Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

enquête par sondages (suite)

a) Définition du contenu du questionnaire. Selon l’objet de l’enquête, les spécialistes déterminent en premier le contenu du questionnaire par la recherche des problèmes à aborder et/ou à éliminer, des variables à inclure et du type d’observation que l’on désire obtenir. L’établissement du contenu du questionnaire dépend du degré de familiarité avec le problème étudié, du caractère des informations à recueillir, des désirs du commanditaire de l’enquête, etc. L’important, à ce stade d’élaboration de l’enquête, est d’être en mesure de bien définir son objet — de « clôturer », disent les spécialistes, le champ d’étude. Le danger est grand, en effet, de s’égarer et de s’éloigner du sujet traité. Un moyen pratique pour éviter cet écart est la réalisation d’une pré-enquête qui permet de préciser les limites et les conditions de l’étude.

En général, le contenu d’un questionnaire se répartit en deux catégories d’items. Le premier ensemble est celui de l’identification du sujet interrogé. Il s’agit, dans ce cas, des questions d’état civil (date et lieu de naissance, situation matrimoniale), des caractéristiques socio-économiques (type d’habitat, niveau de revenu, taux d’équipement ménager, etc.). L’essentiel du questionnaire est, toutefois, réservé aux questions d’opinions et de croyances sur les problèmes abordés par l’enquête.

b) La formulation des questions. L’information est obtenue au moyen d’interrogations à l’adresse de la personne interviewée. À ce stade, la préoccupation des responsables de l’enquête peut être formulée de la façon suivante : tous les sujets interrogés doivent pouvoir et vouloir répondre aux questions posées. De façon concrète, pour satisfaire à cet ensemble de conditions, plusieurs techniques sont à la disposition des rédacteurs du questionnaire.

Les questions posées peuvent être fermées ou ouvertes. Si les questions sont fermées, l’interviewé n’a ni la liberté de réponse ni la possibilité de choix de réponses en dehors de celles que propose le questionnaire, en général deux ou trois. Par exemple : « Êtes-vous favorable au mariage des prêtres ? » Réponses proposées : (1) Oui, (2) Non, (3) Sans opinion. Les questions ouvertes ne prévoient pas à l’avance de réponse et laissent à l’interrogé la liberté complète de réponse. Par exemple : « Quels sont, selon vous, les qualités et les défauts du Président de la République ? »

Les questions fermées permettent de standardiser au maximum les réponses et de faciliter la réponse de l’interviewé, mais elles présentent le défaut évident de manquer de nuances et d’obliger à répondre selon des normes préétablies. Les questions ouvertes, à l’inverse, permettent de connaître l’opinion immédiate du sujet observé et d’aborder une grande variété de problèmes, notamment ceux qui sont considérés comme « délicats », c’est-à-dire qui peuvent provoquer des réticences. Elles sont très souvent utilisées dans la pré-enquête pour déterminer les questions qui feront l’objet de l’enquête définitive. Elles ont pour inconvénient d’accroître le biais de la part des enquêteurs, en dépit des instructions précises reçues. D’autre part, leur dépouillement est plus complexe.

Pour pallier les inconvénients majeurs des deux types de questions, on a imaginé de procéder à un mélange des deux. C’est la question dite préformée : « Voici une liste de dépenses. En pensant au budget d’un jeune homme, je voudrais que vous me disiez dans quel ordre d’importance vous les rangez : no 1, no 2, etc. (montrer la carte) :
ordre
s’acheter des vêtements
préparer ses vacances
s’acheter un moyen
de transport personnel
s’acheter un électrophone
et des disques
équiper son logement
sortir avec des amis.

La question préformée comporte aussi quelques inconvénients. En effet, les réponses proposées peuvent jouer de manière favorable, en servant d’aide-mémoire ; elles peuvent favoriser soit la mauvaise foi, même involontaire, soit la paresse pure et simple. « Tiens, mais oui, c’est vrai, mettez donc cette réponse-là, je n’y avais pas pensé ; ça doit être ça, etc. »

c) Le nombre et l’ordre des questions. La longueur du questionnaire est un compromis entre l’étendue de l’objet à étudier et le temps que l’on suppose pouvoir obtenir de l’enquêté. L’ordre des questions est un sujet important, bien que, souvent, on y accorde peu d’attention. On évitera, par exemple, de placer à l’entrée du questionnaire la demande de renseignements signalétiques qui pourrait être perçue comme un procédé de police. De même, on cherchera à atténuer l’effet de contagion d’une question sur l’autre : une filiation logique, souvent peu perceptible, existe entre les réponses à une question et celles qui suivent. L’enquêté est alors plus ou moins consciemment influencé par les opinions émises précédemment.


La représentativité des informations recueillies : les procédés d’échantillonnage

Le principe à la base de la théorie de l’échantillonnage est simple : si l’on procède au tirage au sort d’un certain nombre d’éléments d’une population de telle sorte que le sous-ensemble ainsi constitué (l’échantillon) représente l’univers (la population), on peut extrapoler les résultats obtenus sur l’échantillon à la population-univers. La validité de ce raisonnement inductif peut être rigoureusement démontrée en recourant à une théorie scientifique : la théorie statistique. La technique de l’échantillonnage dispense ainsi d’observer chacune des unités d’une population tout en permettant la généralisation des résultats.

L’échantillon représentatif de la population étudiée peut être établi selon plusieurs méthodes.

• La méthode des quotas. Un échantillon est construit à l’image de la population à partir de catégories socio-professionnelles, etc. À chaque enquêteur est attribué un groupe d’individus à interroger conformément au plan des « quotas », c’est-à-dire au nombre de personnes présentant les caractéristiques requises : par exemple, 50 personnes, dont 29 hommes et 21 femmes, 15 individus de quinze à vingt-quatre ans, etc. Cette méthode possède l’avantage appréciable d’être très facile à mettre en œuvre. Elle donne, dans l’ensemble, des résultats très satisfaisants (cf. les sondages d’opinion électoraux), mais, pour des travaux scientifiques, elle appelle de sérieuses réserves. L’échantillon peut, en effet, être biaisé par la négligence des enquêteurs ; en particulier, ceux-ci peuvent se limiter à interroger les personnes les plus proches, les plus faciles à joindre. Aussi, la méthode des quotas est-elle souvent accompagnée de consignes à respecter par le personnel chargé des interviews : dispersion géographique, exclusion de gens proches, etc. L’un des aménagements les plus courants de la méthode des quotas est celui des itinéraires. Un itinéraire défini est imposé à chaque enquêteur, indiquant en quels points il doit réaliser une interview.