Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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féodalité (suite)

 Recueils de la société Jean Bodin, les Liens de vassalité et les immunités (Libr. encyclopédique, Bruxelles, 1936 ; 2e éd., 1959). / M. Bloch, la Société féodale (A. Michel, coll. « Évolution de l’humanité », 1939-40 ; 2 vol. ; nouv. éd., 1968). / C. Cahen, le Régime féodal de l’Italie normande (Geuthner, 1940). / F. L. Ganshof, Qu’est-ce que la féodalité ? (Office de publicité, Bruxelles, 1944 ; 4e éd., Presses universitaires de Bruxelles, 1968). / J. Calmette, la Société féodale (A. Colin, 1952). / G. Duby, la Société aux xie et xiie siècles dans la région mâconnaise (A. Colin, 1954). / G. W. Barrow, Feudal Britain, 1066-1314 (Londres, 1956). / R. Coulborn (sous la dir. de), Feudalism in History (Princeton, 1956 ; nouv. éd., 1965). / F. Joüon des Longrais, l’Est et l’Ouest. Institutions du Japon et de l’Occident comparées (Institut de recherches d’histoire étrangère, 1958). / R. Boutruche, Seigneurie et féodalité (Aubier, 1959-1970 ; 2 vol.). / J. Le Goff, la Civilisation de l’Occident médiéval (Arthaud, 1964). / J. R. Strayer, Feudalism (New York, 1965). / R. Fossier, Histoire sociale de l’Occident médiéval (A. Colin, coll. « U », 1970). / G. Fourquin, Seigneurie et féodalité au Moyen Âge (P. U. F., 1970). / Le Féodalisme (Éd. sociales, 1971). / L’Abolition de la féodalité dans le monde occidental (C. N. R. S., 1972). / E. Bourassin, la Cour de France à l’époque féodale, 987 à 1483 (Perrin, 1975).


Le fief

« Tenure concédée gratuitement par un seigneur à son vassal en vue de procurer à celui-ci l’entretien légitime et de le mettre à même de fournir à son seigneur le service requis. »


Origines

Ainsi défini par F. L. Ganshof, le fief apparaît comme l’héritier direct du beneficium, terme par lequel on désignait cette tenure à l’époque carolingienne. Mais, alors que ce dernier vocable peut s’appliquer également à des tenures en précaire, à des tenures de service, à des bénéfices ecclésiastiques, le mot fief désigne exclusivement le beneficium qui constitue le « chasement » du vassal.

Apparu à la fin du ixe s., dans le sud de la Bourgogne, où il s’écrit alors feos ou feus, le mot fief est transcrit sous les formes feodum, fevum, feudum, dont il est la traduction directe en français et auquel correspond en allemand le vocable Lehen. Son application au « chasement » du vassal s’explique sans doute, selon Marc Bloch, par son origine étymologique, le francique fehu-ôd, dont le premier membre désignerait le bétail (faithu en gothique, Vieh en allemand, pecus en latin) et dont le second, ôd, aurait le sens de « bien ».

Se rencontrant de plus en plus souvent au xe s. dans les chartes du Languedoc (fevum, feum, feo), d’où il gagne le Limousin (fevum), le Poitou (fedum), puis l’ensemble de la France et la Lotharingie, où son emploi est généralisé dans la seconde moitié du xie s., le mot fief est souvent suivi du mot chevalier (feodum militis) dans les quelques régions où il est également employé dans le sens général de « tenure » (Midi aquitain et pyrénéen, Normandie, Angleterre).


Assises du fief

L’objet concédé en fief est le plus souvent une terre dont la superficie peut être aussi réduite que celle d’une censive exiguë ou aussi vaste que celle d’une principauté territoriale analogue au duché de Normandie ; ce peut être également un château, indépendamment du fonds, un cens, une autorité supérieure, telles celle des princes territoriaux français (« fiefs de dignité ») ou celle des « princes d’Empire » à partir du milieu du xiie s., une fonction, un droit (tonlieu, péage, charges de châtelain, de maire, d’avoué, etc.) qui ont toujours une base territoriale.

Mais cet objet peut également être totalement détaché de toute assise de ce type et « consister en un droit », être « à un revenu..., à une rente dira-t-on au xiiie s. », selon F. L. Ganshof. Il en est ainsi des fiefs de fonction, qui ne comportent que l’exercice du droit de ban, tel le comitatus, c’est-à-dire le seul pouvoir comtal que les Capétiens inféodent au xie et au xiie s. au comte de Flandre, qui prétend tenir en alleu la plupart de ses terres flamandes et artésiennes. Ce type de fief, pratiquement inconnu dans le reste de la France, est par contre très répandu à la même époque en Germanie, où ducs, margraves, comtes, évêques et abbés sont considérés comme étant avant tout des titulaires de fonctions publiques. Revenus ecclésiastiques usurpés par des laïques, les spiritualia, c’est-à-dire les offrandes versées à l’autel à l’occasion des baptêmes, mariages, enterrements, fêtes liturgiques, ainsi que les droits judiciaires, militaires, financiers exercés par les avoués en terre d’Église représentent une seconde catégorie de fiefs dépourvus de base foncière. Il en est de même, à partir du xie s., du foedum de bursa (« fief de bourse ») [Kammerlehen allemand (« fief-pension »)], dénommé fief-rente au xiiie s., et qui est constitué par la remise au vassal soit d’une somme d’argent qui lui permet d’acquérir un bien ou un droit lui assurant un revenu régulier, soit d’une rente fixe à percevoir sur une somme déterminée de revenus (un tonlieu, un péage, etc.) ou sur le Trésor. Considérés en Allemagne, en Flandre et en basse Lotharingie comme de simples fiefs d’attente, les fiefs de bourse ne connaissent une grande diffusion que dans les pays dont l’économie est stimulée par une abondante circulation monétaire (Pays-Bas, Normandie), dans ceux dont les finances sont mieux organisées (Champagne, France de Philippe Auguste) et dans ceux, enfin, dont les richesses foncières sont, en outre, territorialement réduites. Il en est ainsi dans les États latins d’Orient, dont les princes doivent chaser un nombre d’autant plus élevé de vassaux qu’il leur faut poursuivre tout au long des xiie et xiiie s. une lutte presque incessante contre les forces de l’Islām. Aussi parle-t-on de fiefs de soudée, puisqu’ils représentent alors un véritable salaire versé au vassal soldé.


Types de fief