Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Espagne (suite)

• Sculpture. Trois grands artistes dominent le xxe s. : Manuel Martínez Hugué, dit Manolo (1872-1945), auteur de figurines d’une incomparable majesté ; Pablo Gargallo (1881-1934), qui, souvent imité, fait alterner dans sa statuaire le concave et le convexe, les pleins et les vides ; enfin, Julio González* (1876-1942), dont les œuvres, soit figuratives, soit abstraites, marquent l’irruption de la soudure autogène dans la sculpture. L’animalier Mateo Hernández (1888-1949), le « primitiviste » Alberto Sánchez (1895-1962) figurent encore, avec Ángel Ferrant (1891-1961), Pablo Serrano (né en 1910), Eduardo Chillida (né en 1924), Martín Chirino (né en 1925), Miguel Berrocal (né en 1933), etc., parmi les sculpteurs espagnols de renommée mondiale.

• Peinture. Si un Darío de Regoyos (1857-1913) adopte la technique divisionniste, le début du siècle voit triompher la tradition hispanique chez le Valencien Joaquín Sorolla (1863-1923), luministe à la touche large, et chez Ignacio Zuloaga (1870-1945), le peintre des jeunes femmes et des toreros, qui n’a pas la sincérité d’Isidro Nonell (1873-1911) dans ses portraits de gitanes. Mais le meilleur artiste de ce courant national est José Gutiérrez Solana (1886-1945), peintre d’une « Espagne noire » peuplée de masques et de processions.

En marge du « terroir », quatre artistes honorent l’Espagne aux yeux du monde : Pablo Ruiz Picasso, le peintre le plus célèbre de ce siècle, multiforme et génial ; Juan Gris, le peintre le plus austère du cubisme* ; Joan Miró, qui a fait de son intuition la règle de compositions inventives, mi-surréelles, mi-abstraites ; enfin, Salvador Dali*, surréaliste aux visions « paranoïaques » traduites avec la minutie d’un académiste.

Deux associations de peintres, « Dau al Set », de tendance surréaliste (Barcelone, 1948), et « El Paso », d’orientation expressionniste-abstraite (Madrid, 1957), contribuent à affranchir la peinture espagnole de l’académisme des années 40. De leurs rangs surgissent des artistes comme Antoni Tàpies* (né en 1923), qui militent au sein de l’avant-garde à un niveau international. Ce sont, par exemple, Manolo Millares (1926-1972), Antonio Saura (né en 1930), Juan Genovés (né en 1930), José María Yturralde (né en 1942). Signalons aussi les Espagnols de l’école de Paris, tels que Óscar Domínguez (1906-1957), Antoni Clavé (né en 1913), Pablo Palazuelo (né en 1916) et Eduardo Arroyo (né en 1937), ce dernier adepte de la « nouvelle figuration » protestataire.

Traduit d’après J. G.

 J. De Contreras, Historia del arte hispanico (Barcelone-Madrid, 1931-1949 ; 5 vol.). / E. Lafuente Ferrari, Breve historia de la pintura española (Madrid, 1934 ; 4e éd., 1953). / M. Gómez-Moreno, Las Aguilas del Renacimiento Español (Madrid, 1941). / Ars Hispaniae (Madrid, 1947 et suiv. ; 18 vol. parus). / G. Kubler et M. Soria, Art and Architecture in Spain and Portugal, 1500 to 1800 (Harmondsworth, 1959). / Y. Bottineau, l’Art de cour dans l’Espagne de Philippe V, 1700-1746 (Féret, Bordeaux, 1962). / M. Durliat, l’Art roman en Espagne (Braun, 1962) ; l’Architecture espagnole (Didier-Privat, 1966). / J. Babelon, l’Art espagnol (P. U. F., 1963). / F. Chueca Goitia, Historia de la arquitectura española, t. I : Edad antigua. Edad media (Madrid, 1965). / P. De Palol, Spanien, Kunst des frühen Mittelalters vom Westgotenreich bis zum Ende der Romanik (Munich, 1965 ; trad. fr. l’Art en Espagne du royaume wisigoth à la fin de l’époque romane, Flammarion, 1967). / J. Gudiol Ricart, The Arts of Spain (New York, 1965 ; trad. fr. l’Art de l’Espagne, Somogy, 1965). / P. Guinard, les Peintres espagnols (Libr. générale fr., 1967). / Guide artistique de l’Espagne (Tisné, 1967). / O. Bohigas, Arquitectura modernista (Barcelone, 1968). / S. Alcolea, Sculpture espagnole (Poligrafa, Barcelone, 1970).

Espagne (guerre civile d’)

Guerre civile qui opposa de 1936 à 1939 le gouvernement républicain espagnol à une insurrection militaire et nationaliste dirigée par le général Franco*.



Introduction

L’origine de cette guerre, qui meurtrira l’Espagne, et conditionnera son avenir pour de longues années, est à rechercher dans l’instabilité politique du régime républicain installé en 1931 et surtout dans le climat de désordre et de violence qui se répand dans le pays au lendemain de la victoire du Front populaire (Frente popular) aux élections de février 1936. L’attitude du gouvernement à l’égard de l’armée et de l’Église provoque, surtout après l’élection de Manuel Azaña (1880-1940) à la présidence de la République (10 mai), un net raidissement de l’opposition. Celle-ci se regroupe autour des généraux José Sanjurjo (1872-1936), instigateur du putsch de 1932, et Emilio Mola (1887-1937), gouverneur militaire de Pampelune, ainsi que de José Calvo Sotelo (1893-1936), leader de la droite aux Cortes. Appuyé par la Phalange de José Antonio Primo de Rivera (1903-1936) et les requêtes carlistes de Navarre, un soulèvement systématique de toutes les garnisons est préparé. Son déclenchement est précipité par l’assassinat de Calvo Sotelo le 13 juillet 1936.

Dès le 17, les garnisons de Tétouan et de Larache donnent le signal de la rébellion, qui s’étend aussitôt à tout le Maroc espagnol. Le 18, le général Gonzalo Queipo de Llano (1875-1951) s’empare de Séville par surprise, et, à Pampelune, Mola prend le pouvoir sans difficulté, tandis que le général Franco*, qu’Azaña avait exilé aux Canaries, gagne Tétouan. L’ensemble des garnisons des provinces de Valladolid et de Galice, la majeure partie de celles de Séville, de Saragosse et de Burgos se rallient au mouvement. Ce dernier échoue totalement à Barcelone, à Madrid, à Málaga, à Saint-Sébastien et à Bilbao. À Madrid, le président du Conseil, Santiago Casares Quiroga (1884-1950), démissionne le 18. José Giral (1879-1962) le remplace le 19 et, le jour même, fait distribuer des armes aux milices populaires. À cette date, il lui aurait fallu peu de chose pour briser la révolte : la marine et l’aviation, en effet, lui sont restées fidèles, et Sanjurjo, qui était réfugié au Portugal depuis 1934, se tue le 20 juillet dans un accident d’avion en tentant de gagner l’Espagne. Dès la fin du mois, toutefois, deux zones, l’une au sud (Queipo de Llano), englobant Séville et Cadix, l’autre au nord (Mola), allant de Pampelune à Cáceres, sont dominées par la rébellion, dont Franco va bientôt prendre la direction unique.