Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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filature (suite)

Filature des fibres


Généralités

La filature des fibres comporte toujours les opérations essentielles suivantes : mélange, épuration, cardage, régularisation et affinage, et filature proprement dite.

• Mélange. Les fibres textiles étant hétérogènes, il est indispensable de procéder à un mélange de lots de fibres de caractéristiques voisines, afin que d’une fabrication à l’autre, pour une qualité déterminée, les propriétés physiques et chimiques du fil soient sensiblement les mêmes en tout point.

• Épuration. Étant nuisibles à la qualité du fil, les impuretés contenues dans la fibre brute doivent être éliminées. Elles peuvent être des particules étrangères, plus ou moins accrochées dans les fibres (telles que des débris de feuilles dans le coton, de la terre ou des pailles dans la laine), ou les enrobant (le suint pour la laine ou le grès pour la soie). C’est en ouvrant les touffes de fibres que les particules étrangères seront le plus facilement éliminées. Aussi les touffes sont-elles entraînées par des bras ou des règles qui viennent les frapper contre des grilles : il s’agit à la fois d’une action mécanique de floconnage et d’une action de nettoyage résultant de l’effet de la force centrifuge. Cette élimination des impuretés se poursuit lors du cardage et également du peignage. Les matières enrobant les fibres (suint, grès) sont enlevées par une opération de lavage.

• Cardage. Après les opérations d’épuration, les fibres se présentent encore en masse plus ou moins volumineuse et en désordre : le rôle de la carde est de parfaire leur nettoyage. Celle-ci élimine donc les déchets qui subsistent ainsi qu’une partie des fibres courtes ; de plus, elle démêle et individualise les fibres, qui, jusqu’à présent, avaient été traitées sous forme de touffe. Pour cela, la matière textile est placée entre deux surfaces garnies de pointes métalliques situées dans des plans parallèles très voisins. Par mouvement relatif de ces surfaces, les pointes agissent sur les fibres à la fois en les retenant et en les déplaçant, ce qui permet de diviser les touffes. À la sortie, la carde restitue un ruban, c’est-à-dire un ensemble de très grande longueur et sans torsion notable, de section transversale faible et approximativement uniforme, composé de fibres maintenues par leur seule adhérence réciproque.

• Régularisation et affinage. À la sortie de la carde, les rubans sont irréguliers. Pour les régulariser et obtenir un meilleur alignement des fibres, on procède par doublages et étirages successifs de ces rubans. L’étirage est obtenu par passage entre deux paires de cylindres dotés de vitesse périphérique différente, le taux d’étirage étant sensiblement égal au doublage. Ainsi régularisé, le ruban subit alors les opérations d’affinage, qui le transforment en mèche. Celle-ci se distingue du ruban par une légère torsion et une masse linéique plus faible.

• Filature proprement dite. Elle consiste à faire subir à la mèche un dernier affinage, afin de l’amener au titre voulu (le titre étant la masse en grammes de 1 000 m de fil), puis à donner au fil une torsion et à l’enrouler sur un support.

Ces différentes opérations ainsi que le matériel utilisé pour les réaliser doivent être adaptés à chaque catégorie de fibres en raison de leurs caractéristiques physiques (pureté, longueur, finesse, souplesse) très variables, mais les principes mis en œuvre restent identiques.


Filature de coton

Le coton est livré à la filature en balles fortement pressées, dans lesquelles les fibres se trouvent agglomérées et mélangées à de multiples impuretés (débris de feuilles, de capsules, etc.).

