Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

fanfare (suite)

Ensembles

On distinguera :
a) le groupe des cuivres clairs — trompettes, cors, trombones et tuba —, appelé aussi fanfare ; sa composition est la même dans les orchestres d’harmonie que dans les orchestres symphoniques ;
b) l’orchestre dit « de fanfare » et comprenant exclusivement des cuivres clairs, des saxophones et des saxhorns (avec ou sans percussion). L’orchestre d’harmonie intégral — où les bois figurent donc en plus de ces quatre familles — étant appelé généralement orchestre d’harmonie-fanfare, on en est venu à le désigner sous l’abréviation erronée de « fanfare », ce qui a prêté à de fâcheuses confusions ;
c) la batterie-fanfare, ainsi nommée parce qu’elle comporte les tambours et autres instruments de batterie joints aux cuivres sans pistons (trompettes de cavalerie et clairons). Cet ensemble peut être indépendant de l’orchestre d’harmonie-fanfare ou joint à ce dernier.


Compositions

S’il a existé de tout temps des fanfares militaires ou des fanfares de chasse, dont on trouvera maint écho dans le répertoire polyphonique (la Bataille de Marignan, la Chasse de Janequin), la fanfare pour cuivres seuls en tant que genre instrumental, ni militaire ni cynégétique, s’est forgée dans les introductions et interludes des grandes compositions spirituelles vénitiennes, principalement celles des Gabrieli. Cet art s’est transmis dans les pays germaniques avec Hans Leo Hassler, disciple des maîtres vénitiens, et y a été également illustré, toujours à la charnière des xvie et xviie s., par Michael Praetorius. Une longue tradition s’est alors instaurée en Allemagne consistant à faire jouer des intrade au cours de festivités sacrées ou municipales. Valentin Haussmann et Johann Christoph Pezel, entre autres, ont été, jusqu’à la fin du xviie s., les plus remarquables compositeurs de ces sortes de sonneries, dont beaucoup avaient un caractère dansant.

Le recours à la fanfare en rondeau, avec trompettes et timbales régulièrement accouplées et n’apparaissant que dans le refrain — les couplets étant confiés aux cordes seules —, a été le fait de l’école française. On rencontre aussi bien ces sortes de fanfares apparentées à des marches dans les scènes de sacrifice ou de triomphe des opéras que dans les grands motets polyphoniques concertants d’esprit jubilatoire, les Te Deum principalement. Leur place était aussi tout indiquée dans les suites de Symphonies pour les soupers du Roy et autres musiques d’apparat du grand règne. Le nombre et la qualité des instrumentistes à vent réunis dans la Musique de la Grande Écurie permit à Lully de concevoir une suite de fanfares pour les airs de trompettes, timbales et hautbois destinés au Carrousel de Monseigneur (1686), où seuls s’opposaient bois et cuivres, ponctués par les timbales. Nul doute que Händel n’en ait tiré profit dans ses Fireworks Music (1748). Le développement de l’orchestration fut facilité au xviiie s. par le transfert de la musique du privé dans le public et, en ce qui concerne le domaine sacré, de l’église au concert. Ainsi, la configuration des lieux a pu permettre, pour une large part, à Gossec d’opposer dans le « Tuba mirum » de sa Messe des morts (1760) un sextuor de cuivres à l’orchestre symphonique et aux chœurs, évocation déjà saisissante des fanfares du jugement dernier longtemps avant Berlioz. Avec les trompettes, cors et trombones nouveaux venus, le groupe des cuivres clairs se trouvait constitué et devait s’améliorer grâce aux progrès de la facture. Néanmoins, l’emploi indépendant de cet ensemble éclatant, avec ou sans timbale, semble avoir été réservé pendant la première moitié du xixe s. aux musiques militaires (Fanfares consulaires de David Buhl). Le plus ancien exemple de fanfare relevant du répertoire symphonique serait la Fanfare pour « Richard III » de Shakespeare, de Smetana (1867). À la même formation, mais avec une musicalité et une maîtrise supérieures, Glazounov et Liadov devaient consacrer en 1890 une suite de Fanfares pour le jubilé de Rimski-Korsakov. Depuis le début du xixe s., d’innombrables chefs-d’œuvre ont vu le jour, la plupart signés de musiciens français tels que Debussy, Dukas, Roussel, Schmitt, Tomasi. Leur composition variait moins que leurs effectifs. Toutefois, des « entorses » ont dû être commises pour conférer à la pièce un caractère particulier : assise grave reposant, en l’absence des trombones, sur le quatrième cor (Fanfare sur le nom de Fernández Arbos, de Manuel de Falla, 1938) ou sur deux harpes (Fanfare pour « le Roi Lear », de Debussy, 1904), adjonction de bois (flûtes dans Vitrail de Tony Aubin, bassons dans Cressida du même auteur)... Certaines fanfares devant être jouées en plein air ont été conçues soit pour des ensembles massifs de cuivres clairs — Richard Strauss en a donné plusieurs exemples admirables, telle la Fanfare pour l’inauguration des semaines musicales de Vienne (1924) — soit pour un pupitre employé massivement (Fanfares pour l’inauguration d’une exposition régionale de Prague de Dvořák [1891] pour quatre trompettes et timbales).

Comme on peut en juger, il s’agissait, dans la plupart des cas, de morceaux de circonstance ou de pages destinées aux théâtres, lyriques ou dramatiques. Dans ce dernier domaine, la musique de scène de certaines pièces s’est très souvent limitée à une fanfare (Fanfare des kozacks de Jules Massenet pour « l’Hetman » de Paul Déroulède, 1877) ou à plusieurs (Fanfares pour « Britannicus » de Racine, d’André Jolivet, 1962), qui avaient l’avantage de n’exiger que peu de musiciens pour des salles disposant d’une petite fosse et aussi de moyens financiers réduits. En revanche, dans les théâtres lyriques, on eut souvent recours à des fanfares placées sur le plateau ou dans les coulisses et qui s’apparentaient, par l’importance de leurs effectifs, à de véritables orchestres d’harmonie. À tel point qu’à l’Opéra de Paris leur direction a dû être confiée à des chefs de musique : le premier fut Adolphe Sax (1814-1894), l’actuel étant Roger Fayeulle. Les oppositions entre fanfares de scène et orchestre symphonique ont été de règle depuis l’époque romantique. Un exemple typique nous est fourni par Berlioz avec « la Retraite » de sa Damnation de Faust, qui prend appui sur une sonnerie réglementaire de David Buhl. Ce n’était pas là, certes, une innovation absolue, puisque Jean-Paul Martini, en 1774, insérait dans son opéra Henry IV un entracte intitulé la Bataille et qui, pour donner précisément l’illusion d’un affrontement armé, faisait se mouvoir sur scène et derrière le rideau une musique militaire exécutant des sonneries des armées de ... Louis XV !