Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

alpinisme (suite)

Le rocher présente aux yeux du grimpeur des figures bien définies : l’alpiniste se heurte à un mur, ou dalle, lorsque le rocher se redresse devant lui en une face raide jusqu’à la verticale, plus ou moins garnie de prises ; des terrasses, balcons, plate-formes, plus ou moins larges et plus ou moins déversés, séparent en général des murs successifs ; lorsque la terrasse est très étroite, elle prend le nom de vire et peut n’avoir que quelques centimètres de large.

Il est rare que la face d’une montagne rocheuse soit absolument compacte ; elle est, en général, striée verticalement de cheminées plus ou moins profondes et plus ou moins nettes. Les cheminées qui ont plus d’un mètre s’appellent des couloirs ; les cheminées proprement dites permettent au grimpeur de pénétrer à l’intérieur même de la montagne ; les fentes plus étroites, de quelques millimètres à 10 à 20 cm, prennent le nom de fissures ; enfin on appelle dièdre l’angle formé par deux faces planes du rocher ; il peut être plus ou moins ouvert ; le rocher ou la glace forme un surplomb lorsque la pente se redresse au-delà de la verticale (un surplomb très marqué constitue un toit).


La technique individuelle

L’escalade du rocher est en général facile lorsque la pente est faible et que le rocher présente la structure des marches d’un escalier. Sur les murs plus raides, on grimpe comme à une échelle, en utilisant une prise pour chaque membre et en déplaçant un membre à la fois ; c’est la pente du rocher, la variété, la disposition, la grosseur, l’éloignement et la qualité des prises qui donnent la mesure de la difficulté du passage ; il y a des murs verticaux faciles, il y a des dalles lisses infranchissables.

Dans les cheminées, l’alpiniste progresse par opposition : il exerce des efforts latéraux et opposés, qui provoquent sur chaque paroi de la cheminée une adhérence forcée. Lorsque la largeur de la cheminée est convenable, la méthode la plus courante, le ramonage, consiste à appuyer le dos et les mains sur une paroi et les pieds sur l’autre ; en théorie, on peut ramoner ainsi des cheminées verticales dont les parois sont rigoureusement lisses.

Les fissures s’escaladent par coincement des pieds, des bras, des poings, des doigts ou par verrouillage du genou, du coude, des phalanges. Lorsqu’elles sont raides, elles opposent toujours de sérieuses difficultés et deviennent vite épuisantes.

Sur la glace, que l’on utilise les souliers cloutés ou les semelles de caoutchouc strié, on ne peut dépasser des pentes supérieures à 10 ou 15° sans risque de glissade ; au-delà, il faut tailler des marches au moyen du piolet. Le piolet est une petite pioche légère, qui sert de canne pendant la marche et dont l’arme essentielle est un pic acéré qui entame la glace. La taille des marches est un exercice pénible, qui demande un gros entraînement ; certains couloirs ont exigé la taille de plusieurs centaines de marches ; cela explique que les grands guides de l’époque héroïque, bûcherons ou paysans de leur état, furent des maîtres glaciéristes. De nos jours, l’emploi des crampons rend plus aisée la technique de la glace. Ces semelles d’acier, fixées à la chaussure et garnies habituellement de dix pointes de 3 à 4 cm de longueur, permettent une meilleure tenue sur les pentes de glace, qu’il est désormais inutile de « tailler » jusqu’à 40° environ. Au-delà, le cramponnage pur est encore possible, mais il demande un entraînement et une souplesse des chevilles ainsi qu’un emploi judicieux du piolet que l’on ne peut acquérir qu’avec une longue pratique. À partir de 50 ou 55°, les pentes de glace deviennent extrêmement difficiles et ne peuvent être escaladées que par des glaciéristes confirmés.

Dans la neige dure, l’alpiniste se comporte comme sur la glace ; la taille des marches et le cramponnage sont néanmoins plus faciles. Les neiges profondes, constituant l’élément instable et dangereux, ne sont pas techniquement difficiles, mais demandent une grande expérience et une appréciation exacte des conditions. Elles sont particulièrement épuisantes lorsque la neige arrive au-delà du mollet ; elles sont particulièrement dangereuses sur toute pente dépassant 30° ou bien lorsqu’elles recouvrent une sous-couche de glace vive.

La descente ne pose pas de problèmes particuliers en neige, en glace et en rocher facile : on descend face à la vallée. Dans le rocher plus difficile, l’alpiniste tourne le dos à la vallée, de manière à utiliser les prises avec ses quatre membres, comme à la montée, mais dans l’ordre inverse ; à partir d’une certaine difficulté, il est plus rapide et plus sûr de descendre le long de la corde mise en double, par le procédé spécial du rappel. Ce procédé permet de franchir à la descente n’importe quel escarpement, rocheux ou glaciaire, même surplombant.


La cordée

L’alpinisme solitaire existe, mais il présente de tels dangers que, depuis fort longtemps, les alpinistes préfèrent s’associer en une cordée qui constitue l’élément d’assaut habituel.

La corde employée est une corde d’attache de 10 à 12 mm de diamètre, en chanvre, en manille, en soie, aujourd’hui en Nylon. La résistance à la rupture des cordes modernes dépasse souvent 2 000 kg.

Les alpinistes s’encordent au moyen de boucles et de nœuds spéciaux, très simples à faire et à défaire, à des distances variant de l’un à l’autre de 10 à 25 ou 30 m, selon la longueur des passages de l’escalade projetée. La cordée normale est la cordée de trois. Le meilleur alpiniste marche en tête (c’est le chef de cordée, ou leader), le « second » marche le dernier ; l’alpiniste le plus faible se met au milieu ; à la descente, l’ordre de marche est inverse. Pour des courses faciles, un plus grand nombre d’alpinistes peuvent prendre place à la même corde et même réduire la distance d’encordement ; la cordée de deux, plus maniable, plus légère, plus rapide et facilement réversible, est souvent préférée pour les courses de haute difficulté, où la vitesse est un élément essentiel du succès.

La corde constitue l’élément primordial de l’assurance. Lorsqu’il a franchi un passage difficile et qu’il arrive à un point de relais, le chef de cordée assure ses équipiers en les soutenant, en tendant la corde, pour éviter tout risque de glissade ; cette assurance peut se pratiquer autour de l’épaule, ou autour d’une protubérance rocheuse adéquate.

De même, le chef de cordée, lorsqu’il se heurte à une difficulté qui présente pour lui un risque de chute, se fait assurer de la même façon par son second ; l’assurance est plus délicate, la sécurité plus problématique, mais les cas ne sont pas rares où des alpinistes ont ainsi été sauvés de chutes dépassant plusieurs mètres.

Sur les pentes très redressées, particulièrement longues et difficiles, ou bien si les relais sont trop exigus, l’assurance est meilleure lorsqu’elle s’effectue par l’intermédiaire d’un piton. Il s’agit d’un gros clou d’acier, qu’on enfonce dans une fissure au moyen d’un marteau et auquel on fixe la corde grâce à un mousqueton.