Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Espagne (suite)

Cette montagne, allongée du S.-O. au N.-E., est divisée en deux rameaux parallèles par un couloir d’affaissement tardif. Malgré son altitude modeste (Montseny, 1 712 m), elle ne manque pas d’énergie, les rivières côtières la ravinant activement. Aussi, contrairement à la chaîne Ibérique, à laquelle elle s’apparente par son style de plissement, les traces d’aplanissement y sont rares, et les paysages d’une grande variété : escarpements calcaires, éclatants de blancheur, en vagues déferlantes dans le sud-ouest ; plate-forme dénudée, toute trouée de dolines du Garraf ; massifs cristallins du nord-est profondément altérés et revêtus d’épaisses forêts ; pinacles gréseux du Montserrat...

Les Pyrénées, qui bordent le bassin de l’Èbre au nord, sont les seules montagnes de la Péninsule à présenter un authentique cachet alpin : du Somport au Puigmal, le modelé glaciaire et le fort enneigement lui donnent fière allure. C’est que, sur plus de 200 km, la ligne de faîte se tient presque constamment au-dessus de 2 500 m et dépasse en plusieurs points 3 000 m. Les Pyrénées sont, en effet, une imposante barrière, massive et rigide, qui n’est pas sans affinités avec la cordillère Cantabrique, qu’elles prolongent. Le socle y joue un rôle essentiel : un pli de fond l’a fait jaillir dans l’axe de la chaîne ; il est flanqué au sud d’une couverture secondaire énergiquement plissée dont les chaînons O.-E. sont tranchés en gorges pittoresques par les affluents de l’Èbre.

Ainsi, ce n’est pas seulement la Meseta, mais en même temps tout le nord-est de l’Espagne dont le relief est commandé par le socle hercynien ; même lorsqu’une couverture sédimentaire le masque, l’évolution géomorphologique reste sous sa dépendance et tend à engendrer les mêmes plates-formes monotones et austères. Sans doute les montagnes fortement disséquées ou modelées par les glaciers offrent-elles des paysages plus attrayants. Mais, même dans ce cas, la rigidité de l’architecture générale du relief et une certaine massivité des formes demeurent.

Seules les cordillères Bétiques, nées du plissement tertiaire de matériaux accumulés dans une fosse géosynclinale, échappent à cette influence du socle. S’étirant sur plus de 800 km du détroit de Gibraltar au cap de la Nao en un arc tangent au bord sud-est de la Meseta, elles sont divisées en deux alignements parallèles par un chapelet de bassins. Celui du sud, dont la structure charriée a été reprise par des bombements tardifs, est une succession de massifs, coupés de couloirs transversaux, inscrivant dans le paysage de pesantes coupoles tantôt de marbres blancs, tantôt de schistes noirâtres. La retouche glaciaire des sommets de la sierra Nevada, les plus élevés de la Péninsule, n’a pas réussi à en effacer la lourdeur. Seules les montagnes schisteuses qui bordent la Méditerranée se réduisent à un dédale de croupes effroyablement ravinées.

Dans l’alignement du nord, dont le matériel sédimentaire (calcaires et marnes) a été plissé plus tardivement, la trame structurale s’exprime bien dans le relief, notamment par de grands escarpements de chevauchement. Mais il est encore plus discontinu, de vastes échancrures déchirant la chaîne, qui, particulièrement dans l’ouest, tend à se disperser en îlots montagneux flottant sur une mer de collines ; et les collines succédant aux collines, on passe insensiblement à la plaine andalouse, où les mers tertiaires ont accumulé des sédiments tendres que le Guadalquivir et ses affluents, bordés de terrasses caillouteuses, ont déjà largement déblayés. À l’est de Grenade, ce modelé de collines fait brusquement place à de rigides pédiments et glacis étages mordant sur le cadre montagneux de vastes couloirs et bassins intérieurs : on évoque ici encore l’obsédant paysage de la Meseta...


Des paysages marqués par l’aridité

Comprise entre 36° et 43° 47′ de lat. N. sur la façade occidentale du continent européen, l’Espagne est incluse dans le domaine climatique méditerranéen. Le balancement des hautes pressions subtropicales, qui repoussent vers le nord en été les vents d’ouest porteurs d’humidité, y règle le rythme des saisons : hivers doux et humides, étés chauds et secs s’y succèdent année après année.

Du point de vue humain, l’aridité estivale est le trait dominant de ce climat : durant plusieurs mois, l’évapotranspiration puise sur les réserves en eau du sol, que de rares orages ne parviennent pas à reconstituer. À moins d’irriguer, bien des plantes que favoriserait la chaleur précoce se trouvent exclues de la gamme des cultures possibles. Cependant, l’aridité n’a pas partout la même rigueur : schématiquement, on peut dire qu’elle va s’accentuant du nord-ouest, où elle ne dure qu’un mois à peine, vers le sud-est, où elle dépasse cinq à six mois. Tant sa position avancée dans l’Atlantique que la configuration générale de son relief nuancent, en effet, sensiblement la tonalité méditerranéenne du climat de l’Espagne.

• Le climat méditerranéen le plus pur s’étend à la plus grande partie du littoral catalan et levantin ainsi qu’à l’Andalousie occidentale. Cette dernière, plus méridionale, est plus chaude : alors que, sur la côte catalane, la température moyenne de janvier est de 9 °C, à Málaga elle s’élève à 12 °C, autorisant des cultures tropicales comme la canne à sucre, le bananier et le corossolier ; quant aux étés, ils sont véritablement torrides en Andalousie, particulièrement dans la plaine du Guadalquivir, où la moyenne du mois le plus chaud atteint 28,4 °C à Cordoue, station où on a enregistré le record des maximums absolus de la Péninsule, avec 52 °C.

L’Andalousie connaît aussi une saison sèche plus longue (4 à 5 mois) : du fait de sa position plus méridionale, elle est atteinte plus tardivement par les courants perturbés d’ouest. Mais, fortement chargés d’humidité, ceux-ci y déversent d’abondantes précipitations : la plaine andalouse reçoit de 550 à 700 mm de pluies par an, et les premiers reliefs importants des cordillères Bétiques jusqu’à 2 000 mm, alors que Málaga, en position d’abri, ne recueille pas 500 mm. Comme il est normal, la pluviosité décroît d’ouest en est.