Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

érosion (suite)

• l’altération chimique, qui est due essentiellement à la lente percolation des eaux dans les roches, où elles exercent une action chimique (dissolution, hydrolyse...) d’autant plus efficace que leur température est plus élevée et qu’elles se chargent d’acides et de gaz d’origine organique à la traversée des horizons superficiels du sol. En prélevant des substances minérales pour se nourrir, les racines végétales jouent un rôle chimique également important.

Les débris libérés par la fragmentation et les résidus de l’altération chimique constituent les altérites, auxquelles les produits de la décomposition de la matière organique se mêlent plus ou moins profondément pour former un sol. Indépendamment de la nature des roches, plus ou moins sensibles à la météorisation, les climats favorisent inégalement les processus mécaniques ou chimiques. Les altérites présentent de ce fait des aspects bien différents d’une région à l’autre : ainsi, elles sont riches en argiles sous les tropiques pluvieux, alors qu’elles comportent une forte proportion d’éclats anguleux dans les régions froides de haute latitude.

Elles tendent à s’épaissir et à assurer une protection de plus en plus efficace à la roche avec les progrès de la météorisation ; aussi, celle-ci ne peut continuer à agir que si les altérites sont régulièrement évacuées.


L’évacuation des débris

Plusieurs agents concourent au déblaiement des débris.

• Certains sont commandés directement par la pesanteur : les éboulis et les éboulements sont les plus connus. Les premiers, redoutés des alpinistes, sont des chutes de pierres basculant de parois abruptes et s’accumulant à leur pied en cônes ou en tabliers d’une pente moyenne de 30 à 35° (les « casses » de nos Alpes). Les seconds se déclenchent à la suite de fortes pluies, lorsqu’un pan de versant se trouve brusquement en déséquilibre par la surcharge d’eau qui l’imbibe : glissant soudainement, la masse s’arrache d’une niche en amphithéâtre pour aller s’amonceler en un amas chaotique en contrebas.

Bien que moins spectaculaires, d’autres processus commandés par la pesanteur ne sont pas moins efficaces : la solifluxion, par exemple, particulièrement active dans les régions froides lors de la fonte des neiges, est un lent glissement en masse des matériaux ; elle se signale sur les pentes par la présence de bossellements et de bourrelets irréguliers. Plus imperceptibles encore, les processus regroupés sous le terme de reptation assurent une très lente descente des débris, dont témoigne par exemple le basculement de jeunes arbres faiblement enracinés : tassements des particules, impact des gouttes de pluie faisant rejaillir la terre, travail des animaux fouisseurs...

• Les eaux courantes, indépendamment des substances qu’elles transportent en solution (loin d’être négligeables dans les régions à forte altération chimique), peuvent prendre en charge les débris grâce à la force d’entraînement que leur confèrent les tourbillons qui les animent. Mais leur puissance est fort inégale suivant que l’écoulement est concentré ou non. Le ruissellement, qu’il soit diffus ou en minces films pelliculaires, voire en nappes de plusieurs centimètres, n’a qu’une compétence très limitée : agent d’ablation sélectif, il ne peut déplacer que des particules fines en suspension et rouler des grains de sable, parfois de petits galets. Il est néanmoins très efficace là où des averses très concentrées s’abattent sur un sol mal protégé par une végétation clairsemée (régions arides).

Les écoulements concentrés exercent leur action sur un lit fluvial, vers lequel sont acheminés les débris évacués sur les versants. Les eaux, agitées de mouvements tourbillonnaires, soulèvent les éléments de petites dimensions : limons et sables fins, qui demeurent en suspension ; sables grossiers et petits galets, qui progressent par bonds répétés (saltation). Les débris trop lourds pour être arrachés du fond roulent par saccades sur le lit en fonction des fluctuations de la vitesse de l’eau.

Cependant, l’aptitude d’un cours d’eau à prendre en charge des alluvions n’est pas illimitée : en chaque point du lit, on peut déterminer sa compétence et sa capacité de transport. La première est définie par la taille du plus gros débris susceptible d’être déplacé ; la seconde est la masse totale de matières en transit par unité de largeur du lit. Des recherches expérimentales ont montré que la capacité de transport augmente avec le débit, la pente du lit et la profondeur d’eau ; elle est, en revanche, inversement proportionnelle à la taille des alluvions. Elle est donc fort variable d’un point à un autre d’une même rivière et d’un cours d’eau à un autre. De plus, elle varie saisonnièrement avec le régime hydrologique et connaît de brusques paroxysmes lors des crues. Ces dernières peuvent provoquer de véritables coups de bélier qui arrachent de gros paquets d’alluvions et les déplacent en vrac sur plusieurs centaines de mètres. Au total, le transport des alluvions apparaît éminemment discontinu, à la fois dans le temps et dans l’espace : à tout instant, la rivière, abandonnant et reprenant des débris, procède à des substitutions de charge.

• Le vent, animé également de mouvements tourbillonnaires, peut prendre en charge des débris, à la condition que la végétation soit peu dense : c’est le phénomène de déflation. Comme dans les eaux courantes, les particules sont entraînées, suivant leur calibre, soit en suspension, soit par saltation ou encore par roulement. Mais la compétence du vent est très limitée : variant avec sa vitesse, elle ne dépasse guère, pour les vents les plus violents, des débris d’un diamètre supérieur à 1 cm. Le vent est donc un agent d’évacuation très sélectif.

• Les glaciers, au contraire, entraînent des débris de toutes dimensions, allant d’une véritable « farine » jusqu’à des blocs gigantesques. Agissant comme des bulldozers, ils poussent en vrac au-devant d’eux les débris qui encombrent leur lit ; sans limite de compétence, ils charrient les fragments de roche tombés à leur surface des versants qui les dominent. Quoique le fait soit discuté, il semble bien que les glaciers arrachent à leur lit des blocs que divers processus (la gélifraction en particulier) ont préalablement préparés, sans toutefois les avoir délogés : c’est le débitage glaciaire.