Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Empire colonial portugais (suite)

Goa, point de convergence des courants commerciaux locaux, est le centre d’un vaste ensemble allant de l’Europe aux Moluques et même au-delà jusqu’au Japon. Y transitent les produits manufacturés européens, l’or de la Mina et du Monomotapa, l’argent hispano-américain (les précieux réales obtenus souvent par contrebande), la soie et l’or d’Iran, les épices de l’Inde, le gingembre de Ceylan et les épices des Moluques. C’est la plaque tournante qui expédie vers l’Europe les produits orientaux, mais aussi envoie vers le Japon arquebuses et poudre si demandées. En Extrême-Orient, Macao joue un rôle analogue, spéculant sur les épices des Moluques, la soie et la porcelaine de Chine, et surtout l’or japonais. Ce trafic est presque indépendant du grand commerce Inde-Europe, et c’est une deuxième source de bénéfices aussi importante que la première. Ainsi, en quelques décennies s’est développée une activité prodigieuse, rapportant des bénéfices colossaux. Mais les bases de cet empire commercial étaient fragiles ; de là un déclin rapide.


Le déclin

La réussite portugaise supposait deux conditions : le monopole sur l’océan Indien, le maintien des liaisons avec le Japon. Or, très vite, ces deux conditions n’ont plus été remplies. Le monopole portugais sur les épices n’a jamais été total : la route du Cap a gêné la route méditerranéenne, mais ne l’a pas tuée, et, par Aden, les marchands arabes ont vite rétabli les liaisons traditionnelles avec les zones productrices. Une partie de la production malaise est détournée vers la Chine pour le plus grand profit des Portugais d’outre-mer. Dès la seconde moitié du siècle, le cycle des épices est pratiquement clos pour les Portugais. La menace hollandaise a rendu difficile les liaisons Goa-Macao. Bientôt, ce monde extrême-oriental perd ses deux sources de richesse : les Moluques, conquises par les Hollandais, et le Japon, qui se referme sur lui-même dans une violente réaction xénophobe. L’empire commercial portugais a vécu ; il ne reste qu’un empire territorial fragile et menacé.

Jusqu’en 1620, le commerce portugais se maintient vaille que vaille, malgré la présence hollandaise dans les îles à épices ; mais la perte de Malacca (1641), de Colombo (1656), de Cochin (1663) précipite la ruine. Aux Indes, seule l’alliance anglaise sauve les établissements portugais d’un déclin total et d’une disparition dès le xviiie s. Les derniers vestiges, Goa, Damão, Diu, seront occupés par la République indienne en 1961. Du prestigieux empire du xvie s., des bases territoriales du xviie, il ne subsiste à l’heure actuelle que Macao et une partie de Timor.


L’empire américain

En 1500, l’escadre que conduisait vers les Indes Pedro Álvares Cabral touche terre près de l’actuel site de Pôrto Seguro. C’est le début de la terre — ou de l’île, on ne sait pas encore — de Veracruz, la terre du « bois brasil ». Cette région offre dans l’immédiat un double avantage : une escale pour les vaisseaux qui se déportent vers l’ouest pour éviter les calmes équatoriaux et un nouveau champ d’action pour les commerçants. Bien vite, le Brésil va devenir un vaste empire territorial et, pour le Portugal, une prodigieuse source de richesses.


Cadre historique, territorial et humain

Dans un premier temps, les Portugais ont envisagé l’exploitation des côtes brésiliennes sur le modèle africain : quelques points d’appui pour le troc. Quand l’occupation est envisagée, pour éliminer des concurrents, surtout français, la Couronne se décharge de ce soin sur des capitaines-donataires. Ce système a porté ses fruits dans les îles atlantiques, mais l’existence de ces vastes et lointaines capitaineries pouvait être dangereuse pour la Couronne. Dès 1548, Jean III, qui porte un intérêt tout particulier à cette colonie, nomme un gouverneur général. Par deux fois, les Portugais doivent faire face à des menaces françaises. Fort-Coligny, dans la baie de Guanabara, a été envisagé comme colonie refuge pour des protestants ; dès 1560, les Français sont expulsés, et, pour s’assurer la région, les Portugais fondent Rio de Janeiro (1565). En 1594, les Français tentent de s’établir dans le nord du Brésil. Les Portugais s’emparent de Saint-Louis (São Luís do Maranhão) en 1615, s’implantant solidement et définitivement dans le Maranhão et le Pará. La menace hollandaise est beaucoup plus dangereuse, et, pendant une vingtaine d’années, la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales sera maîtresse du Brésil « utile ». Une première tentative sur Bahia échoue devant une vigoureuse réaction hispano-portugaise, mais les Hollandais s’emparent d’Olinda en 1530 et, de ce point d’appui, étendent leur domination sur les côtes, du Rio Sergipe au Maranhão. L’occupation hollandaise paraît se consolider grâce à l’habile politique du gouverneur Johan Maurits de Nassau-Siegen (1604-1679) : tolérance religieuse, collaboration avec les vaincus, assurance de débouchés accrus. Mais, dès l’année qui suit son départ (1644), colons insurgés et troupes venues de Bahia reconquièrent le pays ; en 1654, la dernière garnison hollandaise capitule. Désormais, le Brésil portugais va se développer à l’abri des convoitises étrangères.

Ces menaces, puis l’occupation de la partie la plus riche du pays n’ont nullement empêché un prodigieux développement territorial de la colonie. De São Paulo, les bandeirantes, aventuriers en quête d’esclaves ou de métaux précieux, rayonnent dans toutes les directions. Par bonds successifs, les Paulistes descendent le long de la côte atlantique jusqu’aux rives du Río de La Plata. Ainsi se consolide une « route de l’argent », un de ces innombrables axes de contrebande par où s’écoulait, à destination du Portugal, une partie de la production du Potosí. Si, au xviiie s., les Espagnols réussissent à rétablir leur autorité sur l’actuel Uruguay, c’est en sacrifiant la zone des missions jésuites du haut Paraguay. Remontant l’Amazone, les Portugais poussent jusqu’à Tabatinga (Sapurara). La Guyane française, occupée en 1809, doit être restituée en 1817, mais amputée de tout le territoire situé au sud de l’Oyapock. À la veille de l’indépendance, le Brésil portugais a atteint à peu près les limites de l’État actuel. Mais, dans l’intérieur, de vastes zones sont encore fort mal connues, voire inexplorées.