Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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estampe (suite)

Quelques grands artistes illustrent encore à la fin du xixe s. la lithographie en noir ou en couleurs : Odilon Redon*, initié par l’étrange poète que fut Rodolphe Bresdin (1825-1885) ; les nabis* Bonnard* et Édouard Vuillard ; le Norvégien Munch*, précurseur de l’expressionnisme.

Au xxe s., on peut considérer comme morte la gravure de reproduction, supplantée par la photographie. La gravure originale est pratiquée par la plupart des grands artistes, qui se spécialisent rarement dans un seul procédé.

En 1904, Picasso* ouvre sa longue carrière de graveur avec une suite à l’eau-forte sur les saltimbanques, dont le Repas frugal est particulièrement remarqué. Braque*, plus tard amoureux des belles matières, donne sa première planche avec les débuts du cubisme analytique. Derain* a d’abord gravé sur bois, dans le sillage de Gauguin*. Celui-ci, à la recherche d’effets « primitifs », avait choisi cette technique pour exprimer l’âme tahitienne. Dufy* illustre de bois le Bestiaire d’Apollinaire ; Villon (v. Duchamp), lui, consacre à la taille-douce une grande partie de sa carrière, empruntant à l’esthétique cubiste le jeu élégant et rigoureux des lignes et des plans.

Durant l’entre-deux-guerres, Chagall* participe aux entreprises du marchand et éditeur Ambroise Vollard. Estampe et gravure d’illustration ont une part majeure dans l’œuvre d’artistes tels que Dunoyer* de Segonzac, Jean-Émile Laboureur (1887-1943) — dont les burins des années 20 traduisent par leur élégante stylisation toute une atmosphère d’époque —, Édouard Goerg (1893-1969), etc.

Avec l’expressionnisme*, la gravure reprend en Allemagne, entre 1905 et 1920, une place prépondérante. Et c’est le bois, en noir ou en couleurs, que privilégient, en raison de sa force simple et directe, Kirchner et ses camarades. Le Bauhaus* prend ensuite le relais. Les maîtres qui y enseignent (Kandinsky, Feininger) ont le souci de donner une formation pratique, et l’atelier de gravure répond à cette exigence. Une initiative intéressante fut la publication des Recueils de la nouvelle gravure européenne, comprenant les œuvres du Bauhaus, puis celles des artistes allemands, italiens et russes qui avaient accepté de donner leur concours.

L’évolution de la peinture vers l’abstraction a son parallèle dans l’estampe. Après la Seconde Guerre mondiale, les élèves de l’Anglais-Stanley William Hayter (né en 1901), qui travaille à la fois à Londres, à Paris et à New York, obtiennent de nouveaux effets de gaufrage (blancs en relief). À Paris, l’aquatinte en couleurs est enseignée notamment par Johnny Friedlaender (né en Allemagne en 1912). Des artistes de générations différentes comme Miró*, le sculpteur Adam*, Hartung*, Jean Messagier, l’un des représentants du paysagisme* abstrait, ou Pierre Alechinsky, issu du groupe Cobra*, ont un œuvre gravé ou lithographie important ; Pierre Courtin (né en 1921) obtient de forts reliefs à l’aide du burin. Malgré l’introduction de plus en plus fréquente de la couleur, nombreux sont encore les adeptes du noir et blanc.

Au cours des années 60, l’incompatibilité des effets de matière et du lyrisme de l’eau-forte avec l’esprit « objectif » de la plupart des nouvelles tendances conduit à privilégier la lithographie ainsi qu’une autre technique, la sérigraphie. Il en est ainsi en France pour Vasarely*, aux États-Unis pour Rauschenberg* ou Andy Warhol (l’un des créateurs du pop’art*), qui tous deux pratiquent le report d’images photographiques et de séquences typographiques empruntées aux mass media.

La lithographie*

Découverte en 1796, à Prague, par Aloys Senefelder (1771-1834), la lithographie permet l’impression de l’image à l’aide d’une surface sans relief ni creux. Certaines pierres poreuses — du calcaire très fin — retiennent l’encre grasse sur les parties revêtues d’un dessin au moyen d’un produit gras passé à la plume ou au pinceau ; inversement, elles repoussent l’encrage sur les autres parties préalablement humidifiées. Certains effets de fond, dits « crachis », sont obtenus en frottant au-dessus de la pierre une brosse imbibée d’encre sur une grille. Pointes et grattoirs sont également utilisés.

Cette technique, ne demandant pas d’apprentissage particulier, fut très vite adoptée par les peintres, auxquels elle offrait de nouvelles possibilités. Particulièrement commode est le dessin au crayon gras sur un « papier report », dont l’imprimeur se chargera de faire le décalque sur la pierre : les épreuves obtenues auront la particularité de ne pas présenter l’habituelle inversion du dessin primitif.

Il est également possible de réaliser la lithographie en couleurs, soit que les couleurs soient imprimées en une seule fois, soit plutôt qu’une pierre soit préparée pour chacune d’entre elles, l’impression se faisant pierre par pierre à l’aide de repères.

La sérigraphie*

Utilisé aux États-Unis dès 1930, ce procédé s’est répandu depuis une vingtaine d’années. Assez facile à pratiquer, il consiste à déposer sur le papier, par l’intermédiaire d’un écran de soie, une couleur épaisse. On réalise le dessin en réservant certaines parties du tissu, couvertes d’une colle imperméable ou d’un cache. Lithographie et sérigraphie sont ce que l’on nomme les procédés d’impression à plat.

E. P.

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