Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Espagne (suite)

Cette situation résulte des conditions dans lesquelles l’industrie est née et s’est développée en Espagne. Dès le xviiie s., époque où se constitua l’industrie textile catalane, l’État protégea ses fabriques de la concurrence anglaise et française en adoptant des mesures protectionnistes. La même attitude prévalut à la fin du xixe s. Entre-temps, des industries s’étaient implantées grâce aux capitaux étrangers, qui s’investirent dans les mines, la chimie et les transports (avec un caractère colonial certain), aux bénéfices retirés de la vente de matières premières ou peu transformées (sidérurgie basque) et aux capitaux rapatriés d’Amérique, que drainaient les banques privées. Les intérêts de la sidérurgie basque, s’alliant à ceux des industriels catalans et des grands propriétaires castillans et andalous, obtinrent en 1891 que l’Espagne dressât des barrières douanières, qu’elle ne cessa de renforcer par la suite. Dès lors, l’industrie se tourna tout entière vers le marché intérieur, marché singulièrement étriqué dans un pays au niveau de vie très bas, ce qui n’incita guère au progrès. Ne craignant plus la concurrence internationale, les entreprises écartèrent la concurrence intérieure en constituant des cartels et en obtenant des monopoles. Après la guerre civile, enfin, l’autarcie dans laquelle vécut l’Espagne jusqu’en 1959 encouragea la création d’un certain nombre d’industries destinées à suppléer les importations. Mais la plupart d’entre elles s’avérèrent antiéconomiques hors du climat autarcique.

Ainsi, le protectionnisme quasi permanent dans lequel l’Espagne entoura son industrie est la cause principale du retard considérable de ce secteur de l’économie jusqu’à une date très récente et des freins que sa structure surannée oppose aux velléités de développement actuelles.


L’infrastructure des transports

Le secteur des transports a été le plus délaissé de la politique économique, au point de constituer un véritable goulet d’étranglement de l’économie nationale quand celle-ci a connu une rapide croissance. L’organisme public de la RENFE (Red Nacional de los Ferrocarriles Españoles) a hérité à sa création en 1941 d’un réseau ferré construit avec des capitaux étrangers pour l’essentiel, souvent aux prix les plus justes, et qui avait souffert d’un manque d’entretien prolongé et des destructions de la guerre. Manquant de moyens, elle n’a pas pu mener à bien une authentique rénovation de ce réseau vétusté, et le Plan décennal de modernisation (1964-1973) vise avant tout à supprimer son déficit. Les voies demeurent trop légères, et le matériel roulant trop ancien. En outre, indépendamment des rampes fortes qu’impose le relief, le trafic est ralenti par la fréquence des voies uniques. Enfin, l’écartement des voies n’est pas au gabarit européen, ce qui oblige aux frontières à des transbordements très préjudiciables à un acheminement rapide des denrées périssables.

Les insuffisances de la voie ferrée expliquent l’importance du trafic routier. Mais, avec une moyenne de 25 km de routes par 100 km2 et de 4 km pour 1 000 habitants, l’Espagne a un réseau dont la densité n’atteint pas la moitié de la moyenne européenne. Si la mise en route d’un Plan général des routes, en 1962, a considérablement amélioré quelques grands itinéraires, une grande partie du réseau est encore caractérisée par un tracé mal adapté au trafic moderne : pentes trop fortes, courbes trop nombreuses et trop accusées, revêtement trop mince et mal entretenu. Les routes locales sont encore trop souvent non revêtues et très étroites. La lenteur du trafic, la consommation élevée de carburant et la rapide usure du matériel qui en résultent grèvent lourdement le prix des marchandises transportées.

On comprend de ce fait que le cabotage ait toujours joué un grand rôle dans les relations péninsulaires, d’autant que les grands foyers d’activité sont périphériques. S’il décline aujourd’hui, un très grand nombre de petites entreprises n’ayant pas pu, faute de disponibilités financières, moderniser leur flotte, il explique la faible concentration portuaire. Dix ports, dont cinq sur la côte cantabrique, se partagent les trois quarts du trafic : les deux premiers, Santa Cruz de Tenerife (Canaries) et Carthagène, sont uniquement des ports pétroliers ; ensuite viennent, loin derrière, Barcelone et Bilbao. De gros efforts ont été faits récemment pour moderniser les infrastructures, particulièrement à Gijón ; mais les investissements d’équipement sont insuffisants : chargement et déchargement sont donc lents et retiennent trop longtemps à quai les bateaux. Plus grave, le commerce international est assuré en grande partie par des navires étrangers. La batellerie espagnole, qui occupe le onzième rang européen, souffre surtout de son vieillissement : le quart de ses unités a plus de vingt-cinq ans d’âge.


Un récent et spectaculaire essor

Malgré tous ces obstacles, l’économie a connu depuis une douzaine d’années une croissance étonnante qui a fait parler, non sans exagération, d’un « miracle espagnol ». Le volume de la production s’est en effet accru à un rythme moyen de 7,5 p. 100 par an de 1959 à 1966 et, après un ralentissement en 1967 et 1968, a repris en 1969 (8 p. 100). Il a augmenté de plus de 20 p. 100 de 1970 à 1973 inclus.


Le secteur industriel

Il est sans conteste le plus dynamique, puisque, dans le même temps, son rythme de croissance était de 11 p. 100 par an. Si on prend pour base 100 la moyenne de la production industrielle de 1929-1931, l’indice, qui n’était encore que de 250 en 1956, a dépassé 1 000 en 1969. En 1973, l’industrie fournit 35 p. 100 du produit national brut el emploie 37 p. 100 de la population active. Cependant, la croissance a été inégalement active suivant les secteurs : dans l’ensemble, les industries de base ont connu un rythme de croissance moindre que les industries de biens de consommation.

• Une profonde mutation est en cours dans les ressources énergétiques sur lesquelles se fonde la production industrielle. Le charbon, qui était la source principale de l’énergie il y a dix ans, est aujourd’hui dépassé par les produits pétroliers et l’hydro-électricité. Sa production, après avoir atteint près de 17 Mt en 1958, a commencé à décliner depuis cette date. Il est vrai que le charbon espagnol est de médiocre qualité et d’un prix élevé : les principaux gisements, situés dans les Asturies (ríos Nalón et Aller) et le nord du León et secondairement dans la sierra Morena, comportent des couches minces, disloquées, d’un charbon friable riche en soufre et dont une faible proportion seulement est cokéfiable. Aussi tend-on de plus en plus à le brûler sur place dans des centrales, de même que les lignites de Catalogne et de l’Aragon.