Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

Fangs ou Pahouins (suite)

La présence coloniale a provoqué le développement d’un culte religieux original, le bwiti. Ce terme désigne à la fois la divinité supérieure qui se révèle à l’initié, le poteau sculpté qui constitue la pièce fondamentale du temple et la société des adeptes. Le temple est fondé sur les reliques d’un homme puissant. L’appartenance au culte s’effectue à partir d’un choix personnel. L’ensemble de son fonctionnement matériel et organisationnel montre le processus de récupération culturelle à l’œuvre dans le bwiti. Mais le syncrétisme du bwiti laisse place à de nombreux éléments chrétiens qui tendent à le transformer en une religion unitaire et même monothéiste. Les Fangs sont également catholiques, mais ne connaissent pas l’islām.

Les arts plastiques, et notamment la statuaire, constituent une production culturelle et esthétique très élaborée. Le hiératisme et la simplicité des grands masques font des Fangs une des populations les plus créatrices de l’art africain.

J. C.

➙ Cameroun / Gabon / Guinée équatoriale.

 P. Alexandre et J. Binet, le Groupe dit Pahouin (P. U. F., 1958). / G. Balandier, Sociologie actuelle de l’Afrique noire (P. U. F., 1963 ; 3e éd., 1971).

Fan K’ouan

En pinyin Fan Kuan ; nom véritable Fan Zhongzheng (Fan Tchong-tcheng) ; prénom de courtoisie Zhongli (Tchong-li) ; surnom de fantaisie Kuan (K’ouan). Peintre chinois (milieu du xe s. - début du xie s.).


Fan Kuan peut être considéré comme le représentant par excellence d’une conception grandiose et équilibrée du paysage chinois. Il a subi l’influence de Jing Hao (King Hao) et de Li Cheng (Li Tch’eng), mais il est difficile de savoir ce qu’il doit à ces deux grands devanciers car l’attribution de leurs œuvres est controversée. Comme eux, Fan Kuan est un homme du Nord. Ses peintures reflètent le milieu naturel où il vécut : paysages d’austères montagnes boisées et de gorges profondes, fort différents des paysages plus doux et brumeux de la Chine du Sud.

Originaire du Shănxi (Chen-si), Fan Kuan naquit vers le milieu du xe s. et était encore vivant vers 1026. On connaît peu de chose sur sa vie car il n’exerça aucune charge officielle. De tempérament sévère et indépendant, il avait reçu le surnom de Kuan, « le Magnanime », en raison de sa générosité. Après avoir imité Li Cheng — qui aurait été son maître —, il prit brusquement conscience de la nécessité de s’inspirer de la nature elle-même. Pour contempler le paysage, il se retira dans les monts Zhongnan (Tchong-nan) et mena la vie d’un ascète, s’adonnant à la méditation taoïste et au vin.

Les Voyageurs dans les gorges d’un torrent — seule œuvre qui lui soit attribuée avec certitude (conservée à Taibei [T’ai-pei]) — traduisent cette communion entre l’homme et la nature. Les critiques chinois la qualifient de « divine », car elle atteint ce niveau suprême où l’artiste, faisant lui-même œuvre de créateur, sait rendre avec une vérité profonde l’âme secrète du paysage, saisi dans sa permanence et son universalité. La composition, peinte selon la représentation des « lointains en hauteur » (gaoyuan [kao-yuan]), est d’une extrême sobriété et ignore tout artifice. Une énorme muraille de rochers surplombe une terrasse boisée et un torrent vers lequel descendent des ânes et des muletiers. Le premier plan, assez sombre, est relié au fond par un écran de brume. Au sein de cette nature majestueuse et impassible, l’homme compte peu, mais il est présent, parfaitement intégré au paysage.

Désormais, toutes les ressources de l’encre et du pinceau sont mises à contribution pour rendre le modelé des formes et traduire cette ample vision d’un monde complet. La structure des roches est définie par des pointillés et des « rides » en tonalité légère, que les Chinois comparent à des gouttes de pluie et à des grains de sésame. Ils suggèrent un jeu de lumière qui fait sortir les masses rocheuses du plan de la peinture.

Dans leur forme comme dans leur contenu (opposition entre la montagne et l’eau, entre le plein et le vide), les grandes lignes du paysage chinois étaient déjà tracées antérieurement. Cependant, l’accent nouveau mis sur le travail du pinceau et de l’encre (points et rides) élargit les limites de l’expression picturale, comme il donne son premier élan aux recherches plastiques des successeurs de Fan Kuan, tels Guo Xi (Kouo Hi*) ou Li Tang (Li T’ang*).

F. D.

➙ Song (époque).

fantaisie

Pièce de musique instrumentale de forme plus ou moins libre et souvent proche de l’improvisation.


