Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

forgeage (suite)

Suivant la nature du métal ou de l’alliage, le forgeage se pratique à chaud ou à froid. Une bonne forgeabilité correspond à d’importants allongements, à une faible limite d’élasticité pour déformer facilement dans le domaine de plasticité et à une bonne résilience, surtout lorsque le forgeage s’effectue par chocs. Deux objectifs sont recherchés généralement dans ce formage :
— la mise en forme proprement dite, à partir d’une ébauche simple, pour l’obtention d’une pièce ébauchée ou finie de profil parfois complexe (vilebrequin) et pouvant atteindre des dimensions et un poids importants (lingots d’aciérie, arbres de navires jusqu’à 300 t) ;
— l’obtention de caractéristiques physiques et mécaniques améliorées par modification de la texture du métal. Les pièces brutes de coulée et les lingots présentent une structure souvent grossière et dans laquelle les dendrites, ou cristaux de solidification, sont orientées en surface normalement à la paroi de la lingotière ou du moule et sans direction particulière à cœur, ce qui constitue un ensemble hétérogène. Lors du forgeage, deux processus physico-chimiques peuvent se développer : à chaud, le corroyage, ou déformation et brisure des cristaux, mais avec recristallisation simultanée et formation d’un nouveau réseau cristallin en raison de la température élevée ; à froid, l’écrouissage, ou déformation des cristaux, mais sans recristallisation. Le taux de corroyage (rapport de la section, ou d’une dimension donnée, avant et après forgeage), qui doit être d’au moins 3, permet d’obtenir des pièces présentant une structure dite « fibreuse », les cristaux étant alignés et orientés préférentiellement par rapport à la direction de forgeage. À cause de cette texture, les caractéristiques mécaniques se différencient « en long » et « en travers ».

L’orientation des fibres se faisant en fonction des conditions d’utilisation des pièces, ces dernières possèdent ainsi des propriétés améliorées appréciables pour des pièces de sécurité (crochets de palan, arbres de moteur, vilebrequins) et pour des pièces devant travailler dans des conditions difficiles (matrices de formage, plaques de blindage, aubes de turbine).

Le forgeage se décompose en plusieurs opérations élémentaires, pratiquées seules ou combinées :
— l’étirage, opération de base qui consiste à allonger l’ébauche par actions locales pour la transformer en produit long tel que barre ou ébauche d’arbre par exemple ;
— le refoulement par compression d’une région de l’ébauche : comme cela se passe par exemple dans le forgeage d’une soupape, où l’on effectue l’étirage de la tige, ou queue, et le refoulement de la tête ;
— le poinçonnage, ou perçage, pour obtenir une ébauche creuse, ou frette ;
— le bigornage, ou compression de la paroi d’une frette, d’où il résulte un allongement et une augmentation de diamètre ;
— le décolletage, ou tringlage, par étranglement d’une section en engageant une pièce d’outillage en forme de coin (dégorgeoir) ;
— le cintrage, ou formage, d’une pièce courbée ;
— le mandrinage, ou compression d’une pièce creuse sur un mandrin ;
— le forgeage sur étampes (pièces d’outillages permettant d’amener une barre à une section déterminée) ;
— le matriçage, ou estampage, type particulier de forgeage qui permet d’obtenir des formes très approchées des pièces finies en répartissant convenablement le métal du lopin dans les cavités formées par les matrices ou les estampes. (Ce mode de formage, qui nécessite des outillages coûteux, est bien adapté à la fabrication en grandes séries de pièces de formes complexes mais assez précises telles que les bielles de moteur d’automobile.)

L’équipement d’un atelier de forgeage se compose principalement des fours pour le chauffage ou le réchauffage, en cours de travail à chaud, des billettes, lopins ou ébauches ; des presses ou des marteaux-pilons avec leurs outillages et des appareils de manutention, surtout les manipulateurs pour les opérations de moyenne et grosse forge.


Appareils de forgeage

On peut les répartir en quatre types suivant le mode d’application de l’effort.

• Les presses agissent par pression continue sous un effort relativement statique ; ces presses hydrauliques, qui permettent d’appliquer un effort de 2 000 à 20 000 t suivant la nature et la dimension des pièces à travailler, sont les plus répandues.

• Les marteaux-pilons, actionnés pneumatiquement par la vapeur d’eau ou l’air comprimé, agissent par effet de choc ; leurs caractéristiques dépendent de la masse du marteau frappeur — couramment de 2 à 15 t (125 t pour le forgeage de gros lingots par des appareils anciens), qui tombe sur le lopin posé sur une enclume supportée par une chabotte en acier, dont la masse est d’environ 10 à 20 fois celle du marteau —, de la hauteur de chute et de la vitesse de frappe.

• Les moutons d’estampage, appareils en général plus petits que les marteaux-pilons, comportent une masse frappante d’un poids inférieur à 2 t et sont actionnés par divers systèmes :
— le mouton à planche, appareil simple dont la masse frappante est fixée à l’extrémité d’une planche entraînée par des rouleaux ;
— le mouton à tige commandée par distribution de vapeur ;
— le mouton à friction, dans lequel la masse frappante est retenue par une courroie enroulée sur tambour ;
— le mouton à contre-frappe, qui permet un mouvement de montée de la matrice inférieure durant la frappe en descente de la matrice supérieure.

Alors que les marteaux-pilons travaillent à une cadence de 20 à 40 coups à la minute, les moutons d’estampage atteignent 60 coups à la minute.

• Les machines à forger, combinant l’effet de la pression et celui du choc, travaillent principalement pour le forgeage de précision, à froid, de pièces de grandes séries telles que les boulons, et sont dérivées de presses mécaniques horizontales.

R. Le R.

➙ Étirage / Filage / Laminage / Plasticité / Sidérurgie.