci et qui sont aussitôt adoptées, il poursuit ses travaux de science pure. Il effectue les premières mesures de longueurs d’onde. Il montre que deux rayons polarisés à angle droit sont incapables d’interférer et en déduit que les vibrations lumineuses sont non longitudinales, comme les ondes sonores, mais bien transversales. Il fait l’hypothèse de l’« éther », fluide élastique impondérable, dans lequel ces ondes se propageraient.
Il étudie la réfraction dans les cristaux, entreprend avec Arago de nombreuses expériences, observe la double réfraction dans un prisme de verre comprimé et, en deux ans, de 1821 à 1823, crée toute l’optique cristalline, telle qu’elle est encore exposée de nos jours.
Il indique également comment construire la surface d’onde représentant la propagation de la lumière dans un cristal biréfringent et explique la polarisation circulaire.
Poisson et Laplace, qui ont été ses principaux adversaires, se rallient à ses théories. En 1823, il est élu membre de l’Académie des sciences, à l’unanimité des suffrages.
Mais, à l’heure même où son génie cesse d’être méconnu, il est atteint de tuberculose et s’éteint à trente-neuf ans.
Avant de mourir, il formule cet émouvant regret : « J’aurais désiré vivre plus longtemps, car je sens qu’il y a dans l’inépuisable carrière des sciences un grand nombre de questions d’utilité publique, dont peut-être j’aurais eu le bonheur de trouver le secret. »
R. T.