Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Ferdinand VII (suite)

Le premier règne

À la suite de l’émeute d’Aranjuez, provoquée par l’annonce du départ de Charles IV, Godoy est destitué, et le roi abdique en faveur de son fils (19 mars 1808). Quelques jours plus tard, Ferdinand VII entre à Madrid au milieu de l’enthousiasme général du peuple, qui le considère comme une victime des intrigues de Godoy. Mais son premier règne est de courte durée. En effet, alors que des troupes françaises ont déjà pénétré en Espagne, sous le prétexte de se rendre au Portugal conformément aux termes du traité de Fontainebleau, Napoléon attire le souverain espagnol à Bayonne, où il a préparé une entrevue avec Charles IV et Marie-Louise. Là, il contraint Ferdinand à rendre la couronne à son père ; celui-ci y renonce en faveur de l’Empereur, qui la destine à son frère Joseph Bonaparte (mai 1808). Ferdinand est retenu prisonnier à Valençay en compagnie de son frère don Carlos et de son oncle Antonio pendant les six ans que durent le règne de Joseph Bonaparte et la guerre d’Indépendance.


Le second règne (1814-1833)

Cependant, les revers essuyés par les troupes françaises, tant dans la Péninsule que sur le front russe, poussent Napoléon à abandonner l’Espagne. Il signe avec Ferdinand le traité de Valençay (11 déc. 1813), par lequel il lui rend la liberté et la couronne, n’exigeant en contrepartie que le retrait des Anglais après le départ des Français. En mars 1814, alors que les Alliés luttent encore contre les armées napoléoniennes en Catalogne, Ferdinand rentre en Espagne.

Par le manifeste de Valence (4 mai 1814), il abolit la Constitution de 1812, code ultra-libéral à l’instar de celui de la Révolution française, et rétablit la monarchie absolue, pensant que la majorité est opposée à l’action des Cortes et au régime constitutionnel. De fait, le gouvernement ne fait preuve d’aucune résistance, et le voyage du roi d’Aranjuez à Madrid est triomphal. Le ministère institué par les Cortes de Cadix est dissous et remplacé par les anciens secrétariats, entièrement dévoués à la cause du roi.

Mais la poursuite acharnée des libéraux, les intrigues, l’arbitraire avec lequel le souverain exerce le pouvoir personnel et la mauvaise administration engendrent un profond mécontentement dans le pays. Des conspirations se trament et des insurrections ont lieu en vue de renverser la monarchie absolue. La tentative de Francisco Espoz y Mina (1781-1836), maréchal exilé à Pampelune, échoue, ainsi que celle du général Luis de Lacy (1775-1817) et le complot de Madrid, dû en partie aux francs-maçons ; mais, le 1er janvier 1820, le général Riego (1785-1823) proclame la Constitution de 1812 à Cabezas de San Juan, dans la province de Séville. Cette rébellion peut aboutir en raison de la faiblesse du gouvernement et de la pusillanimité du souverain, et la révolution s’étend à plusieurs villes espagnoles (La Corogne, Saragosse, Barcelone, Pampelune, Cadix). Le 9 mars 1820, Ferdinand VII doit prêter serment sur la Constitution et se déclare prêt à s’engager résolument « sur la voie constitutionnelle ».

Devant le triomphe du mouvement libéral, les émigrés et les proscrits rentrent en Espagne. Se succèdent alors quatre ministères constitutionnels. Le roi, dont le caractère et l’éducation sont parfaitement incompatibles avec ce genre de régime, traite ses ministres sans égards, dilapide son or en conjurations et demande aux monarques étrangers de l’aider à sortir de l’esclavage dans lequel il est maintenu. Au congrès de Vérone (oct.-nov. 1822), les souverains de la Sainte-Alliance décident d’apporter leur aide à Ferdinand VII et confient à la France le soin d’écraser le régime libéral espagnol.

Le duc d’Angoulême, neveu de Louis XVIII, arrive à Madrid le 23 mai 1823 à la tête des « cent mille fils de Saint Louis », et poursuit sans entrave son chemin jusqu’en Andalousie. Les députés se rendent à Séville avec le roi et l’obligent même à les accompagner à Cadix. Cette ville, soumise à un blocus à partir du 24 juin, capitule le 1er octobre. Ferdinand VII signe un manifeste dans lequel il promet l’amnistie, mais, en fait, la réaction absolutiste (1823-1833) est plus violente que celle de 1814. Les Commissions militaires poursuivent les responsables de délits politiques, et les « Juntas de la fe » (Conseils de la loi) jugent les libéraux et les francs-maçons. Riego est pendu (1823), ainsi que de nombreuses autres personnes.

Cependant, le désastre d’Ayacucho (9 déc. 1824), décisif pour l’indépendance des anciennes colonies espagnoles d’Amérique, et la reconnaissance officielle par l’Angleterre de cette indépendance (1825) incitent le roi, sur le conseil de son ministre Francisco Zea Bermúdez (1772-1850), à adopter une politique plus modérée envers ses sujets. Les absolutistes intransigeants, rangés sous les bannières de don Carlos, ne sont pas satisfaits de cette attitude.

La décision du souverain de se remarier pour la quatrième fois (1829) ne leur plaît pas davantage. Elle anéantit en effet les espoirs que nourrissait don Carlos de monter sur le trône, Ferdinand VII n’ayant toujours pas de descendant. Alors que Marie-Christine de Bourbon (1806-1878), sa nouvelle épouse, attend un enfant, le monarque publie en 1830 la « pragmatique sanction » de 1789 qui, en annulant la loi salique, permet aux femmes de régner en Espagne. Le 10 octobre 1830, la reine donne le jour à une fille, qui reçoit le nom de Marie-Louise (future Isabelle II) et est proclamée princesse des Asturies. À partir de ce moment-là, les libéraux, qui prennent parti pour la succession féminine, rentrent dans la légalité, alors que les royalistes, dirigés par don Carlos, qui défendent le droit à la couronne de la descendance masculine, se mettent hors la loi et s’opposent à Ferdinand VII. C’est la naissance des guerres carlistes.

À partir de septembre 1832, l’état du roi étant jugé critique, Marie-Christine est chargée des affaires courantes. Après avoir dérogé à la pragmatique sanction (18 sept. 1832), Ferdinand VII revient sur sa décision, déclarant qu’il ne peut aller à l’encontre des obligations qu’il a, en tant que roi et que père, envers son « auguste descendance ». Le gouvernement estime qu’il est préférable que don Carlos quitte l’Espagne et lui « permet » de passer au Portugal (13 mars 1833).

Le 30 juin 1833, les Cortes reconnaissent Isabelle pour héritière, ce que se refuse à faire don Carlos. À la mort de Ferdinand VII (29 sept. 1833), la guerre civile entre isabellins et carlistes est inévitable.

R. G.-P.

➙ Bourbon / Carlisme / Charles IV / Espagne.