Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Espagne (suite)

Philippe II* (1556-1598)

Philippe II, fils de Charles Quint et de l’impératrice Isabelle de Portugal, reçoit en 1555 les États de Flandres et, l’année suivante, les couronnes de Castille et d’Aragon, les possessions situées en Italie et les nouveaux territoires du continent américain.

L’Espagne, entraînée par Charles Quint dans des conflits européens qui ne peuvent rien apporter à son développement comme nation et qui entravent son expansion coloniale en Amérique et en Afrique (v. empire colonial espagnol), pourrait reprendre le cours de sa propre histoire si l’empereur cédait à son frère Ferdinand, en même temps que les États et les droits de la maison d’Autriche, ceux qui lui reviennent de droit en tant qu’héritier de la maison de Bourgogne, surtout les Pays-Bas, qui, par leur situation géographique et leur population, doivent plutôt faire partie de la monarchie allemande que de la couronne espagnole.

• 1554 : mariage de Philippe II avec la reine d’Angleterre Marie Tudor.

• 1556-1559 : guerre contre Henri II de France et contre le pape Paul IV. Invasion des États pontificaux (1557) par le troisième duc d’Albe*. Les troupes espagnoles battent les Français à Saint-Quentin (10 août 1557). C’est en souvenir de cette victoire qu’est construit, à partir de 1563, le monastère de l’Escorial. Le duc de Guise enlève Calais aux Anglais (1558). Le traité du Cateau-Cambrésis (1559) met fin aux guerres d’Italie : la France renonce à Naples et à Milan, et ne conserve que quelques places du Piémont. La même année, l’Inquisition châtie impitoyablement les responsables des foyers calvinistes existant à Valladolid et à Séville.

• 1561 : Madrid est définitivement consacré capitale d’Espagne.

• 1564 : Real Pragmática, qui transforme en lois du royaume les dispositions du concile de Trente.

• 1566 : soulèvement aux Pays-Bas*.

• 1567 : gouvernement du duc d’Albe aux Pays-Bas.

• 1568 : insurrection des morisques dans l’ancien royaume de Grenade. Les rebelles se réfugient dans les Alpujarras et choisissent pour roi Fernando de Córdoba y Válor, connu sous le nom d’Aben Humeya (1520-1569). Mort de don Carlos (né en 1545), fils de la première femme de Philippe II, Marie de Portugal.

• 1571 : la menace que les Turcs font peser sur Chypre entraîne la formation d’une ligue entre Venise, le pape et l’Espagne. Une flotte puissante commandée par don Juan d’Autriche (1545-1578), fils naturel de Charles Quint, livre bataille aux Ottomans à l’entrée du golfe de Corinthe. La victoire de Lépante (7 oct.) représente un succès décisif pour les forces chrétiennes et contribue à l’accroissement du prestige du souverain espagnol. Les Philippines deviennent possessions espagnoles. Miguel López de Legazpi (v. 1510-1572) fonde Manille.

• 1573 : occupation de Tunis. Le duc d’Albe abandonne le gouvernement des Pays-Bas et est remplacé par Luis de Zúñiga y Requesens (1528-1576). Fondation en Argentine des villes de Santa Fe et de Córdoba.

• 1574 : perte de Tunis.

• 1576 : don Juan d’Autriche gouverneur des Pays-Bas.

• 1578 : mort de don Juan d’Autriche. Il est remplacé aux Pays-Bas par Alexandre Farnèse (1545-1592). Antonio Pérez (1540-1611), conseiller intime de Philippe II, fait assassiner Juan de Escobedo, confident de don Juan d’Autriche.

• 1580 : la mort du cardinal Henri, roi du Portugal depuis 1578, laisse vacant le trône du pays voisin. Deux candidats sont en présence : dom António, prieur de Crato (1531-1595), et Philippe II. Le souverain espagnol, après les victoires du duc d’Albe, se fait proclamer roi du Portugal à Tomar. L’annexion de ce pays et de ses dépendances élargit encore l’étendue de l’Empire espagnol, qui atteint alors son apogée.

• 1585 : siège et prise d’Anvers par Alexandre Farnèse, en lutte contre les protestants.

• 1588 : l’Angleterre, gouvernée par Élisabeth Ire, se déclare hostile à l’Espagne. Elle soutient les rebelles des Pays-Bas et envoie des corsaires attaquer les ports et les côtes d’Espagne et d’Amérique. Philippe II constitue une flotte qui, pour rendre hommage à sa puissance, prend le nom d’Invincible Armada et est chargée d’envahir le royaume ennemi. Une tempête et l’extrême habileté de l’amiral Howard et de Drake réduisent à néant l’escadre espagnole.

• 1590 : Alexandre Farnèse, envoyé par Philippe II au secours des catholiques français, oblige Henri IV à lever le siège de Paris et s’empare de la ville.

• 1591 : Antonio Pérez, réfugié en Aragon mais inquiété par l’Inquisition, invoque le Fuero de la Manifestación pour être jugé en Aragon et non en Castille. Le peuple de Saragosse se soulève au nom de ses libertés. L’armée royale entre dans la ville, dont le magistrat suprême, Juan de Lanuza, est exécuté en châtiment du soutien apporté à Pérez.

• 1592 : les Cortes de Tarazona révisent et amendent les privilèges de l’Aragon.

• 1598 : après l’avènement d’Henri IV en France, la lutte contre les Français continue jusqu’à la paix de Vervins, signée grâce à l’intervention du pape Clément VIII. Édit perpétuel aux termes duquel le monarque cède les Pays-Bas conjointement et en pleine souveraineté à sa fille Isabelle (1566-1633) et au mari de celle-ci, l’archiduc Albert d’Autriche (1559-1621). Le 13 septembre 1598, Philippe II meurt au monastère de l’Escorial.

Aucun souverain espagnol n’a donné lieu à autant de jugements contradictoires : certains considèrent Philippe II comme un saint, alors que d’autres ternissent sa mémoire en critiquant la politique trop empreinte de rigueur qu’il a suivie et qui a plongé l’Espagne dans l’obscurantisme.

Dès le début de son règne, le roi a essayé de se défaire du cosmopolitisme de Charles Quint et de se consacrer exclusivement à ses possessions d’origine hispanique. Les idées qui ont prédominé pendant ce règne sont la défense de la foi catholique, la réalisation de l’unité de l’Empire et l’intangibilité de la monarchie. Philippe II a échoué dans sa lutte contre l’Angleterre et dans sa tentative de pacification des Pays-Bas, mais il a remporté des victoires sur les Français et les Turcs et s’est efforcé de défendre la cause du catholicisme en Europe et en Amérique.

Cependant, la puissance espagnole décline au lendemain de son règne : l’Empire est trop étendu, et les successeurs de Philippe II n’auront pas la capacité suffisante pour maintenir son œuvre.