ferromagnétisme (suite)
Si la hauteur de la barrière est bien supérieure à kT, le moment M conserve son orientation primitive, aussi longtemps qu’un champ magnétique élevé n’agit pas sur lui : un ensemble de ces grains constitue un très bon aimant permanent. Cependant, lorsqu’on chauffe le grain au voisinage de son point de Curie, la hauteur de la barrière s’abaisse beaucoup, et le moment M est susceptible de changer d’orientation dans un champ magnétique faible, tel que le champ magnétique terrestre : il se bloque ensuite au refroidissement. C’est là l’origine de la mémoire magnétique des roches et des terres cuites, qui est à la base du paléomagnétisme*.
Théorie des moments magnétiques et de leurs interactions
La théorie complète du ferro- et du ferrimagnétisme est un des chapitres les plus difficiles de la physique des solides. Beaucoup de points délicats restent à élucider et, de toute façon, la théorie ne prédit que des ordres de grandeur.
Considérons d’abord le moment atomique : il est lié à l’existence d’une couche électronique intérieure incomplète. Pour le groupe des terres rares, c’est la couche 4f : les moments atomiques de Gd et de Tb sont bien à peu près ceux que les règles de Hund permettent de prédire pour les ions trivalents. Pour les métaux Fe, Co, Ni, appartenant à la première série de transition et possédant une couche électronique 3d incomplète, l’expérience montre que le moment orbital des électrons est presque complètement bloqué : le moment atomique est un moment de spin. Mais comme les moments atomiques à saturation de Fe et de Ni sont respectivement égaux à 2,2 et à 0,6 μB (μB = magnéton de Bohr), il faut en outre conclure que la couche 3d contient un nombre fractionnaire d’électrons. On l’explique par un chevauchement de la bande magnétique 3d et de la bande de conduction 4s. Les électrons s’y partagent en remplissant les deux bandes jusqu’au même niveau : une bande peut donc contenir un nombre fractionnaire d’électrons.
La question des interactions est encore plus complexe. Il existe d’abord des interactions dues à des échanges d’électrons entre atomes voisins, un peu analogues à celles qui donnent naissance aux liaisons homopolaires, mais qui, au lieu de favoriser l’antiparallélisme des spins d’atomes voisins, favorisent le parallélisme. Dans les métaux des terres rares, des interactions se produisent aussi par l’intermédiaire de la couche 5s des électrons de conduction, qui se polarise. Dans les ferrites, il s’agit principalement d’actions de superéchange où les atomes d’oxygène, séparant deux atomes de métal, jouent un rôle de relais en changeant d’état d’ionisation : dans ce cas, les interactions sont en général négatives et favorisent l’antiparallélisme des moments atomiques des ions métalliques, en accord avec la théorie du ferrimagnétisme.
L. N.
R. M. Bozorth, Ferromagnetism (New York, 1951). / L. F. Bates, Modern Magnetism (Cambridge, 1961). / E. Kneller, Ferromagnetismus (Berlin, 1962). / S. Chikazumi et S. H. Charap, Physics of Magnetism (New York, 1964). / A. Herpin, Théorie du magnétisme (P. U. F., 1968).