Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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fleuve (suite)

3. Le climat. Le régime d’un fleuve dépend surtout du climat régnant sur son bassin. Les pluies interviennent par leur total annuel (les régions tropicales humides, qui sont les plus abondamment arrosées, sont également celles qui ont les fleuves les plus abondants) et leurs variations saisonnières. De son côté, la température parvient à nuancer fortement cette influence pluviale en agissant sur l’intensité de l’évaporation directe ou physiologique, l’extension et la durée du manteau neigeux, la fusion des glaciers. La température est ainsi capable de modifier les débits et de les retarder pour une durée plus ou moins longue.

4. Le couvert végétal. Lorsqu’il est arboré, son rôle se révèle le plus souvent bénéfique, car il parvient à freiner la perte par évaporation, à réduire et retarder l’écoulement. En certains cas, cependant, la présence de la forêt est sans effet, notamment dans le cas des pluies torrentielles. Inversement, la disparition du couvert végétal n’accroît l’immodération et l’irrégularité des écoulements que si les conditions du sol et du sous-sol le permettent.


Les bilans

Les hydrologues attachent une grande importance à l’étude des rapports entre l’eau reçue et l’eau écoulée. Ceux-ci sont exprimés par l’indice, le coefficient ou mieux le déficit d’écoulement. L’importance du volume d’eau soustrait au fleuve dépend des mêmes facteurs que ceux qui régissent les divers aspects du régime, mais leur importance respective varie.

Il y a des facteurs secondaires, comme la végétation, dont l’influence est des plus variables et encore mal définie. L’altitude n’intervient qu’indirectement, par l’intermédiaire du refroidissement, qui réduit sensiblement le déficit. La faible pente des lits et l’imperméabilité globale des bassins fluviaux tendent au contraire à l’accroître.

Les facteurs essentiels sont la pluviométrie et la température. La première agit par son intensité, sa répartition mensuelle (selon qu’elle se manifeste ou non pendant la saison chaude) ou la fréquence des fortes averses. La température intervient pour accroître la déperdition évaporatoire, et donc le déficit.

C’est en tenant compte de ces deux facteurs que les hydrologues ont proposé diverses formules permettant de calculer directement le déficit. Celle qui a été mise au point par Walter Wundt, A. Coutagne et M. Pardé donne les diverses valeurs de E à partir du montant des précipitations moyennes annuelles et de la température moyenne annuelle. L’examen de l’abaque correspondant révèle que, si le déficit croît sous l’influence conjuguée de la pluie et de la chaleur, il atteint une valeur plafond passé un certain chiffre de précipitations. Par exemple, pour un bassin dont la température moyenne est de 5 °C, le déficit atteint 280 mm pour des pluies de 400 mm, 350 pour 600, 400 pour 800 ; mais, au-delà de 1 000 mm, il n’augmente presque plus : tout ce qui tombe en sus est écoulé par le fleuve. Cela est dû à la saturation finale de l’atmosphère pour une température donnée. En chaque zone thermique, les fleuves ont des déficits qui peuvent être importants, moyens ou faibles selon la quantité des pluies reçues.

La biologie des fleuves

Du point de vue biologique, un fleuve doit être considéré comme un ensemble, une mosaïque de biotopes qui s’imbriquent et s’ordonnent progressivement, de sa source à la mer, en zones dans lesquelles le nombre de ces biotopes se réduit parfois, ou se multiplie d’autres fois, en fonction de la qualité du substrat, de la pente, de la forme du lit, du débit d’eau.

• La source est le plus souvent caractérisée par une certaine constance de ses qualités physico-chimiques, bien que son débit soit variable avec l’importance des précipitations et les capacités de rétention des terrains dans le bassin de réception (d’alimentation). Y vivent des organismes aimant les eaux claires, souvent fraîches, et généralement sténothermes, surtout des larves d’Insectes, des Crustacés, des Hydracariens. La flore y est souvent peu développée.

• Le cours supérieur est souvent torrentueux, à pente forte. Le fond du lit est constitué de sables grossiers, de cailloux plus ou moins façonnés sur et sous lesquels s’abritent larves d’Insectes, Mollusques et Vers (Turbellariés), constituant une unité écologique appelée rhithron. Les eaux y sont turbulentes, peu profondes, encore fraîches et favorables, dans les régions tempérées au moins, au développement des Poissons Salmonidés, exigeants du point de vue de l’oxygénation des eaux.

• Le cours moyen est encore souvent favorable à ces Poissons, bien que la vitesse du courant soit moins forte. D’autres viennent leur tenir compagnie (Cyprinidés). Le lit s’élargit, le fleuve prend de l’importance, son débit s’accroît, et les organismes qui le colonisent sont remplacés lentement par des animaux et végétaux moins exigeants au point de vue des variations de température et de la constance des qualités physico-chimiques des eaux. Ils constituent un potamon (épipotamon) qui est la caractéristique réelle et essentielle des fleuves. C’est dans le cours moyen également que se différencient plusieurs types d’unités écologiques, un ensemble benthique, un ensemble littoral et déjà un ensemble pélagique. Alimenté par les apports venant des collections d’eau amont, un plancton (Tychoplancton) se différencie, constitué d’Algues (Chlorophycées, Diatomées surtout) et de Crustacés (Copépodes, Cladocères), auxquels se mêlent parfois des Méduses d’eau douce. La faune benthique est constituée d’éléments plus eurythermes, notamment des larves de Coléoptères, de Dytiscides, d’Hétéroptères (Notonectes), etc. Les Mollusques seront parfois abondants aux bords, parmi les touffes de Phanérogames aquatiques (Carex, Potamots...).

• Le cours inférieur est souvent lent ; la pente y est faible ; les eaux deviennent plus troubles, plus variables, suivant les saisons, en débit et en température, et le fond du lit s’envase en maint endroit. Les Cyprinidés sont les poissons dominants ou caractéristiques. L’ensemble écologique correspondant est dénommé hypopotamon. Il comprend des organismes caractéristiques de cette zone typique des fleuves. Une mosaïque de milieux différents peut y être différenciée, depuis l’anse calme à l’allure de petit lac ou le marécage de bordure jusqu’à la fosse où les eaux ayant perdu leur vivacité s’apparentent à des eaux lacustres, en passant par toutes les formes d’eaux à écoulement plus ou moins turbulent suivant le débit du moment. La faune benthique y est souvent réduite en certains endroits et très riche en d’autres (Vers). La flore et la faune planctoniques se développent, tout en poursuivant leur avalaison.

• Arrivé à l’embouchure, le lit s’élargit encore, et les eaux commencent à se mélanger aux eaux marines. Des conditions d’estuaire* remplacent progressivement celles qui ont caractérisé jusqu’alors l’eau fluviale, et les organismes limniques laissent peu à peu la place aux organismes halophiles.