Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Empire colonial portugais (suite)

La situation n’est guère plus brillante sur la Contracosta. Les Portugais résistent difficilement devant la double offensive des musulmans et des Bantous. En 1698, la chute de Mombasa les contraint à se replier sur les établissements méridionaux et la vallée du Zambèze. Dans la première moitié du xviie s., ils ont réussi à établir un véritable protectorat sur le Monomotapa et ses mines d’or. Mais, dès la seconde moitié du siècle, la domination portugaise est de nouveau réduite à la frange littorale.

Quand s’ébauche le partage de l’Afrique à la fin du xixe s., l’empire portugais est bien réduit, encore que des explorateurs, tel Alexandre Alberto da Rocha Serpa Pinto (1846-1900), aient, en traversant le continent, créé des droits historiques pour leur patrie. En 1885, la conférence de Berlin reconnaît les droits du Portugal, qui projette même la création d’un vaste empire de l’Angola au Mozambique. L’ultimatum anglais du 11 janvier 1890 met fin à ce rêve, et le Portugal doit renoncer aux territoires convoités aussi par Cecil Rhodes*. Au vaste empire d’Afrique australe succèdent les deux colonies d’Angola et de Mozambique. Dans les deux, des campagnes difficiles seront nécessaires pour transformer ces droits historiques en domination effective. Seule leur supériorité en armement permet aux Portugais de s’imposer progressivement.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, l’Empire portugais est, par sa surface, le troisième empire colonial. La Constitution de 1933 a fait de la Guinée, des îles du Cap-Vert (Cabo Verde), de São Tomé, du Prince (do Príncipe), du Mozambique, de l’Angola et Cabinda des provinces d’outre-mer, parties intégrantes de l’État portugais. Mais des mouvements nationalistes se développent et en viennent à organiser des insurrections en Angola (1961) comme en Guinée (1962) et au Mozambique (1964). L’effort militaire du Portugal pour conserver ses territoires est bientôt écrasant, représentant jusqu’à 40 p. 100 du budget national. Cette charge de plus en plus insupportable et la vanité des opérations de l’armée jouent un rôle essentiel dans les événements d’avril 1974, qui voient l’établissement d’un régime démocratique dans la métropole. Presque aussitôt, commence l’agonie du dernier empire colonial traditionnel. Les négociations entre le nouveau pouvoir et les divers mouvements de libération aboutissent rapidement à l’indépendance de toutes les « provinces d’outre-mer », à l’exception de Macao.

J. M.

➙ Afrique / Albuquerque (Afonso de) / Amérique latine / Angola / Aviz / Brésil / Colonialisme / Colonisation / Découvertes (grandes) / Guinée portugaise / Inde / Malaisie / Mozambique / Pombal / Portugal.

 J. Cortesão, Os descobrimentos portugueses (Lisbonne, 1960 ; 2 vol.). / F. Mauro, le Portugal et l’Atlantique au xviie siècle (1570-1670). Étude économique (S.E.V.P.E.N., 1960) ; Études économiques sur l’expansion portugaise, 1500-1900 (Centro Cultural Português, Paris, 1970). / C. R. Boxer, The Golden Age of Brasil, 1695-1750 (Berkeley, 1962) ; Race Relations in Portuguese Colonial Empire, 1415-1825 (Londres, 1963) ; Portuguese Sea-Borne Empire (Londres, 1969). / V. Magalhães Godinho, l’Économie de l’Empire portugais aux xve et xvie siècles (S.E.V.P.E.N., 1969).

emploi

Dans les sociétés contemporaines, le maintien à un niveau optimal de l’emploi de la main-d’œuvre a été élevé à la hauteur d’un dogme. Plus précisément, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’objectif prioritaire qui a été assigné à la politique économique a été le maintien du plein-emploi de la main-d’œuvre. Qu’un tel objectif ait été fixé relève historiquement d’un changement d’optique concernant les problèmes de l’emploi.



Le postulat libéral : l’adaptation de l’emploi

Dans la pensée libérale, en effet, c’était la loi de l’offre et de la demande qui déterminait le niveau de l’emploi. L’employeur embauchait des travailleurs aussi longtemps que la productivité des salariés qu’il employait était supérieure à leur coût. S’il apparaissait du chômage, les travailleurs étaient disposés à s’embaucher pour un salaire inférieur au salaire courant, ce qui amenait une baisse des salaires encourageant les employeurs à accroître de nouveau leurs effectifs : le marché du travail laissé à lui-même trouvait son point d’équilibre par la baisse des salaires et, à l’extrême (si l’on tombait au-dessous du minimum physiologique), par la disparition des travailleurs sous-alimentés les moins résistants.

Dans cette optique, le rôle de l’État se limitait à assurer la liberté sur le marché du travail, autrement dit à laisser en face de l’employeur un travailleur isolé, parfaitement mobile. Quant au chômage, le libéralisme le considérait tantôt comme la rançon de l’intervention, tantôt comme un mal nécessaire. Pour certains partisans de la théorie du laisser-faire et de la libre concurrence, le chômage était provoqué par l’action des gouvernements, qui perturbaient l’équilibre harmonieux de la vie économique, ou par la mauvaise volonté de la classe ouvrière, qui exigeait des salaires supérieurs à la productivité marginale du travail. Toute aide aux chômeurs ne pouvait que troubler des mécanismes dont on ne voyait guère, au xixe s., qu’ils pussent être modifiés.


L’analyse marxienne de l’emploi

L’optimisme libéral a été démenti par les faits. L’existence d’un chômage permanent a fourni à l’école marxiste les données mêmes de sa critique du capitalisme ; le développement de la productivité du travail signifie que, pour réaliser une production de même importance, il faut une quantité sans cesse moindre de travail. Le niveau de l’emploi va donc baisser, pense Marx, à moins que n’intervienne un accroissement de la masse de la production. En tout cas, la rémunération des salaires ne peut durablement se maintenir au-dessus du minimum vital, par suite de la concurrence entre les travailleurs qui désirent être embauchés. Cette concurrence est assurée par l’existence, au xixe s., d’une « armée de réserve de travail », c’est-à-dire, en termes plus modernes, par l’existence d’un sous-emploi chronique de la main-d’œuvre, dû notamment à une énorme population campagnarde prête à migrer.