Le travail d’épuration comprend l’ouverture de ces agglomérats de fibres en flocons plus petits, libérant par le fait même les impuretés qui se trouvaient emprisonnées. Ce travail s’effectue au moyen d’un ensemble de machines : brise-balles, ouvreuses, chargeuses, batteurs. Pendant l’alimentation des brise-balles, on procède au mélange des cotons de diverses qualités entrant dans la composition du fil à réaliser. La disposition généralement adoptée est celle de brise-balles multiples desservant leur production sur un tablier collecteur unique qui alimente les machines suivantes ; celles-ci concourent à obtenir des flocons de plus en plus petits et débarrassés de leurs impuretés. À la sortie du batteur, la matière est groupée en nappe disposée autour d’un mandrin sous forme de rouleau. Cette nappe doit être régulière en poids et en épaisseur pour la suite des opérations. Dans le système one process, les premières machines d’épuration sont le plus souvent groupées ; elles sont reliées entre elles par des canalisations dans lesquelles circule le coton, et leur alimentation successive est réglée par des dispositifs électroniques et électromécaniques.

Les rouleaux formés au batteur sont transportés aux cardes. Chaque carde comporte une table d’alimentation suivie d’un cylindre qui présente la nappe à un premier tambour, nommé briseur, lequel transmet les flocons déjà ouverts à un grand tambour. Autour de ce tambour se trouve une zone où s’effectue le travail de cardage proprement dit. Cette zone est constituée par une série de plaques garnies d’aiguilles, appelées chapeaux, dans lesquelles s’accrochent les impuretés et les fibres courtes ou mortes. Les fibres restant sur le grand tambour en sont détachées par un troisième tambour, d’où elles sont extraites, sous forme de voile, par un peigne détacheur. Ce voile est condensé pour donner un ruban. Mais la tendance moderne est, d’une part, de remplacer le brise-balles par des machines automatiques dites « floconneuses », qui opèrent directement sur la balle en grattant la face inférieure et en envoyant pneumatiquement les touffes de fibres à la machine suivante, et, d’autre part, d’abandonner l’alimentation des cardes par rouleaux de batteurs au profit d’une alimentation directe par flocons. On intercale donc dans le circuit, avant la chargeuse qui précédait le batteur, un dispositif qui remplit de façon continue ou intermittente les silos ou les cheminées placés sur chaque carde. À la sortie de la carde, les rubans sont dirigés vers les bancs d’étirage. On réunit à l’entrée un certain nombre de rubans, six ou huit en général, puis ceux-ci passent dans le dispositif d’étirage, où ils subissent un laminage sensiblement égal au doublage. L’adhésion des fibres entre elles ne permet pas de poursuivre l’affinage du ruban sans risque de rupture ; on améliore alors la cohésion par une légère torsion, qui est obtenue par passage sur un banc à broches. Comme sur le banc d’étirage, le ruban passe entre des cylindres alimentaires et délivreurs dotés de vitesse périphérique différente. À la sortie du dispositif d’étirage, il se présente sous forme de mèche. Introduite dans la tête d’une ailette, cette mèche en suit le bras creux et, à la base de ce bras, s’enroule sur un bobinot en bois préalablement placé sur la broche. Elle est ensuite conduite au continu à filer, qui est équipé d’un dispositif destiné à recevoir les bobinots du banc à broches et d’un système de laminage très souvent à double manchon, permettant de grands étirages. À la sortie du train d’étirage, le fil passe par un curseur (fil métallique glissant sur un anneau) et s’enroule sur le tube fixé sur la broche du continu. En tournant, la broche entraîne le tube ; le fil tire alors sur le curseur qui glisse sur l’anneau et reçoit un tour de torsion par tour de broche. L’importance d’une filature s’évalue au nombre de broches qu’elle possède — il n’est pas rare, dans l’industrie cotonnière, de trouver des entreprises de 50 000 broches et plus. Il semble que le continu à filer ait atteint des performances qu’il est difficile de dépasser ; aussi la tendance est-elle de faire appel à des procédés nouveaux. Parmi ceux-ci, la filature dite à « fibres libérées » fait appel à des moyens pneumatiques ou électrostatiques pour dissocier les fibres d’un ruban, lesquelles sont immédiatement reprises pour former un fil.