Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

Faulkner (William) (suite)

Le vrai destin des personnages de Faulkner, c’est cette rhétorique de l’opacité, qui n’éclaire pas, mais aveugle des héros œdipiens. Le style de Faulkner, avec ses longueurs, ses métaphores, ses phrases contournées, est une sorte de lave où tous s’engluent. La phrase faulknérienne engloutit la création, la fige. Cette rhétorique pétrifiante ne décrit ni ne raconte, mais mêle le passé et le présent dans ce temps de la vision simultanée, qui est le temps faulknérien par excellence et qu’il faudrait appeler le perpétuel. Comme Quentin brise sa montre, Faulkner renonce au temps des horloges et rejoint cet anarchisme chronologique dont Proust, Joyce et Virginia Woolf ont fait la révolution du roman moderne. Pris dans le « perpétuel », chacun est défini non par sa liberté d’être et de faire, mais par son « avoir fait » et « avoir été ». Un seul trait, le soupçon de métissage chez Christmas, le souvenir du grand-père Hightower, le culte des martyrs Burden, suffit à déterminer les trois principaux personnages de Lumière d’août.

Ce passé, qui obsède le présent et lui chuchote son destin, est très proche de celui de l’Ancien Testament. La répétition des noms propres de génération en génération, comme dans les généalogies bibliques, exprime une filiation de la culpabilité. Dans ce monde pas encore racheté, tous sont des « intrus », et tous cherchent l’« outrage » qui les tuera, le sacrifice rituel qui leur donnera un sens en les anéantissant, en les rendant au temps éternel. En ce sens, l’œuvre de Faulkner apparaît comme une sorte de théologie romanesque. L’auteur lui-même se donne le spectacle liturgique de sa création et l’englobe de son œil divin : « Vous vous retournez, écrit Faulkner, et, abaissant vos regards, vous embrassez tout le Yoknapatawpha, qui s’étend à vos pieds aux derniers feux du jour. Et vous demeurez là, maître solitaire, dominant la somme entière de votre vie qui se déroule sous ce vol incessant d’éphémères étincelles. Comme le Seigneur au-dessus de Bethléem, vous planez en cet instant au-dessus de votre berceau, des hommes et des femmes qui vous ont fait ce que vous êtes, de ces archives, de ces chroniques de votre terre natale offertes à votre examen en mille cercles concentriques pareils à ceux qui rident l’eau vive sous laquelle votre passé dort d’un sommeil sans rêves ; vous trônez alors, inaccessible et serein au-dessus de ce microcosme des passions, des espoirs et des malheurs de l’homme, ambitions, terreurs, appétits, courage, abnégation, pitié, honneur, orgueil et péchés, tout cela lié pêle-mêle en un faisceau précaire, retenu par la trame et par la chaîne du frêle réseau de fer de sa rapacité, mais tout cela voué aussi à la réalisation de ses rêves. » À la dernière page de son dernier livre, le Domaine, le dernier personnage s’engloutit à son tour dans les cercles infiniment concentriques de cette création, « tous mélangés, pêle-mêle, les beaux, les splendides, les orgueilleux, les braves, jusqu’au faîte même parmi les fantômes et les rêves étincelants, bornes militaires de la longue histoire des hommes : Hélène et les évêques, les rois et les anges apatrides, les séraphins méprisants et damnés ».

À la fois comédie humaine et cosmogonie, l’œuvre de ce solitaire est l’un des plus étonnants mélanges de réalisme et d’imaginaire de la littérature.

J. C.

 J.-P. Sartre, Situations I (Gallimard, 1947). / C.-E. Magny, l’Âge du roman américain (Éd. du Seuil, 1948 ; nouv. éd., 1968). / I. Howe, William Faulkner (New York, 1952 ; nouv. éd., 1962). / Configurations critiques de William Faulkner (Minard, 1959). / O. W. Vickery, The Novels of William Faulkner (Baton Rouge, Louisiane, 1959). / F. J. Hoffman et O. W. Vickery (sous la dir. de), William Faulkner : Three Decades of Criticism (East Lansing, Michigan, 1960). / J.-J. Mayoux, Vivants Piliers (Julliard, 1960). / M. Nathan, William Faulkner par lui-même (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1963). / M. Millgate, The Achievement of William Faulkner (New York, 1966). / M. Backman, William Faulkner. De « Sartoris » à « Descends, Moïse » (Lettres modernes, 1968). / A. Bleikastein, F. Pitavy et M. Gresset, William Faulkner (A. Colin, coll. « U2 », 1970). / J. Harzic, Faulkner (Bordas, 1973).

faune

Ensemble des animaux vivant dans une région ou un milieu déterminés et qui présentent des affinités phylogéniques (groupements d’espèces, de genres...), écologiques (biocénose, association, cohabitation, etc.) ou simplement biogéographiques (peuplement d’une île, d’un archipel, d’un continent).



Les grandes régions faunistiques

On sait depuis longtemps que les principales régions du globe ont chacune une faune caractérisée par certains éléments. Depuis Darwin* et A. R. Wallace, les naturalistes se sont efforcés de tracer les limites des grandes régions zoologiques et de distinguer, à l’intérieur de ces ensembles, des sous-régions, des provinces...

D’une façon générale, on admet pour la faune terrestre cinq régions principales.
1o La région holarctique : Eurasie et Amérique du Nord jusqu’à la province sonorienne (désert de Sonora dans le sud des États-Unis et au Mexique). En Afrique, on s’accorde généralement à situer la limite méridionale de la région holarctique au sud du Maghreb, mais celle-ci demeure cependant assez confuse et varie suivant les groupes. En Asie, ces limites sont le nord de l’Arabie, le sud de l’Iran, le nord de l’Inde et les frontières méridionales de la Chine. La région holarctique se divise en sous-région (ou zone) paléarctique (Eurasie) et en sous-région (ou zone) néarctique (Amérique du Nord).
2o La région éthiopienne : Afrique (moins le Maghreb), Madagascar, Arabie méridionale.
3o La région orientale : péninsules asiatiques, Philippines, îles de la Sonde, Célèbes.
4o La région néo-tropicale : sud du Mexique, Amérique centrale, Amérique du Sud.
5o La région australienne : Nouvelle-Guinée, Australie, Nouvelle-Zélande, Nouvelle-Calédonie, îles du Pacifique (région polynésienne).
6o La région antarctique : Antarctide, Kerguelen...

Conçu à l’origine pour les Vertébrés, ce découpage s’applique à de nombreux groupes. On lui préfère cependant souvent un classement général par continent.

La faune marine obéit à une répartition de type sensiblement différent, reposant davantage sur les propriétés écologiques de l’eau de mer que sur la géographie des bassins océaniques. Ce sont les éléments les plus caractéristiques de la grande faune qui nous permettent de nous faire une idée relativement précise du peuplement.