Pièce de musique instrumentale de forme plus ou moins libre et souvent proche de l’improvisation.
Selon les époques et les pays, elle s’apparente généralement à une autre forme plus stricte, déjà en usage. Au xvie s., en Italie, Francesco da Milano (1497 - v. 1543) l’identifie avec le ricercare de style contrapuntique. En France, elle se développe avec Albert de Rippe (v. 1480 - 1551), luthiste d’outre-monts, Giovanni Paolo Paladino (?-1566) et Adrien Le Roy (v. 1520 - 1598). En Angleterre, la fancy pour violes apparaît d’abord dans les œuvres de William Byrd* (1543-1623), mais se différencie du ricercare en substituant au cantus firmus des motifs originaux. La fantaisie use alors d’un langage imitatif et fugué ; elle emprunte parfois ses thèmes à la chanson populaire et s’agrémente d’intermèdes variés — récitatifs, traits de virtuosité — qui alternent avec les passages en contrepoint. Par la suite, plus ou moins autonome, elle s’épanouit en Italie avec Girolamo Frescobaldi* (1583-1643), en Allemagne avec Samuel Scheidt (1587-1654) et Johann Jacob Froberger* (1616-1667), aux Pays-Bas avec Sweelinck* (1562-1621) et en Angleterre avec Giles Farnaby (v. 1565-1640), Peter Philips (v. 1560-1628), John Bull (v. 1562-1628), Orlando Gibbons (1583-1625), Thomas Tomkins (1572-1656) et Henry Purcell (1659-1695). En France, Claude Le Jeune (v. 1530-1600), Eustache Du Caurroy* (1549-1609), Charles Racquet (v. 1590-1664), Nicolas Metru (? - v. 1670), Louis Couperin (v. 1626-1661) et Marin Marais (1656-1728) publient de préférence des fantaisies à plusieurs parties pour le clavier ou les violes, que l’on considère comme les ancêtres du quatuor à cordes. Au xviiie s., J.-S. Bach traite le genre avec une totale liberté. Il s’appuie soit sur un thème unique (Fantaisie en ut mineur pour orgue), soit sur deux thèmes (Fantaisie en ut mineur pour clavecin ; Fantaisie en sol mineur pour orgue). Il lui arrive d’écarter tout élément thématique et de plier la forme au gré de sa pensée, sans souci d’unification (Fantaisie en sol majeur pour orgue). Parfois, il substitue la fantaisie au prélude, comme dans la Fantaisie chromatique et fugue en ré mineur pour clavecin (qui précède une fugue), écrite dans le style de la toccata, avec de brefs récitatifs ponctués d’accords. Chez Mozart, les Fantaisies en ré mineur et ut mineur pour piano et celles pour orgue mécanique K. 594 (qui s’apparente à l’ouverture à la française) et K. 608 ont plusieurs mouvements. À l’époque romantique, le terme de fantaisie devient de plus en plus arbitraire. Il désigne aussi bien des variations libres qu’une sonate irrégulière et ne répond plus guère à sa conception originelle. Beethoven donne à ses deux sonates op. 27 le sous-titre : Quasi una fantasia pour souligner la liberté prise avec la forme classique. Un même esprit d’indépendance anime les premières Fantaisies (1810, 1811, 1813) et la Wanderer Fantasie (1822) de F. Schubert, ainsi que la Fantasia quasi una sonata, inspirée par une lecture de Dante (1837), de F. Liszt. Chez R. Schumann, la Fantaisie en ut majeur pour piano (1836) a plusieurs mouvements, dont un thème varié, tandis que les huit Phantasiestücke (1837) sont des pièces distinctes. Fantaisie finit par désigner aussi bien un caprice (Mendelssohn, Trois Fantaisies ou caprices pour piano, 1829), un intermezzo (J. Brahms, Fantasien op. 116, 1892), une rhapsodie, une romance, un impromptu (F. Chopin, Fantaisie-Impromptu, 1834, publiée en 1855), qu’un pot-pourri sur des airs d’opéras (F. Liszt, Fantaisies sur des motifs de Don Juan, Robert le Diable, etc.), des thèmes populaires (N. Rimski-Korsakov, Fantaisie sur des thèmes serbes, 1867) ou exotiques (M. Balakirev, Islamey, fantaisie orientale, 1869). Des œuvres d’orchestre, la 4e symphonie en ré mineur (1841-1851), à laquelle R. Schumann donne la forme cyclique, et le poème symphonique Une nuit sur le mont Chauve (1866-67) de M. Moussorgski s’intitulent d’abord Fantaisie symphonique. Plus près de nous, il faut citer les fantaisies pour piano et orchestre de Cl. Debussy (1889-90), F. Busoni (Fantaisie indienne, 1913), G. Fauré (1919) et la Fantasía bética (1919) pour piano de Manuel de Falla. C’est dans la littérature d’orgue que le genre est resté le plus fidèle à l’ancienne tradition, avec F. Liszt (Fantaisie et fugue sur le choral du « Prophète » [de Meyerbeer], 1850, publiée en 1852, Fantaisie et fugue sur le nom de Bach, 1855) ; C. Franck (Fantaisies en ut majeur [1862] et en la majeur [1878]) et M. Reger (nombreuses fantaisies sur des thèmes de choral ou suivies de fugue). Dans la musique contemporaine, il semble que l’on évite d’en user, sauf chez quelques dodécaphonistes (A. Schönberg, Fantaisie pour piano et violon, 1949). Bien qu’essentiellement instrumentale, la fantaisie fait parfois appel à la voix humaine (Beethoven, Fantaisie pour piano, orchestre et chœurs, 1808 ; Jehan Alain, Fantaisie op. 57 pour chœur à 4 voix, à bouches fermées).
A. V.