Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

France (Anatole)

Écrivain français (Paris 1844 - La Béchellerie, Saint-Cyr-sur-Loire, 1924).


Au lendemain de sa mort, les surréalistes publièrent un pamphlet retentissant, Un cadavre. Valéry et les théoriciens de la Nouvelle Revue française emboîtèrent le pas en condamnant France comme le représentant d’une littérature périmée. Cet homme qui avait vécu à la charnière du xixe et du xxe s. était renié comme le témoin d’un monde qui s’achevait.

Il reste, cependant, l’audience d’une œuvre dont quelques personnages, Crainquebille, Jérôme Coignard, M. Bergeret, continuent à vivre dans la conscience collective. Il reste aussi l’expression d’un humanisme raffiné et sceptique qui garde son pouvoir de séduction.

Fils d’un libraire du quai Malaquais, Anatole François Thibault, après de médiocres études, fait ses débuts en littérature avec des poèmes (Poèmes dorés, 1873 ; les Noces corinthiennes, 1876) nourris d’une inspiration toute classique et d’une grâce un peu molle. Quelques années plus tard, il se révèle conteur : le Crime de Sylvestre Bonnard (1881), le Livre de mon ami (1885) allient un humour discret à la fluidité du style. Si Thaïs (1890) n’est guère qu’une distraction rêveuse d’humaniste, la personnalité d’Anatole France s’affirme avec la Rôtisserie de la reine Pédauque et les Opinions de Jérôme Coignard (1893) : sensualité, hédonisme, scepticisme et indulgence amusée caractérisent cette série de réflexions morales à la manière du xviiie s., tandis que l’auteur excelle à conter des aventures légères, à camper des silhouettes. Dans un autre registre, plus grave, le roman florentin le Lys rouge (1894) est l’histoire d’un amour passionné.

Élu à cinquante-deux ans à l’Académie française, hôte assidu du salon de Mme Arman de Caillavet, Anatole France est bouleversé par l’affaire Dreyfus et prend le parti de l’accusé. Sans se départir de sa veine narquoise, après l’Orme du mail (1897) et le Mannequin d’osier (1897), il s’élève à un ton plus vigoureux dans l’Anneau d’améthyste (1899) et Monsieur Bergeret à Paris (1901), suite de chroniques d’histoire contemporaine, où M. Bergeret, maître de conférences de littérature latine, est jeté dans l’« Affaire » et ses suites. Écrivain engagé, France tourne ensuite au socialiste dans Sur la pierre blanche (1905), puis publie une satire voltairienne, l’Île des pingouins (1908), et, la même année, une Vie de Jeanne d’Arc, qui dépeint l’héroïne sous les traits d’une malheureuse hallucinée. À la veille de la guerre, Les dieux ont soif (1912), roman dont l’action se déroule sous la Révolution française, dénotent un art moins précieux et une manière plus sensible. Ce tableau de la Terreur est brossé avec une fougue que l’on retrouve deux ans plus tard dans la Révolte des anges, critique du fanatisme, du racisme et finalement satire du monde contemporain.

Que représente aujourd’hui Anatole France écrivain ? On apprécie sa pensée subtile, un peu fuyante dans sa vivacité. S’il lui manque une certaine générosité créatrice, on est sensible à l’élégance de la facture, à vrai dire plus délicate que forte. Son scepticisme ironique ne touche plus guère, mais ses dons d’artiste sont indéniables : n’a-t-il pas été, pour Proust, un des modèles de Bergotte ?

A. M.-B.

 H. Chevalier, The Ironic Temper. Anatole France and his Time (Londres, 1932). / E. P. Dargan, Anatole France, 1844-1896 (Londres, 1937). / J. Suffel, Anatole France par lui-même (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1954). / M.-C. Bancquart, Anatole France polémiste (Nizet, 1961). / J. Marvaud, Anatole France écrivain français (Lefebvre, 1962). / L. J. Levaillant, les Aventures du scepticisme. Essai sur l’évolution intellectuelle d’Anatole France (A. Colin, 1965). / D. Tylden-Wright, Anatole France (Londres, 1967).

Francfort-sur-le-Main

En allem. Frankfurt am Main, ville d’Allemagne occidentale, dans la Hesse, sur le Main ; 660 000 hab.



L’histoire du développement urbain

Dans la vallée du Main, au débouché de la vallée de pénétration de la Wetterau, au pied des montagnes, peu élevées mais difficiles à franchir, du Taunus au nord, du Vogelsberg et du Spessart à l’est, et de l’Odenwald au sud, est apparue très tôt une colonie celte, à laquelle a succédé l’établissement romain de Nida ; de nombreux vestiges romains ont été découverts dans la vieille ville. Le nom actuel, apparu vers la fin du viiie s., paraît signifier « gué des Francs » (à l’est de la ville commence la Franconie, Frankenland).

Le palatium des Carolingiens fut le noyau de la cité, qui ne resta, cependant, longtemps qu’un marché local. Sa situation géographique, au point de rencontre des deux axes principaux de l’ancien Saint Empire, en fit rapidement une des bases de départ vers les terres de colonisation (Kolonialland) de l’Elbe et de la Transelbie. Entourée très tôt d’importants remparts, la cité ne put recevoir l’autonomie que vers 1310 et resta étroitement liée à l’Empire jusqu’à la disparition de celui-ci en 1805-06.

Sa richesse croissante lui permit d’acheter certes l’immédiateté vers 1375, mais d’incessants conflits l’opposèrent aux princes du voisinage (comtes de Hanau et landgraves de Hesse notamment) et à l’archevêque de Mayence ; ces conflits se prolongèrent jusqu’au début du xixe s., et on peut en voir en quelque sorte l’aboutissement dans le fait que Francfort, de loin la plus importante cité de l’État de Hesse, n’en est pas la capitale (c’est Wiesbaden qui joue ce rôle).

Le signe de l’autonomie urbaine fut l’installation d’un hôtel de ville dans des maisons contiguës du Römerberg, à l’ouest du premier pont ; l’une de ces maisons a donné son nom au siège de l’ensemble, le Römer, rendu célèbre par les couronnements des Empereurs, détruit pendant la Seconde Guerre mondiale et reconstruit en 1952. Vers 1200 apparaît le pont du Main, qui resta jusqu’au xixe s. le seul pont de la cité (encore utilisé aujourd’hui). La décadence des foires de Champagne, l’ouverture de plus en plus large du marché de l’Europe transelbienne furent les éléments déterminants (avec la protection impériale) d’une croissance ininterrompue. Les foires d’automne avaient été organisées en 1240, les foires de printemps s’y ajoutèrent en 1330. La cité, entourée de fortifications toujours plus importantes (jusqu’à leur disparition en 1804, au profit de promenades protégées encore de nos jours par des servitudes non aedificandi), était l’une des capitales du Saint Empire ; centre, aux temps de Louis IV de Bavière, de la lutte contre la papauté, siège du Tribunal d’Empire, ville des élections (qui avaient lieu dans la cathédrale) et, à partir de 1562, ville des couronnements, elle sut se garantir une certaine neutralité et, après la réforme luthérienne de 1533, une certaine paix confessionnelle. Toutefois, de nombreux mouvements sociaux et politiques ainsi que de fréquentes explosions d’antisémitisme troublèrent la paix intérieure, surtout en 1525 et en 1614.

La cohabitation des luthériens indigènes et des réfugiés calvinistes (Flamands et Wallons au xvie s., Français et Rhénans au xviie s.) ne fut pas toujours pacifique, et, accueillante parfois, la cité du Main fut souvent xénophobe.