Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

fer (suite)

Le fer n’est pas un minerai rare. Il est sans doute plus abondant dans les assises profondes qu’à la surface de la Terre, mais il est presque partout présent. Les gisements exploitables sont nombreux. La teneur est un élément essentiel pour le métallurgiste, car il faut d’autant plus de coke pour produire une tonne de fonte que le minerai est moins pur, et les frais de transport sont d’autant plus élevés que l’on achemine de la matière inutile. La composition de la gangue est variable : la présence de silice est gênante pour la transformation, à moins qu’on ne puisse mélanger minerais siliceux et minerais calcaires ; la chaux neutralise la silice dans le haut fourneau. Les minerais phosphoreux ne peuvent se prêter à l’élaboration d’acier Bessemer.

Le développement des formes récentes de la métallurgie (acier à l’oxygène par exemple) a rendu plus exigeant le sidérurgiste. Il se soucie de la structure physique du minerai, n’aime pas celui qui est trop pulvérulent, comme celui qui se présente en blocs trop gros. Il souhaite disposer du minerai dont la teneur est la plus élevée possible.

Par suite du coût relativement élevé des transports en vrac jusqu’à une date récente, la sidérurgie était restée liée aux ressources proches : lorsque le minerai et le coke voyageaient par chemin de fer, ils ne pouvaient guère se trouver à plus de 200 ou 300 km l’un de l’autre. Lorsqu’ils empruntaient la voie maritime (ou son équivalent, celle des Grands Lacs en Amérique du Nord), on pouvait aller jusqu’à 1 000 ou 1 500 km. Dans les zones ainsi définies, autour des grands foyers industriels, les gisements ne manquent pas mais leur teneur n’est pas toujours très élevée. La métallurgie du début du siècle considérait comme minerais riches ceux qui viennent de Kiruna en Suède (58 p. 100), de la région des Grands Lacs (51 p. 100). Elle s’accommodait de la minette lorraine (30 à 34 p. 100), du minerai jurassique anglais (entre 15 et 23 p. 100), ou de celui de Salzgitter en Allemagne (23 à 40 p. 100).

Les minerais se trouvent souvent dans des régions de socle et se sont accumulés lors de la formation des chaînes précambriennes : c’est ce qui explique la richesse de la région des Grands Lacs, du Labrador, de la Suède ou des producteurs tropicaux, Brésil, Venezuela, Mauritanie, Liberia, Inde, Australie. On trouve également des réserves sédimentaires plus récentes : dans toute l’Europe occidentale (en Lorraine, en Angleterre, dans la région de Cleveland ou de Corby, en Allemagne pour le gisement de Salzgitter), les ressources proviennent d’assises d’âge secondaire.

À l’état pur, l’oxyde ferrique titre 69,9 p. 100 de fer. Dans les régions tropicales, les transformations subies par les roches anciennes ont provoqué la constitution de poches ou de croûtes superficielles dont la teneur est très élevée : ces minerais, connus sous le nom d’itabarite ou de taconite, contiennent plus de 60 p. 100 de fer (jusqu’à 68 p. 100). Ce sont eux qu’affectionnent aujourd’hui les sidérurgistes. Les minerais plus pauvres exploités traditionnellement ne résistent à la concurrence que si on peut les enrichir et les présenter sous forme d’agglomérés qui se prêtent bien à la marche des hauts fourneaux.

La transformation de la géographie de la production du minerai de fer a donc eu pour moteurs essentiels la croissance de la demande et la baisse des frets maritimes, celle-ci étant liée à la mise en service de minéraliers de grande capacité. Elle a été facilitée par les progrès dans les techniques d’exploitation : grâce à la mécanisation des opérations, il est possible de créer une mine dans un pays peu peuplé et sans tradition industrielle. La plupart des gisements nouveaux peuvent s’exploiter à ciel ouvert, ce qui facilite la tâche des ingénieurs et permet d’utiliser une main-d’œuvre moins experte.

Jusqu’à ces vingt dernières années, la production du minerai était pour l’essentiel aux mains de groupes sidérurgiques : la part du minerai qui passait sur le marché était faible, le cinquième pour la Lorraine, par exemple. La mise en valeur des nouveaux gisements a impliqué de tels investissements que les sociétés métallurgiques ont perdu leur prééminence. La plupart des grandes exploitations lancées depuis le début des années 50 ont été financées par des groupes où l’on trouve, à côté des maîtres de forge, des banques, les États, des sociétés financières aux intérêts multiples. Les sidérurgistes achètent sur le marché et assurent la sécurité de leurs approvisionnements en signant des contrats à long terme avec les producteurs. Le cas le plus significatif est celui du Japon, qui a construit toute sa sidérurgie sur des approvisionnements ainsi stabilisés.

Deux grands producteurs appartiennent à la catégorie des puissances sidérurgiques du monde tempéré (l’U. R. S. S. fournit le quart de la production mondiale, et les États-Unis le huitième). Neuf producteurs moyens fournissent l’essentiel du marché international : la Suède et la France sont des fournisseurs traditionnels, cependant que le Canada, le Venezuela, le Brésil en Amérique, le Liberia en Afrique, l’Inde en Asie sont devenus récemment de gros exportateurs ; l’Australie fournit aussi le huitième de la production mondiale ; la Chine est en mesure d’approvisionner une sidérurgie désormais puissante.

Toute la géographie de la production de la fonte et de l’acier se trouve bouleversée par l’accroissement rapide des approvisionnements à forte teneur. Les vieilles régions d’industries lourdes, nées généralement sur les bassins houillers ou, plus rarement, comme en Lorraine et dans la région des cuestas jurassiques anglaises, sur le minerai, sont en crise, alors que les puissantes installations littorales se multiplient. Les producteurs dépourvus de ressources, les Pays-Bas, l’Italie en Europe, le Japon en Extrême-Orient, se trouvent paradoxalement avantagés : ils n’ont pas à amortir des investissements dont la rentabilité est aujourd’hui médiocre, ce qui leur permet de créer une industrie dynamique. Les producteurs traditionnels les imitent : la France, après Dunkerque, édifie le complexe de Fos-sur-Mer.