Sculpteur français (Loriol-sur-Drôme 1913).
Après des études secondaires à Valence, il fréquente de 1929 à 1933 l’école des beaux-arts de Lyon. La poésie et la musique l’attirent ; il entre en contact avec l’œuvre de René Guénon. En 1934, une bourse de la ville de Lyon lui permet d’aller à Paris. Il travaille à l’académie Ranson avec Charles Malfray (1887-1940), se lie avec ses condisciples Sergio Signori (né en 1906) et François Stahly* ainsi qu’avec des élèves de l’atelier Bissière* : Vera Pagava, Jean Le Moal, Alfred Manessier. Il se retrouve avec la plupart d’entre eux dans le groupe lyonnais « Témoignage », fondé par Marcel Michaud en 1936. En 1938, premier atelier rue du Pot-de-Fer, à Paris, et mariage. En 1942, il rejoint, avec Stahly, la communauté fondée par l’architecte Bernard Zehrfuss à Oppède. Il vit en province, à Dieulefit (Drôme), à Mortagne (Orne), et en 1947 regagne Paris, où Michel Tapié l’a déjà exposé à la galerie Drouin.
Il rencontre Michaux*, Dubuffet* et surtout Brâncuşi*, dont l’atelier le fascine. 1949 : prix de la Jeune Sculpture. 1955 : professeur à l’École des arts appliqués. 1960 : membre du Comité du Salon de mai. 1966 : grand prix à la Biennale de Venise. 1967 : chef d’atelier à l’École nationale supérieure des beaux-arts, grand prix national des Arts... Brillante carrière d’un sculpteur dont l’œuvre n’est pourtant conformiste en aucune façon. Le choix et l’emploi des matériaux font preuve d’une indifférence à la pérennité des pièces : le bois domine, de toutes les essences, mais à côté de nombreux plâtres, de compositions faites de tissus et de cordages, de caisses et de tubes, de fil de fer. Certaines de ces œuvres ont déjà disparu ; de là l’intérêt des fontes en bronze exécutées par les galeries Denise Breteau et Michel Couturier. Les formes elles-mêmes sont parfois franchement figuratives (les bustes, la Nuit Oppède [1942], la Tête aux mains), parfois allusives (le Dragon de 1947, certains Couples) ; le plus souvent, sans références objectives, elles redonnent l’équivalent du thème traité (arbre, oiseau, tête d’ail, poisson au moyen de volumes complexes reflétant le monde organique : animal — les organes transposés —, et surtout végétal — le tronc et la racine. Certaines sculptures présentent d’autres caractéristiques très originales : en 1947 apparaît la première sculpture ouvrante (une Nuit), des parties mobiles pivotant sur des charnières.
En 1954 commence la période des Demeures. La première est achevée en 1958. Le thème était déjà esquissé dans certaines Passementeries de 1949, assemblages-panoplies de tissus très divers, vêtements géants qui évoquaient l’habitacle. La Demeure 5 reprendra d’ailleurs cette technique. Dans les autres, plusieurs formes verticales autonomes sont groupées, ou, comme dans la Demeure 10, une forme unique s’agence en une sculpture-architecture compliquée — qu’annonçait la conception de l’Hommage à Lovecraft (1956). Quant à la Demeure 8, dite Soleil, c’est un disque dressé verticalement, dont les deux faces montrent des replis et des cheminements étranges ; elle est taillée, comme la Demeure 9 (1966), encore plus compliquée, dans une énorme souche. Cette série est une des clés les plus sûres de l’œuvre d’Étienne-Martin. Elle reflète une thématique ésotérique très personnelle, liée au souvenir de la maison d’enfance de Loriol ; mais l’artiste y rejoint des intuitions partout diffuses : caverne, temple, tombe, sein de la terre et de la mère, amande du fruit sont les points d’attraction, de fixation de son imagination. « Le présent va de la préhistoire à la fin du monde », dit-il ; et ses sculptures à l’aspect archaïque, proches de la mentalité paysanne et tournant le dos à toute logique mécanicienne, nous concernent, nous fascinent même dans la mesure où elles sont, pour nous comme pour leur auteur, l’occasion de faire prendre corps à des rêveries émergeant des profondeurs de l’être. Étienne-Martin a récapitulé son œuvre dans un « livre-objet » paru en 1967 : Abécédaire et autres lieux.
M. E.
M. Ragon, Étienne-Martin (La Connaissance, Bruxelles, 1970).