Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

Flamant (suite)

La période de reproduction se manifeste par des regroupements spectaculaires donnant lieu à des parades collectives avec danses rituelles. Puis la formation des couples précède la construction du nid, généralement tronconique et de dimensions variables avec les conditions du milieu (en moyenne, 30 cm de haut et 40 cm de diamètre à la base). Tous les nids sont densément regroupés (2 ou 3 par mètre carré) en une colonie pouvant rassembler plusieurs centaines de milliers de couples. Les femelles pondent un seul œuf blanchâtre, couvé alternativement par les deux parents pendant une trentaine de jours. Nourri par eux, le jeune Flamant rejoint au bout de 3 ou 4 jours les autres poussins de son âge pour constituer une « crèche ». Les adultes continuent à venir les alimenter en régurgitant dans leur bec un liquide riche en albumine, en corps gras, en protides et en carotène, nécessaire à la pigmentation de leurs téguments. Au bout de 3 à 4 semaines, les poussins, qui sont encore gris et ont un bec à peine arqué, deviennent capables de s’alimenter seuls, et ils prennent leur envol à un peu plus de 2 mois. Il n’acquièrent leur plumage adulte qu’à l’âge de la maturité sexuelle (2 à 5 ans).

L’espèce rencontrée en Europe (Phœnicopterus ruber roseus) a une distribution extrêmement large, ses lieux de reproduction s’étendant de la Camargue et de l’Espagne à la Mauritanie, à l’Afrique méridionale et orientale, à l’Inde et au Kirghizistan. Ses effectifs sont évalués à plus de 600 000 individus. D’après les données du baguage, on sait que les Flamants nés en Camargue se dispersent du Sénégal à la Turquie d’Asie.

A. T.

 E. Gallet, les Flamants roses de Camargue (Payot, Lausanne, 1949). / L. Brown, The Mystery of the Flamingos (Londres, 1959).

flamenco

Chants et danses d’Andalousie.


C’est depuis le xixe s. que cette définition s’est imposée ; mais il serait plus juste de préciser « des gitans d’Andalousie ». L’origine du mot flamenco (« flamand ») est fort douteuse et très discutée. Certains auteurs ont voulu voir un rapport entre la venue de gentilshommes flamands aux côtés de Philippe Ier le Beau lors de son mariage avec Jeanne la Folle, fille de Ferdinand V d’Aragon et d’Isabelle Ire de Castille, et leur insertion dans les groupes gitans qui s’étaient établis en Espagne à partir du xve s. Le musicologue J. Rodríguez Mateo (La copla y el cante popular en Andalucía, 1946) envisage un rapprochement possible entre le mot flamenco et flameante qui aurait le sens de « brillant », « resplendissant », tandis que Manuel García Matos (El cante flamenco, 1950) retrouverait l’idée de flaman (clair), dans la langue gitane, et d’« enflammé ». Ce mot à lui seul définirait alors le style et le tempérament passionné des artistes gitans et payos (non gitans).

Par ailleurs, les gitans (corruption du mot Égyptien) [tsiganes d’Espagne) sont en réalité d’origine indienne, et leur langue, le romani, est un rameau détaché de l’indo-aryen dont est également issu le sanskrit. Chaudronniers, vanniers, diseurs de bonne aventure, les gitans arrivent en Europe et la parcourent en remontant jusqu’en Écosse, mais sans jamais se mêler aux autochtones. Venus sans doute de France, à la suite de persécutions, par les Pyrénées, les gitans s’infiltrent en Espagne et trouvent refuge dans les sierras du Sud, en Andalousie.

Les Maures, chassés de Grenade en 1492, ont marqué de leur influence la musique gitane. Le chant et la danse flamencos sont empreints de caractères orientaux dont la concentration et les mélismes (modulations répétées sur une même voyelle ou syllabe), les mouvements des bras arrondis, l’expressivité des mains, la torsion du buste et les claquements de doigts sont les plus évidents.

On aurait tendance à négliger la distinction qu’il y a lieu de faire entre le folklore* espagnol et le flamenco. Circonscrit à une seule région, le flamenco est un art, et, s’il n’est pas uniquement accessible aux seuls initiés, il n’en est pas moins régi par des règles qui peuvent être aussi rigoureuses que celles qui étaient imposées à la poésie du siècle d’or.

Art essentiellement personnel, le flamenco est l’émotion vécue à l’état pur et que l’artiste, qu’il soit cantaor (chanteur), bailarín (danseur) ou tocaor (guitariste), communique aux autres. Un même cante (chant), un même baile (danse), une même falseta (variation du guitariste inspiré) n’ont jamais deux interprétations identiques. Et cela tient à l’« état d’âme » de l’artiste, à l’« atmosphère » du lieu où il se produit.

Pour le cabal (le connaisseur, l’initié), le chant, la danse et la guitare sont indiscutablement associés. La sève de l’art flamenco est le cante jondo (que l’on traduit par « chant profond »). Modulé, incantatoire, le cante jondo (seguiriyas, soleares) est un langage auquel les assistants répondent ; c’est souvent un poème, mais c’est aussi de la prose chantée. Plus mélodique peut-être est le cante grande (fandango, malagueña), tandis que le cante chico (petit chant) rassemble non seulement ce qui est léger et gai, mais aussi ce qui est brillant, étincelant et à la portée de tous les non-initiés (alegrías, fandanguillos, sevillanas). La danse n’a pas toujours d’accompagnement musical, mais plus qu’un support la guitare insuffle la vie au danseur animé par le duende (démon de l’inspiration).

Le flamenco que nous connaissons aujourd’hui est proche de celui qui existait vers la fin du xviiie s. Art original, sans doute, mais façonné par les influences maure et gitane qui s’exercèrent sur toute l’Andalousie. Seules les indications recueillies grâce aux relations de voyage d’artistes et d’écrivains nous renseignent sur les artistes flamencos du xixe s. C’est à cette époque que se multiplient les cuadros flamencos (troupes de chanteurs, de danseurs et de guitaristes), qui se produisent sur le tablao (tréteaux) des cafés cantantes. De ces premières scènes, les troupes de chants et de danses flamencos passent bientôt au théâtre et participent à des tournées qui les conduisent d’abord à travers l’Espagne, puis, à partir du xxe s., dans le monde entier. Et certains de se demander si, au contact des foules, le flamenco n’a pas perdu de sa pureté, si les artistes n’ont pas cédé à l’aspect « commercial » de la tournée internationale.