Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

esthétique (suite)

Souriau (la Correspondance des arts, 1947) propose un système fondé sur trois données : 1o sept qualia sensibles, éléments abstraits de base de la perception esthétique (lignes, volumes, couleurs, luminosités, mouvements, sons articulés, sons musicaux) ; 2o à ces sept qualia correspondent d’abord une série de sept « arts du premier degré », appelés arts présentatifs (arabesque, architecture, peinture pure, « light show », danse, prosodie pure et musique) ; puis, 3o, une série de sept activités esthétiques « du second degré » ou « d’ordre représentatif » : dessin ; sculpture ; peinture représentative ; cinéma, lavis et photo ; pantomime ; littérature et poésie ; musique dramatique ou descriptive. L’ensemble se présente comme une rosace.

On ne discutera pas ici cette classification, qui semble sur bien des points aussi arbitraire que les précédentes. Mais elle a eu le mérite, d’une part, d’attirer l’attention sur le concept très productif de qualia sensible, d’autre part de faciliter à Souriau de très rigoureuses recherches d’esthétique comparée (dans le même ouvrage) ; ainsi, en cherchant s’il était possible de trouver des processus structuraux communs entre, par exemple, l’arabesque plastique et la polyphonie d’une fugue de Bach.

Ce type de recherche occupe une place sans doute trop considérable dans l’esthétique universitaire française. Mais, sous l’impulsion de la linguistique, ou plus exactement en partant d’une problématique épistémologique encouragée, dans la littérature notamment, par la recherche linguistique, une interrogation se fait de plus en plus jour sur la définition des champs esthétiques ; c’est là la définition contemporaine de l’esthétique comparée : Si l’art est un langage, qui parle, et à qui ? S’il ne l’est pas, de quoi est-il donc le signe ? Qu’est-ce que l’architecture ? N’y a-t-il pas actuellement aliénation de l’architecture dans l’urbanisme (Henri Lefebvre) ? Qu’est-ce que la peinture par rapport à l’art cinétique (voir les recherches de Frank Popper) ? Qu’est-ce que la musique, confrontée à de nouvelles fonctions, de nouveaux concepts, de nouvelles pratiques (l’environnement, « la fête », la prise de conscience politique, l’improvisation collective, le free jazz...) ? [sur ces derniers points, voir la revue Musique en jeu, éd. du Seuil, et notamment le numéro « Musique et sémiologie », 1971].

Une nouvelle conception de l’art apparaît alors, qui mène à une nouvelle esthétique : si on a aujourd’hui du mal à définir chaque art, c’est peut-être parce que la notion même d’art, en tant que réalité spécifique, est caduque. L’art n’a plus à être « loin » ou « près » de la vie, comme le disait Lalo, mais dans la vie, L’esthétique marxiste, lors même qu’elle s’est montrée la plus inventive (v. Lukács et Adorno), n’a guère fait qu’ajouter une interprétation de l’art aux précédentes, sans parvenir à établir un lien avec l’« art révolutionnaire ». Dès lors, plus que ce dernier thème, parfois renaissant, la problématique d’un art « dans la rue » et d’une esthétique de la vie quotidienne sera peut-être celle de l’esthétique des années 70.

D. J.

➙ Art / Critique d’art / Espace plastique / Sémiotique / Symbole.

 V. Basch, Essai critique sur l’« Esthétique » de Kant, (Alcan, 1896 ; nouv. éd., Vrin, 1925). / G. Lukács, Die Seele und die Formen (Berlin, 1911) ; Die Theorie des Romans (Berlin, 1920 ; trad. fr. la Théorie du roman, Gonthier, 1963) ; Esthétique (en hongrois, Budapest, 1966 ; 2 vol.). / Alain, Propos sur l’esthétique (Stock, 1923 ; nouv. éd., P. U. F., 1962) ; Vingt Leçons sur les beaux-arts (Gallimard, 1931 ; nouv. éd., 1955) ; Préliminaires à l’esthétique (Gallimard, 1939). / E. Panofsky, Die Perspektive als symbolische Form (Hambourg, 1927) ; Studies in Iconology (New York, 1939 ; trad. fr. Essais d’iconologie, Gallimard, 1967). / H. Focillon, Vie des formes (Leroux, 1934 ; nouv. éd., P. U. F., 1947). / É. Souriau, la Correspondance des arts (Flammarion, 1947) ; Clefs pour l’esthétique (Seghers, 1970). / P. Francastel, Peinture et société (Audin, Lyon, 1952 ; nouv. éd., Gallimard, 1965) ; la Réalité figurative (Gonthier, 1965). / M. Dufrenne, Phénoménologie de l’expérience esthétique (P. U. F., 1953 ; 2 vol.) ; Esthétique et philosophie (Klincksieck, 1967). / D. Huisman, l’Esthétique (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1954 ; 7e éd., 1971). / A. Moles, Théorie de l’information et perception esthétique (Flammarion, 1958). / G. Morpurgo-Tagliabue, l’Esthétique contemporaine, une enquête (Milan, 1960). / R. Bayer, Histoire de l’esthétique (A. Colin, 1961). / R. Francès, Psychologie de l’esthétique (P. U. F., 1968). / H. Arvon, l’Esthétique marxiste (P. U. F., 1970). / L’Esthétique dans le monde, numéro spécial de la Revue d’esthétique (1972). / Problèmes actuels de l’esthétique, numéro spécial de la Revue internationale de philosophie (Vrin, 1974).

estimation

Recherche d’un ou de plusieurs paramètres tels que moyenne ou variance, caractéristiques d’une population dont on a observé un échantillon, ou recherche des paramètres d’une loi de forme spécifiée, que l’on pense pouvoir utiliser pour représenter la distribution de la variable étudiée dans cette population.
Valeur numérique fournie par la méthode d’estimation employée.



Généralités

L’estimation est dite « ponctuelle » si l’on recherche une valeur unique t, considérée comme optimale de la valeur θ du paramètre inconnu, à l’aide d’une certaine fonction des observations faites sur un échantillon.

Jerzy Neyman (né en 1894) a proposé en 1930 d’utiliser l’estimation par intervalle en associant à cette estimation un intervalle aléatoire (t1t2) ayant une probabilité fixée à l’avance 1 – α de contenir la vraie valeur inconnue θ, soit
1 – α = Prob (t1 < θ < t2),
t1 et t2 pouvant être calculés à partir de l’estimation ponctuelle t et de la forme spécifiée a priori f(xθ) de la loi de distribution de x dans la population. L’intervalle (t1t2) est l’intervalle de confiance à 1 – α de cette estimation, t1 et t2 étant les limites de confiance. La probabilité 1 – α que cet intervalle contienne la vraie valeur inconnue θ du paramètre est le niveau de confiance, ou coefficient de confiance, de l’estimation. Cet intervalle peut être unilatéral, limité d’un seul côté, inférieurement ou supérieurement, ou bilatéral, limité des deux côtés.