Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

allemande (République démocratique) (suite)

C’est à partir de 1952 que le socialisme se développa. Dans l’industrie, les Volkseigene Betriebe (VEB) représentaient, dès 1950, 75 p. 100 des entreprises, mais, en face d’elles, les entreprises privées gardaient le quart de la production globale. En 1957, le pourcentage du secteur privé était tombé à 10 p. 100 et, en 1959, il n’était plus que de 8 p. 100, la part des VEB (alors partiellement regroupés au sein de Vereinigung Volkseigener Betriebe [VVB] par branches d’activité) atteignant 86 p. 100. Si la socialisation se fit rapidement dans les domaines industriel et commercial, elle fut plus lente dans le monde agricole, sans doute pour ne pas effaroucher ceux qui souhaitaient la réunification allemande.

L’échec de négociations entre l’Est et l’Ouest, l’entrée de la République fédérale dans le Conseil de l’Europe et la Communauté européenne du charbon et de l’acier amenèrent la R. D. A. à s’intégrer dans le Comecon (sept. 1950). Pourtant, en 1952, l’Union soviétique tenta un dernier effort pour la réunification. Les Alliés demandèrent qu’avant toute réunification on procédât à des élections générales dans les deux Allemagnes et qu’alors seulement fût mis en place un gouvernement panallemand. Les Soviétiques, au contraire, voulaient établir un gouvernement avant les élections. Aussi, les négociations échouèrent-elles et, après la signature des accords de Bonn en mai 1952, les Soviétiques laissèrent-ils carte blanche aux dirigeants de la SED pour instaurer un État véritablement socialiste. Le 12 juillet 1952, la SED annonçait le début de l’ère d’édification du socialisme. « La construction du socialisme est la tâche fondamentale du pays », déclare alors W. Ulbricht.

Dans l’industrie, les ouvriers étaient menacés de perdre leur salaire si la productivité n’augmentait pas. Dans l’agriculture étaient créés des landwirtschaftliche Produktionsgenossenschaften (LPG), dont le développement fut très rapide.

La multiplication des LPG entraîna une très forte résistance. La liquidation des petits propriétaires se fit moins brutalement qu’en Russie ; elle n’en exista pas moins. Des dizaines de milliers de paysans quittèrent l’Allemagne de l’Est pour se réfugier en Allemagne de l’Ouest. La production diminua considérablement malgré le machinisme agricole. Les villes manquaient de pommes de terre, de beurre et de viande.


La crise de 1953

La crise économique se doublait d’une crise politique. Il y avait conflit à l’intérieur de la CDU, dont les organes directeurs furent épurés ; le leader CDU, Georg Dertinger, ministre des Affaires étrangères, fut même arrêté, et l’on tenta de détourner sur les partis bourgeois le mécontentement latent de la population. Au même moment, en mars 1953, le Comité central de la SED exclut certains de ses membres, dont Franz Dahlem, membre du bureau politique, pour « négligence politique, collusion avec des agents étrangers, titisme et sionisme ». Les Églises — en particulier l’Église évangélique — furent l’objet de nombreuses persécutions, et l’on assista à une répression policière de grande envergure.

La mort de Staline accentua la mainmise policière et renforça les tendances dures du parti socialiste unifié. Au mois de mai, celui-ci décida d’augmenter de 10 p. 100 les normes de productivité sans augmenter les salaires. Cela entraîna de graves conflits à l’intérieur des usines ; puis, le 16 juin 1953, à Berlin, les ouvriers du bâtiment se soulevèrent. Avant même ces explosions, le gouvernement, dès le 11 juin, avait changé d’attitude. Il avait annoncé une amnistie, un frein à la politique de socialisation agricole, une attitude nouvelle à l’égard de l’Église. Mais, le 17 juin, les ouvriers, devant l’exemple de leurs camarades du bâtiment, se soulevèrent à leur tour et réclamèrent une diminution des normes, de nouvelles élections libres et secrètes. En même temps, l’émetteur américain de Berlin, RIAS, appelait à la grève générale, qui fut largement observée. Des policiers furent attaqués et l’armée rouge dut intervenir pour rétablir l’ordre à Berlin comme à Magdeburg, Leipzig et Dresde. Dans une large mesure, ces journées étaient des journées ouvrières. Mal nourris, vivant plus mal que leurs camarades de l’Ouest, appelés à de longs efforts, les ouvriers des entreprises socialisées se rebellèrent contre l’État ouvrier. La répression fut exemplaire : 20 morts, 1 500 condamnations. Environ 600 000 membres furent exclus de la SED, et les principaux adversaires d’Ulbricht évincés, tels Wilhelm Zaisser, Rudolf Herrnstadt et Max Fechner. Ulbricht, dont la position était largement renforcée, et son gouvernement tinrent compte de ces graves événements pour fixer une nouvelle politique.


Le « nouveau cours »

On favorisa la production des biens de consommation et la construction, et on freina la socialisation dans les campagnes. Le parti lui-même fut réorganisé, et Walter Ulbricht devint premier secrétaire de la SED, en fait le chef véritable du parti et de la R. D. A. L’Union soviétique apporta sa pierre à la libéralisation en supprimant le principe des réparations et en restituant à la R. D. A. les sociétés soviétiques.

Cherchant à empêcher le réarmement de l’Allemagne fédérale, l’Allemagne de l’Est profita de la conférence des ministres des Affaires étrangères des Quatre Grands à Berlin, en février 1954, pour proposer à nouveau la réunification, en préconisant un gouvernement panallemand et des élections après le départ des troupes d’occupation. Dans le même sens, l’Union soviétique demandait la neutralisation de l’Allemagne. Comme les puissances occidentales souhaitaient d’abord des élections libres, aucun accord ne put être conclu. Peu après, le réarmement de l’Allemagne de l’Ouest, décidé par les accords de Paris d’octobre 1954, réduisait singulièrement les espoirs de réunification. L’Union soviétique avait annoncé que l’entrée de la République fédérale dans l’O. T. A. N. interdirait cette réunification.