Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

États-Unis (suite)

Depuis quelques dizaines d’années, la grande firme ne cesse de progresser aux dépens de la petite entreprise. Elle se prête mieux que celle-ci à la production de masse, à la planification d’opérations complexes et dispendieuses, à la régularisation des approvisionnements, à un meilleur rendement du capital investi. Le gigantisme réduit les incertitudes du marché en permettant une publicité coûteuse qui façonne les besoins et les goûts des consommateurs en fonction des biens proposés. Par concentrations successives se forment des sociétés qui acquièrent une taille, une productivité et un pouvoir considérables. Les 5 premières détiennent 12 p. 100 du capital investi dans l’industrie ; les 50 premières, le tiers ; les 500 premières, les deux tiers. La moitié des biens et services produits aux États-Unis le sont par ces 500 entreprises. La moitié de l’acier est produit par quatre firmes (U. S. Steel, Republican, Bethlehem et Youngstown). On citera d’autres exemples plus loin. La réduction de la concurrence et la tendance à l’oligopole, voire au monopole, sont évidentes ; d’où les diverses lois antitrusts promulguées depuis un demi-siècle. C’est en vertu de celles-ci que la Standard Oil de Rockefeller (elle eut un temps le monopole de l’extraction, du raffinage et de la distribution du pétrole) a éclaté en plusieurs filiales (dont Esso et la S. O. of California).

Un trait plus récent est la participation de l’État fédéral à l’activité industrielle. Déjà, le New Deal avait ouvert une brèche dans les droits des États. L’organisation de l’économie de guerre à partir de 1941 favorisa les initiatives répétées de Washington dans des domaines jusqu’alors réservés à l’entreprise privée. Cette intervention se fait sous forme de crédits de recherche ou de développement, de contrats pour la Défense nationale. Des usines construites par le gouvernement fédéral sont cédées au secteur privé, comme l’aciérie de Geneva (Utah) à l’U. S. Steel. L’État accorde des crédits, remboursables ou non, à des industries jugées d’importance nationale (usines d’aluminium du Tennessee).

Maintes branches de l’industrie procèdent aujourd’hui d’une technologie avancée. Ce trait a pour première conséquence d’accélérer le développement de la grande firme, plus productive, plus rentable et plus apte à recueillir et à utiliser au mieux la manne gouvernementale. Ainsi, 85 p. 100 des dépenses de recherche et de développement, dont 65 p. 100 couvertes par Washington, ont été faites par les 384 sociétés employant plus de 5 000 personnes. Les techniques de pointe, notamment dans le domaine militaire et aérospatial, entraînent une intervention accrue de l’État, sous forme de crédits et de recherches conjointes, et provoquent l’effacement de la frontière entre public et privé. Dans la NASA par exemple, les activités et intérêts des ministères fédéraux, du Pentagone, des universités et des grandes sociétés (Westinghouse, General Electric) sont étroitement imbriqués.

Afin d’échapper aux lois antitrusts, nombre de sociétés se sont organisées en holdings par un jeu de participations complexes et, plus récemment, en conglomérats ; ces derniers ont l’avantage de réduire les incertitudes du marché par la diversification des productions et d’absorber des capitaux sans emploi.


Localisation des industries

À la suite de la révolution industrielle, les manufactures se sont localisées en fonction des gisements de houille, des voies de communication, des marchés de consommation, de main-d’œuvre et de capitaux. Ces facteurs traditionnels ont joué en faveur du Nord-Est, où se trouvent encore les principales concentrations industrielles. À cela se sont ajoutés des facteurs accidentels, comme la guerre de Sécession, qui a stimulé les industries de cette région. Le Nord-Est a maintenu longtemps sa puissance en imposant des tarifs de transport favorables à son industrie, tels ceux qui frappaient lourdement l’expédition des produits fabriqués dans le Sud et avantageaient celle des matières premières du Sud (coton) vers le Nord et des articles finis du Nord (textiles) vers le reste des États-Unis. De même, les sidérurgistes de Pittsburgh ont imposé à l’acier produit en quelque point que ce soit un prix calculé sur celui de Pittsburgh majoré des frais correspondant au transport jusqu’à ce point. Ainsi, les régions industrielles du sud de la Nouvelle-Angleterre, de la côte moyenne atlantique, du nord des Appalaches, de la vallée Hudson-Mohawk et de l’espace compris entre Appalaches et Grands Lacs procèdent de localisations héritées de facteurs anciens. Mais, en vertu du poids acquis, elles gardent un grand pouvoir d’attraction.

De nouveaux facteurs de localisation industrielle sont apparus progressivement. La houille a perdu son rôle de principale source d’énergie au profit du pétrole et du gaz, qui, par la répartition des gisements et par les facilités de distribution directe (oléoducs et gazoducs) ou indirecte (réseau électrique), favorisent la dispersion de l’industrie. De nouvelles industries (aéronautiques, électriques, atomiques, spatiales) sont totalement indépendantes de la localisation des bassins houillers. Avec le déplacement du peuplement vers l’Ouest et le Sud-Ouest, de nouveaux marchés de consommation se sont formés dans les Grandes Plaines, au Texas, sur la côte pacifique. L’abolition des tarifs discriminatoires, les impératifs de dispersion stratégique, la distribution des contrats fédéraux à travers tout le pays concourent à libérer l’industrie de la tutelle du Nord-Est. Wall Street et le Loop ne se partagent plus le monopole du marché des capitaux : ceux-ci s’accumulent aussi au Texas, à Los Angeles. Ainsi, des régions agricoles comme le Midwest à l’ouest du Mississippi-Missouri et le Sud-Est atlantique se sont industrialisées et urbanisées à la faveur de ces conditions nouvelles.

Deux autres facteurs nouveaux jouent depuis peu un rôle majeur dans la localisation des industries. C’est d’abord le tracé des autoroutes ; selon que les villes bénéficient d’échangeurs ou sont à l’écart de ces voies rapides, elles se développent ou périclitent (on note ainsi l’expansion de Syracuse, desservie par le New York State Thruway, aux dépens de Geneva et d’Auburn).