Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

franco-allemande (guerre) (suite)

De Châlons à Sedan

Au moment où Metz succombait, les forces concentrées au camp de Châlons, et que l’Empereur avait rejointes, étaient déjà mises hors de cause. Le commandement en avait été confié à Mac-Mahon, qui disposa finalement de quatre corps d’armée et de six divisions de cavalerie. Mais cette armée manquait encore de cohésion, et il eût été préférable d’attendre quelques jours avant de l’engager. Une sage décision fut donc prise le 17 août : celle de se replier sur Paris, où deux autres corps étaient en formation. Malheureusement, la réaction de l’impératrice à l’annonce d’un repli sur la capitale fut brutale. Devenue régente, elle fit savoir qu’il n’était pas pensable pour l’empereur de revenir à Paris avec toute l’apparence d’un vaincu. Il fallait absolument que l’armée arrête les Allemands au plus loin de Paris, car la survie du régime en dépendait. Au demeurant, un message de Bazaine apprenait à l’empereur le 21 août qu’une bataille avait été livrée le 18 et que l’armée de Metz comptait se diriger vers Châlons, en obliquant toutefois vers le nord pour atteindre d’abord Montmédy.

Tout conduisit donc Mac-Mahon à prendre lui aussi la direction de Montmédy. Mais il eût fallu qu’il marche rapidement ; or, son armée se déplaça péniblement par suite de l’indiscipline de nombreuses formations et surtout par ignorance des procédés qui eussent permis de mouvoir correctement une masse de 148 000 hommes. Bref, le 25 août, les forces françaises étaient encore loin de Montmédy, alors que Moltke*, ignorant leur existence, avait lancé en direction générale de Paris les IIIe et IVe armées allemandes (cette dernière aux ordres du prince royal de Saxe), lesquelles s’étalèrent sur un large front pour ratisser le terrain. Or, le 25 août, l’indiscrétion de deux journaux français et les renseignements recueillis par sa cavalerie révélèrent à Moltke la présence de troupes françaises dans le nord de la Champagne. Du 25 au 30 août, les Allemands se lancèrent donc à la recherche de l’armée Mac-Mahon et ils firent converger leurs différents corps sur la zone où les colonnes françaises étaient signalées. Ce même 25 août, Mac-Mahon avait d’ailleurs acquis la conviction qu’il ne pouvait rejoindre Bazaine et qu’il lui fallait revenir sur Paris en obliquant par Mézières ; mais, de nouveau, l’impératrice et le Premier ministre Cousin-Montauban intervinrent, et, le 27 août, la dangereuse marche sur Montmédy reprit. Le 28 août, Mac-Mahon, décelant l’approche des Allemands, voulut encore rebrousser chemin et retraiter sur Paris. On l’en dissuada, et, dans la matinée du 30 août, le 5e corps fut surpris par l’ennemi au moment où il allait quitter ses bivouacs, dispersés autour du village de Beaumont.

Après un combat, le 5e corps s’échappa, et Mac-Mahon s’empressa de mettre la Meuse entre lui et un ennemi qui surgissait au sud et le talonnait. Le 31 août, l’armée fut ainsi rejetée sur Sedan, où l’attendaient des ravitaillements envoyés par la voie ferrée des Ardennes. Mac-Mahon espérait encore bénéficier d’un jour de répit pour gagner Mézières par la rive droite de la Meuse. Ses calculs furent déjoués à l’aube de la triste journée du 1er septembre.

Franchissant la Meuse de part et d’autre de Sedan, les IIIe et IVe armées allemandes marchèrent à la rencontre l’une de l’autre pour se donner la main vers midi sur les hauteurs d’Illy. Mac-Mahon, blessé dès les premières heures, avait été d’abord remplacé par Auguste Alexandre Ducrot (1817-1882), qui espérait encore pouvoir gagner Mézières ; mais Emmanuel Félix de Wimpffen (1811-1884) était porteur d’une lettre de service lui donnant le commandement si Mac-Mahon venait à disparaître. Il annula l’ordre de retraite et prescrivit de rejeter l’ennemi en direction de l’est. Dès 9 heures, le destin de l’armée fut ainsi scellé. Il restait à l’infanterie de marine de la division Vassoigne le soin de sauver l’honneur en faisant de la défense de Bazeilles un fait d’armes, tandis que les chasseurs d’Afrique de la division Margueritte chargeaient avec une telle fougue que le roi de Prusse, témoin de leur chevauchée, s’écriait : « Ah ! qu’ils sont braves ! » A 17 heures, le cercle s’était refermé, et Napoléon III donna l’ordre de hisser le drapeau blanc. L’acte de capitulation fut signé le lendemain, 2 septembre, au château de Bellevue, et l’empereur, prisonnier, fut interné près de Kassel en Allemagne.


La guerre des armées improvisées

Tandis que les troupes françaises de Sedan étaient rassemblées par leurs vainqueurs dans la presqu’île d’Iges, la nouvelle du désastre provoquait à Paris une révolution qui mit fin au second Empire. Après la proclamation de la déchéance de Napoléon III, la République était instaurée le 4 septembre.

Formé sous le signe de la « Défense* nationale », le gouvernement provisoire décidait aussitôt de poursuivre la guerre à outrance et d’organiser la défense de Paris, qui fut confiée aux généraux Trochu et Vinoy (ce dernier avait réussi à ramener une partie de son 13e corps de Mézières à Paris).

Le mérite du gouvernement, et en particulier de Gambetta*, qui, le 7 octobre, quitte en ballon Paris pour Tours, fut immense, puisqu’il parvint à tirer d’un pays battu et largement occupé par l’ennemi la substance de nouvelles armées. Leurs effectifs atteignirent près de 900 000 hommes, avec lesquels furent constitués douze nouveaux corps d’armée. Mais l’illusion fut d’imaginer qu’on puisse transformer en quelques jours des citoyens en soldats, et surtout qu’on puisse improviser des cadres !

Il convient cependant de faire une distinction dans les troupes qui furent ainsi formées. Il y eut tout d’abord les quelques unités de l’armée impériale qui avaient échappé aux désastres de Sedan et de Metz ; de plus, on découvrit dans les dépôts plusieurs dizaines de milliers de réservistes. En leur ajoutant les recrues de la classe 1870 et des volontaires, on parvint à mettre sur pied des bataillons et des régiments de marche, qui se battirent honorablement.

Les unités de garde mobile, formées d’appelés non instruits dont les cadres furent désignés par élection, ne furent jamais en mesure de supporter l’épreuve d’un combat sévère. Quant aux formations de la garde nationale, qui représentaient des effectifs considérables, il fut permis tout au plus de les employer à la défense des places fortes.

Bref, la guerre fut poursuivie avec-une minorité de véritables combattants, mal secondés par les unités peu disciplinées et fâcheusement émotives de la garde nationale mobile.