Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Allemagne (République fédérale d’) (suite)

Il existe des liens étroits entre le monde industriel et le monde universitaire. Nombreux sont les capitaines d’industrie dépourvus de diplômes universitaires, et qui ont été faits doctor honoris causa d’une université ou d’une technische Hochschule. Ces dernières, traditionnellement, sont liées à l’industrie. L’industrialisation de villes comme Hanovre, Karlsruhe, Aix-la-Chapelle, Darmstadt, Stuttgart, Brunswick, Munich est étroitement liée à la présence d’une technische Hochschule dans le périmètre urbain.

Le socialisme d’entreprise caractérise l’industrie allemande. Dès la fin du xixe s., les grandes entreprises pratiquent une politique sociale qui vise à attacher l’ouvrier à l’usine afin d’obtenir le meilleur rendement. La stabilité de la main-d’œuvre est renforcée. Les grandes entreprises ont leurs écoles propres, leurs instituts de recherche. On peut presque parler d’université technique pour les plus grandes d’entre elles.

Le développement industriel a été largement favorisé par l’existence d’un système bancaire décentralisé, hérité de l’évolution politique de l’Allemagne. Après 1871, Berlin attire banques et entreprises, mais la concentration dans la capitale ne prend pas les mêmes proportions qu’à Paris. Francfort, Cologne, Düsseldorf, Essen, Duisburg, Dortmund, Brême, Hambourg, Hanovre, Nuremberg, Stuttgart, Munich sont de véritables métropoles régionales avec pouvoir de décision, notamment sur le plan financier. Et des villes de moindre taille, telles Mayence, Mannheim, Karlsruhe, Sarrebruck, Wuppertal, Gelsenkirchen, Kiel, Wiesbaden ont un « poids » régional qui dépasse largement celui des villes françaises de même importance. La perte des fonctions de métropole nationale pour Berlin n’a fait que renforcer la puissance des capitales régionales. Les banques sont fortement décentralisées. Le rôle particulier des caisses d’épargne renforce les structures régionales. La survivance des particularismes locaux, à l’heure actuelle, favorise la constitution d’ensembles économiques régionaux bien structurés.


Les principales activités industrielles


L’exploitation de la houille

Longtemps, le système énergétique de l’Allemagne a reposé exclusivement sur le charbon. Le rôle de celui-ci ne cesse de décliner, bien que la houille ait contribué à déterminer la trame de l’habitat, et notamment l’urbanisation de régions comme la Ruhr. La production de la R. F. A. est tombée de 151 Mt en 1956 à 95 Mt en 1974. La Ruhr a été particulièrement touchée par la fermeture des puits de mines. De 1957 à 1968, on a fermé 76 mines, représentant une production totale de 45 Mt (61 puits sur ces 76 sont situés dans la Ruhr). Le nombre de mineurs est tombé de 604 000 (1957) à 282 000 (1968). L’arrêt de l’extraction pose de graves problèmes sociaux, qui ont pu être atténués grâce à l’appartenance de la plupart des mines touchées à des konzerns, lesquels ont pu reclasser la main-d’œuvre dans leurs propres usines. Ce n’est que là où l’extraction constituait l’activité exclusive que les problèmes de reconversion sont particulièrement ardus. Cependant, le gouvernement de Rhénanie-du-Nord - Westphalie, appuyé par le gouvernement fédéral, s’attache à résoudre les problèmes découlant de la reconversion, en liaison avec le plan d’aménagement élaboré par l’autorité du Ruhrkohlenbezirk. Mis à part les houillères de la Sarre, propriété conjointe de l’État fédéral et de la Sarre, les charbonnages allemands sont propriété privée. La restructuration nécessite un regroupement des nombreuses sociétés extractrices. Pratiquement, toutes les sociétés se sont regroupées, en 1968, au sein de la Ruhrkohle AG, dont le siège se trouve au cœur historique du pays minier, à Essen. La reconversion est amorcée.


La sidérurgie

Installée sur les bassins de la Ruhr et de la Sarre, elle s’est développée, pour des raisons stratégiques, à l’époque du IIIe Reich, dans la région de Salzgitter, où se trouve un gisement de minerai de fer. Au siècle dernier, la sidérurgie de la Ruhr se ravitaillait en minerai dans le Siegerland, mais aujourd’hui le gisement est quasi épuisé. La production nationale ne dépasse pas 1,5 Mt (de métal contenu). Minerais suédois, canadien, brésilien, africain constituent l’essentiel des approvisionnements ; la minette lorraine n’est plus utilisée. Les effectifs de la sidérurgie dépassent ceux des houillères.