Selon les époques et les pays, elle s’apparente généralement à une autre forme plus stricte, déjà en usage. Au xvie s., en Italie, Francesco da Milano (1497 - v. 1543) l’identifie avec le ricercare de style contrapuntique. En France, elle se développe avec Albert de Rippe (v. 1480 - 1551), luthiste d’outre-monts, Giovanni Paolo Paladino (?-1566) et Adrien Le Roy (v. 1520 - 1598). En Angleterre, la fancy pour violes apparaît d’abord dans les œuvres de William Byrd* (1543-1623), mais se différencie du ricercare en substituant au cantus firmus des motifs originaux. La fantaisie use alors d’un langage imitatif et fugué ; elle emprunte parfois ses thèmes à la chanson populaire et s’agrémente d’intermèdes variés — récitatifs, traits de virtuosité — qui alternent avec les passages en contrepoint. Par la suite, plus ou moins autonome, elle s’épanouit en Italie avec Girolamo Frescobaldi* (1583-1643), en Allemagne avec Samuel Scheidt (1587-1654) et Johann Jacob Froberger* (1616-1667), aux Pays-Bas avec Sweelinck* (1562-1621) et en Angleterre avec Giles Farnaby (v. 1565-1640), Peter Philips (v. 1560-1628), John Bull (v. 1562-1628), Orlando Gibbons (1583-1625), Thomas Tomkins (1572-1656) et Henry Purcell (1659-1695). En France, Claude Le Jeune (v. 1530-1600), Eustache Du Caurroy* (1549-1609), Charles Racquet (v. 1590-1664), Nicolas Metru (? - v. 1670), Louis Couperin (v. 1626-1661) et Marin Marais (1656-1728) publient de préférence des fantaisies à plusieurs parties pour le clavier ou les violes, que l’on considère comme les ancêtres du quatuor à cordes. Au xviiie s., J.-S. Bach traite le genre avec une totale liberté. Il s’appuie soit sur un thème unique (Fantaisie en ut mineur pour orgue), soit sur deux thèmes (Fantaisie en ut mineur pour clavecin ; Fantaisie en sol mineur pour orgue). Il lui arrive d’écarter tout élément thématique et de plier la forme au gré de sa pensée, sans souci d’unification (Fantaisie en sol majeur pour orgue). Parfois, il substitue la fantaisie au prélude, comme dans la Fantaisie chromatique et fugue en mineur pour clavecin (qui précède une fugue), écrite dans le style de la toccata, avec de brefs récitatifs ponctués d’accords. Chez Mozart, les Fantaisies en mineur et ut mineur pour piano et celles pour orgue mécanique K. 594 (qui s’apparente à l’ouverture à la française) et K. 608 ont plusieurs mouvements. À l’époque romantique, le terme de fantaisie devient de plus en plus arbitraire. Il désigne aussi bien des variations libres qu’une sonate irrégulière et ne répond plus guère à sa conception originelle. Beethoven donne à ses deux sonates op. 27 le sous-titre : Quasi una fantasia pour souligner la liberté prise avec la forme classique. Un même esprit d’indépendance anime les premières Fantaisies (1810, 1811, 1813) et la Wanderer Fantasie (1822) de F. Schubert, ainsi que la Fantasia quasi una sonata, inspirée par une lecture de Dante (1837), de F. Liszt. Chez R. Schumann, la Fantaisie en ut majeur pour piano (1836) a plusieurs mouvements, dont un thème varié, tandis que les huit Phantasiestücke (1837) sont des pièces distinctes. Fantaisie finit par désigner aussi bien un caprice (Mendelssohn, Trois Fantaisies ou caprices pour piano, 1829), un intermezzo (J. Brahms, Fantasien op. 116, 1892), une rhapsodie, une romance, un impromptu (F. Chopin, Fantaisie-Impromptu, 1834, publiée en 1855), qu’un pot-pourri sur des airs d’opéras (F. Liszt, Fantaisies sur des motifs de Don Juan, Robert le Diable, etc.), des thèmes populaires (N. Rimski-Korsakov, Fantaisie sur des thèmes serbes, 1867) ou exotiques (M. Balakirev, Islamey, fantaisie orientale, 1869). Des œuvres d’orchestre, la 4e symphonie en mineur (1841-1851), à laquelle R. Schumann donne la forme cyclique, et le poème symphonique Une nuit sur le mont Chauve (1866-67) de M. Moussorgski s’intitulent d’abord Fantaisie symphonique. Plus près de nous, il faut citer les fantaisies pour piano et orchestre de Cl. Debussy (1889-90), F. Busoni (Fantaisie indienne, 1913), G. Fauré (1919) et la Fantasía bética (1919) pour piano de Manuel de Falla. C’est dans la littérature d’orgue que le genre est resté le plus fidèle à l’ancienne tradition, avec F. Liszt (Fantaisie et fugue sur le choral du « Prophète » [de Meyerbeer], 1850, publiée en 1852, Fantaisie et fugue sur le nom de Bach, 1855) ; C. Franck (Fantaisies en ut majeur [1862] et en la majeur [1878]) et M. Reger (nombreuses fantaisies sur des thèmes de choral ou suivies de fugue). Dans la musique contemporaine, il semble que l’on évite d’en user, sauf chez quelques dodécaphonistes (A. Schönberg, Fantaisie pour piano et violon, 1949). Bien qu’essentiellement instrumentale, la fantaisie fait parfois appel à la voix humaine (Beethoven, Fantaisie pour piano, orchestre et chœurs, 1808 ; Jehan Alain, Fantaisie op. 57 pour chœur à 4 voix, à bouches fermées).

A. V.