Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

engagement en littérature (l’) (suite)

 J.-P. Sartre, Qu’est-ce que la littérature ? (Gallimard, 1947 ; nouv. éd., 1964) ; Saint-Genêt, comédien et martyr (Gallimard, 1952). / R. Barthes, le Degré zéro de l’écriture (Éd. du Seuil, 1953 ; nouv. éd., Gonthier, 1965). / A. Robbe-Grillet, Pour un nouveau roman (Éd. de Minuit, 1963).

Engels (Friedrich)

Théoricien socialiste allemand (Barmen 1820 - Londres 1895).


Issu d’une famille de riches filateurs luthériens, Friedrich Engels est normalement destiné à succéder à son père, mais sa pente naturelle va vers les problèmes littéraires et philosophiques. Après un voyage en Italie (1841), il suit les cours de l’université de Berlin tout en fréquentant le cercle académique die Freien, formé par de jeunes « hégéliens de gauche » (D. F. Strauss, B. Bauer, A. Ruge...), dont le but est la destruction « de la religion traditionnelle et de l’État existant ». En 1842, le jeune Engels publie une étude sur Schelling et la Révélation, où il critique la philosophie idéaliste de Schelling. Dès cette époque, il se libère des croyances religieuses. Il fait en même temps la connaissance de Karl Marx, rédacteur en chef de la Rheinische Zeitung, et part pour Manchester, où la firme de son père possède une manufacture de coton.

En Grande-Bretagne, Engels prend contact avec la vie ouvrière ; c’est pour lui l’occasion d’observer longuement les phénomènes sociaux liés au capitalisme industriel. Au retour (1844), il passe par Paris, où il rencontre de nouveau Marx, avec qui il se lie d’une amitié indéfectible, amitié qui jouera un rôle capital dans l’élaboration du socialisme scientifique.

Car « la présence à côté de Marx de cet ami qui a de la situation ouvrière une expérience immédiate et vivante vient accélérer la lourde démarche du jeune hégélien converti [Marx], qui reste aux prises avec les fantômes accrédités de la philosophie et de la religion : Église, idées éternelles, « conscience de soi », Esprit absolu, État... » (J. Y. Calvez). En 1845, Engels, dont l’action et la démarche intellectuelle sont désormais inséparables de celles de Marx, publie à Leipzig le résultat de ses observations et de ses discussions dans Die Lage der arbeitenden Klasse in England (la Situation de la classe laborieuse en Angleterre), où il apparaît comme le fondateur de la sociologie ouvrière et où s’élaborent les idées-forces de ce qui sera le marxisme*.

Engels et Marx, tout en écrivant la Sainte Famille (1845), critique de l’idéalisme néo-hégélien, et l’Idéologie allemande (1845-46), où sont éclairées les bases du matérialisme historique, entrent en contact, à Paris et à Bruxelles, avec les organisations ouvrières plus ou moins clandestines. Au printemps 1847, Josef Moll (1812-1849), exilé à Londres, invite les deux amis à adhérer à la Ligue des justes, de tendance encore vaguement babouviste. Ils acceptent, alors que se réunit à Londres le premier congrès de la Ligue (juin 1847) : Engels y participe en tant que délégué du groupe communiste de Paris. Congrès capital, car, en éliminant la terminologie humanitariste, les participants donnent naissance au socialisme scientifique ; la ligue prend d’ailleurs le nom de Ligue des communistes, dont le but est « le renversement de la bourgeoisie, l’établissement de la domination du prolétariat, l’abolition de l’ordre social bourgeois fondé sur les antagonismes de classe, et l’instauration d’un nouvel ordre social dans lequel il n’y aura ni classes ni propriété privée ».

Lors d’un second congrès (nov.-déc. 1847), Marx et Engels sont mandatés pour rédiger le manifeste de la Ligue. Quelques jours avant l’ouverture du congrès, Engels a mis au point le Catéchisme communiste (Grundsätze des Kommunismus), qui, publié en 1913 seulement par Eduard Bernstein, fournit un schéma au célèbre Manifeste du parti communiste, dont l’« idée fondamentale et directrice » comme la forme littéraire reviennent à Marx, selon le témoignage d’Engels lui-même. Le Manifeste ne sera d’ailleurs terminé que quelques semaines avant la Révolution de 1848.

Secrétaire du Comité central de la Fédération des communistes à Bruxelles, Engels, au printemps de 1848, rentre en Allemagne, où il fonde la Neue Rheinische Zeitung de Cologne ; sa participation à la révolution à Barmen, puis dans le Palatinat avec un corps de volontaires, l’oblige à fuir la police et à se réfugier en Suisse. Engels expliquera l’échec des républicains allemands dans Révolution et contre-révolution en Allemagne (1851-52). De Suisse, il passe en Italie, puis en Grande-Bretagne.

Tandis que Marx se fixe définitivement à Londres (août 1849), Engels est associé à la direction de la succursale de Manchester de la maison Ermen et Engels. Son activité industrielle et commerciale va lui permettre d’une part d’approfondir ses observations et ses enquêtes dans le monde du travail, et d’autre part de subvenir aux besoins de plusieurs socialistes allemands exilés, de la famille Marx en premier lieu. Dans le même temps, il collabore à nombre de journaux et de revues, leur fournissant des articles philosophiques mais aussi des notes sur l’art militaire, auquel il s’intéresse en révolutionnaire. Après avoir quitté la succursale de Manchester (1869), Engels s’installe à Londres en 1870 et se consacre désormais exclusivement à sa plume. Sa collaboration avec Marx devient si étroite qu’il est très difficile de déterminer sa part — qui fut d’ailleurs importante — dans leur œuvre commune. L’expérience d’Engels a certainement fourni une riche matière au Capital de Marx, dont, après la mort de son ami en 1883, il publiera les livres II et III (1885 et 1894) : les préfaces qu’il en donnera prouvent qu’Engels fut, notamment, un génial théoricien de l’histoire des sciences.

À la dernière période de la vie d’Engels se rattachent aussi de nombreuses études et ouvrages, dont il faut détacher plusieurs livres. L’Anti-Dühring (1878), qui s’intitule en fait Monsieur E. Dühring bouleverse la science, est constitué par une série d’articles parus dans l’organe social-démocrate Vorwärts pour réfuter, à la lumière de la dialectique marxiste, les faiblesses de la dialectique hégélienne et idéaliste telle que l’exprimait l’économiste allemand Eugen Dühring. Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande (Stuttgart, 1888) situe historiquement le matérialisme dialectique ; la Dialectique de la nature (1873-1883, publiée en 1925 en U. R. S. S.) applique ce matérialisme à l’explication des diverses lois de la nature ; l’Origine de la famille, de la propriété privée et de l’État (Zurich, 1884) fait la même application à la famille, à la propriété et à l’État. On doit créditer aussi Engels de la mise à jour et de l’édition de nombreux manuscrits de Marx. La publication, en cours, de sa correspondance avec Marx constitue par ailleurs un monument d’une grande importance.