La production est le fait de quelques grandes entreprises, des konzerns intégrés. L’ensemble Thyssen-Mannesmann produit plus de 11 Mt d’acier. L’entreprise Hoesch (de Dortmund), liée au groupe hollandais Hoogovens, voit sa part croître. Sa nouvelle unité sidérurgique installée dans le port de Brême a vu sa capacité portée à 8 Mt. La production du groupe devait atteindre 19 Mt en 1975. Krupp a perdu sa place prédominante. Les autres producteurs d’acier sont : Salzgitter (anciens Hermann Göring Werke, aujourd’hui propriétés de l’État fédéral), Röchling (Sarre), Dillinger Hütte (Sarre), Ilseder Hütte (Basse-Saxe), Klöckner-Werke (Ruhr). La production de fonte dépasse 40 Mt, celle d’acier 50 Mt. Déterminante pour les industries de transformation, la sidérurgie ne représente plus que 6 p. 100 du chiffre d’affaires de l’ensemble des industries.


L’industrie chimique, une branche dynamique

Elle dépasse les deux précédentes, et par ses effectifs et par ses taux de croissance. Ses 550 000 travailleurs réalisent 10 p. 100 du chiffre d’affaires industriel. L’ensemble de la branche compte 4 500 entreprises, mais en réalité quelques géants dominent : Bayer, Hoechst, Badische Anilin und Soda-Fabrik (BASF), jadis réunis dans l’I. G. Farben. On peut y ajouter les grandes sociétés pétrolières dont les activités chimiques ne cessent de se développer. La BASF est à l’origine de la ville de Ludwigshafen. Les usines situées dans cette dernière ville réunissent 48 000 travailleurs, mais 17 000 autres sont employés dans les filiales du groupe. Partie de l’utilisation du charbon amené par péniches (l’usine étant située sur les bords du Rhin), la BASF incorpore de plus en plus les produits pétroliers dans ses fabrications. L’usine mère de Ludwigshafen fabrique plus de 5 000 produits. Associée à la Deutsche Shell au sein des Rheinische Olefinwerke (Wesseling, au sud de Cologne), une des plus grandes unités mondiales de production de polyéthylène, la BASF occupe près de 9 000 personnes dans la recherche et la mise au point des produits nouveaux. La firme est spécialisée dans la fabrication de colorants, matières plastiques et pellicules de film. Les Farbenfabriken Bayer, dont le siège est à Leverkusen (près de Cologne), sont un autre konzern occupant 86 000 salariés, dont 55 000 dans l’entreprise mère. L’éventail des produits dépasse 6 000 articles. Le capital de la société est détenu par 245 000 actionnaires, dont aucun ne détient plus de 1 p. 100 du capital. En réalité, les intérêts des grandes banques et de quelques grandes entreprises sont prédominants, ce qui permet d’éviter une concurrence stérile, des investissements doubles et peu rentables. Les investissements pour la recherche sont énormes : 232 millions de deutsche Mark pour l’année 1967. L’entreprise formait, au cours de cette dernière année, plus de 3 000 apprentis dans une cinquantaine de métiers. L’enseigne lumineuse Bayer figure dans presque toutes les pharmacies allemandes, les produits pharmaceutiques ayant contribué à la renommée mondiale de la firme de Leverkusen. Les Farbwerke Hoechst, installées dans l’agglomération de Francfort, sont comparables à Bayer : 82 000 salariés pour le konzern, dont 66 000 en R. F. A. L’usine de Hoechst (dans un quartier ouest de la ville), qui est le centre historique du groupe, totalise 27 000 travailleurs. Plus de 3 000 chercheurs, diplômés de l’Université, travaillent dans les laboratoires de Hoechst.

Le taux de croissance des entreprises chimiques est proche de 15 p. 100 par an. Peut-être nulle part ailleurs le gigantisme industriel n’est-il aussi marqué que dans la chimie, où la concentration technique et les nécessités de la recherche impliquent des investissements considérables.