Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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France (suite)

La Constitution de 1946 avait créé un Comité constitutionnel composé du président de la République, des présidents des deux assemblées du Parlement (Assemblée nationale et Conseil de la République) et de dix membres élus à la proportionnelle et pour la durée de la législature par ces deux assemblées. Ce Comité pouvait être saisi — pendant le délai de promulgation — par un vote à la majorité absolue du Conseil de la République ; il ne pouvait pas décider l’inconstitutionnalité d’une loi votée, mais seulement en suspendre l’application jusqu’à la réalisation d’une révision constitutionnelle.

Le Conseil constitutionnel, institué en 1958, remplit une fonction beaucoup plus importante. Il est composé, pour une part, des anciens présidents de la République, qui y siègent de droit, et, pour une autre part, de neuf membres nommés pour neuf ans, en parties égales par le président de la République et par le président de chacune des assemblées législatives ; il est renouvelable par tiers tous les trois ans. Aucun de ses membres ne peut simultanément appartenir au gouvernement, au parlement ou au Conseil économique et social. Le président de ce Conseil est choisi pour neuf ans par le président de la République, parmi les membres de droit et les membres nommés. Il a voix prépondérante en cas de partage. Les membres nommés prêtent chacun serment, devant le président de la République, de « bien et fidèlement remplir leurs fonctions, de les exercer en toute impartialité dans le respect de la Constitution, de garder le secret des délibérations et des votes, et de ne prendre aucune position publique, de ne donner aucune consultation sur les questions relevant de sa compétence » (art. 56 à 63).


Les attributions du Conseil constitutionnel

1o Le Conseil constitutionnel exerce un contrôle juridique très large et souverain sur l’activité du Parlement : a) il se prononce sur la conformité à la constitution des lois organiques (avant leur promulgation) et des règlements intérieurs des assemblées parlementaires (avant leur mise en application) ; b) il se prononce sur cette même conformité pour les lois qui lui sont déférées (avant leur promulgation) et pour les engagements internationaux qui lui sont soumis (avant leur ratification) par le président de la République, le Premier ministre ou les présidents de l’une ou l’autre assemblée parlementaire ; c) il apprécie le caractère, législatif ou réglementaire, des dispositions des textes législatifs intervenus depuis l’entrée en application de la Constitution de 1958, lorsque le gouvernement se propose de les modifier par décret (art. 34 et 37) ; d) il tranche les différends survenus au cours de la procédure législative entre le gouvernement et le président de l’assemblée intéressée en ce qui concerne l’irrecevabilité d’un texte (proposition de loi ou amendement) dont le gouvernement estime qu’il est du domaine réservé au règlement (art. 41).
2o Il assure le contrôle des consultations électorales les plus importantes : a) en matière d’élections législatives et sénatoriales, il statue — en cas de contestation — sur la régularité de l’élection des députés et des sénateurs (avant octobre 1958, les assemblées étaient elles-mêmes juges de l’élection de leurs membres) ; lorsqu’il constate que des irrégularités se sont produites et si celles-ci ont eu un effet réel sur le résultat du scrutin, il peut soit annuler l’élection, soit réformer la proclamation faite par la commission de recensement et proclamer élu celui des candidats qui l’a été régulièrement ; b) en matière d’élection présidentielle et de référendum, il veille à la régularité des opérations et en proclame les résultats ; il prononce, à la demande des présidents des assemblées ou du garde des Sceaux, la déchéance des parlementaires dont l’inéligibilité s’est révélée, ainsi que la démission d’office de ceux d’entre eux qui exercent des fonctions incompatibles avec l’exercice d’un mandat parlementaire.
3o Il intervient dans certaines circonstances exceptionnelles de la vie de la nation : a) il doit être consulté par le président de la République avant tout recours à l’article 16 ; il se prononce par un avis motivé et publié sur le fait de savoir si sont bien réunies les conditions exigées par la Constitution pour l’usage des pouvoirs exceptionnels ; b) pendant cet usage, il doit être consulté sur toutes les mesures que le chef de l’État envisage de prendre en vue d’apprécier notamment si celles-ci sont « inspirées par la volonté d’assurer aux pouvoirs constitutionnels, dans les moindres délais, les moyens d’accomplir leur mission » (ces dispositions ont joué entre le 23 avril et le 29 septembre 1961) ; c) il décide souverainement, lorsqu’il est saisi par le gouvernement, si le président de la République est empêché d’exercer ses fonctions (la notion d’empêchement n’ayant pas été précisée par la Constitution, le Conseil possède un très large pouvoir d’appréciation).

Pour remplir sa mission, le Conseil constitutionnel est assisté d’un secrétaire général (nommé par le président de la République sur proposition du président du Conseil constitutionnel) disposant de services administratifs ; pour assurer le contentieux des élections des députés et des sénateurs, il fait appel à des rapporteurs choisis parmi les maîtres des requêtes au Conseil d’État et les conseillers référendaires à la Cour des comptes ; en ce qui concerne la régularité des élections présidentielles et des référendums, il désigne sur place des délégués choisis parmi les magistrats judiciaires ou administratifs.

Les décisions et les avis du Conseil sont rendus par sept conseillers au moins, sauf cas de force majeure dûment constatée au procès-verbal.


La réapparition de certaines pratiques de démocratie directe : la procédure du référendum

En France, l’adoption du système représentatif — que Montesquieu considérait comme le meilleur — avait eu pour effet d’exclure toute pratique de démocratie directe, bien que Rousseau ait affirmé : « Les députés du peuple ne sont et ne peuvent être ses représentants, ils ne sont que ses commissaires. Toute loi que le peuple en personne n’a pas ratifiée est nulle, ce n’est point une loi. » Cependant, la Révolution fit appel au référendum* pour l’approbation de la Constitution de l’an I (inappliquée) et de celle de l’an III (août 1795). Le procédé du référendum continua d’être employé pour la ratification des Constitutions consulaires et impériales ainsi que pour leurs révisions. La confusion entre la notion de référendum et de « plébiscite* césarien » devait, pendant longtemps, détourner les hommes politiques français des pratiques de démocratie semi-directe.