Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Empire (premier) (suite)

Une ombre pourtant : préparation administrative insuffisante ; ravitaillement, transports défectueux. Avec la forme nouvelle et rapide de la guerre, les improvisations sont fâcheuses. Napoléon le reconnaît et prend des mesures. Il vit au milieu de ses troupes, voit tout, décide tout. Le maréchal L. A. Berthier (1753-1815), major général, transmet les ordres dictés par l’Empereur, qui considère l’état-major général comme un simple organe de statistique et de liaison. Les états-majors des corps d’armée sont, à échelle réduite, organisés comme lui. Depuis 1804, ordre de correspondre exclusivement par la voie hiérarchique ; la subordination s’établit ; aucun chef d’état-major ne signe « pour ordre » ; les commissaires des guerres assurent les services administratifs, dont le contrôle est confié aux inspecteurs aux revues, créés en 1800.

Chaque année, l’Empereur détermine l’organisation de l’armée, que les événements viennent parfois modifier : de 1805 à 1812, les effectifs théoriques augmentent : 620 000 hommes en 1806 ; 700 000 en 1807, 900 000 en 1809, plus d’un million en 1812... L’Espagne en retient 280 000. Les contingents étrangers et les appels anticipés de classes sont de plus en plus importants : la conscription fournit 50 000 hommes sous le Consulat, 160 000 en 1808, 280 000 en 1812.

À cette époque, l’exploitation et la surveillance des lignes de communication, la garde des pays annexés et occupés, la défense des côtes pour l’application du Blocus* continental, les garnisons des places, les entreprises nouvelles absorbent des forces importantes, de sorte que l’Empereur gagne Iéna et Auerstedt (14 oct. 1806) avec 73 000 hommes, Eylau (8 févr. 1807) avec 65 000, Friedland (14 juin 1807) avec 80 000 ; 60 000 sont engagés à Essling (20 mai 1809), 187 000 à Wagram (5-6 juill. 1809). Malgré les effectifs européens conduits en Russie, l’Empereur remporte la victoire de la Moskova (7 sept. 1812) avec 127 000 hommes et n’en oppose à Leipzig (16-19 oct. 1813) que 135 000 aux forces des « Nations ».

La Garde, soignée par l’Empereur et composée des meilleurs éléments de l’armée, est, à partir de 1809, étoffée par la Jeune Garde et constitue une réserve d’élite, forte de 25 000 hommes en 1809 et de 47 000 en 1812.

La valeur de la cavalerie légère d’Antoine Charles Louis de Lasalle (1775-1809), Louis Pierre Montbrun (1770-1812), Édouard de Colbert (1774-1853) devient légendaire. La grosse cavalerie, cuirassée depuis 1803-1804, constitue, sous la cravache et le panache de Murat*, un élément de choc redoutable et redouté ; elle est appuyée par des corps de dragons armés de fusils et par des compagnies d’artillerie légère.

L’artillerie, remarquablement commandée et servie, conserve le matériel Gribeauval et intervient dans la bataille en grandes masses qui, comme à Friedland et Wagram, pratiquent dans les lignes ennemies des trouées où pénètrent les colonnes de Ney* et de Jacques Alexandre Macdonald (1765-1840). Les compagnies à cheval sont de plus en plus audacieuses et efficaces.

L’infanterie, de moins en moins riche en anciens soldats, souffre du recrutement précipité et de l’instruction hâtive ; elle est en 1809 renforcée par des canons de bataillon et subit un développement progressif au moyen de régiments provisoires, selon les événements et les cadres, dont la qualité faiblit. L’Empereur, partisan des unités sélectionnées, réunit en divisions grenadiers et voltigeurs, fait appel aux vétérans, aux corps francs, aux étrangers.

Malgré les améliorations apportées au ravitaillement en pain et en biscuits, au service de santé, aux transports (22 bataillons du train en 1812), l’administration de l’armée connaît encore désordres et improvisations ; cependant, malgré les fatigues, les privations, le manque de soin et de solde, les pertes, qui sont lourdes, jamais le soldat n’a servi avec autant de bonne volonté et d’enthousiasme. L’amour de l’Empereur, une confiance aveugle en son génie dominent, malgré les revers, la Grande Armée jusqu’à la fin.


De Leipzig à Waterloo

Face à l’Europe en armes, conscrits de 1813, gardes nationaux des cohortes, cavaliers dits « du patatras » (leur inexpérience les fait souvent tomber de leurs chevaux), gardes d’honneur, officiers rappelés de la retraite, Jeune Garde du maréchal Mortier..., 300 000 hommes se lèvent au signal de l’Empereur et se battent comme les grognards en Pologne.

Ce qu’il en reste en 1814 : « Marie-Louise » (conscrits appelés par l’impératrice régente), volontaires de la levée en masse, court dans les plaines de Champagne, sous les ordres de Napoléon, qui a « chaussé ses bottes de 1796 » pour affoler deux armées ennemies, trois fois supérieures. Les trompettes sonnent à Champaubert La victoire est à nous, de A. M. Grétry ; les gamins de Ricard font reculer les grenadiers russes à Montmirail. Le 25 mars 1814, cinq jours avant la prise de Paris, les gardes nationaux du général M. M. Pacthod (1764-1830), coiffés de chapeaux ronds, refusent de se rendre et se font tuer aux marais de Saint-Gond.

Et le dernier mot appartient à neuf bataillons de la Garde impériale qui, le 18 juin 1815, sur un air tiré du Ferdinand Cortez de Spontini joué par la musique du Ier Grenadiers, disparaissent dans les seigles de Mont-Saint-Jean, au cours d’une attaque suprême contre les Anglais, et entrent dans la légende.

H. L.

Empire et Restauration (styles)

Le style communément dit « Empire » s’est pratiquement élaboré vers la fin du xviiie s. (v. Louis XVI et Directoire [styles]) pour se prolonger dans la première partie du xixe s., alourdi par des altérations qui l’ont défiguré. Il est né d’un dogmatisme, phénomène nouveau dans l’histoire de l’art, s’appliquant au style « à la grecque » qui se flatte, à la suite des découvertes fragmentaires des archéologues, de renouveler l’Antiquité.


L’Empire, sous une influence rationaliste impérieuse, opère une sélection sévère parmi le répertoire de formes du Directoire, tout en lui adjoignant des motifs « égyptiens ». David*, exposant en 1799 les Sabines (musée du Louvre), entend en faire l’expression d’un retour aux sources. L’architecture, avec Fontaine* et Percier, Jacques Cellerier (1742-1814), Bernard Poyet (1742-1824), transpose les monuments romains et ordonne de vastes ensembles urbains, telle l’étoile des avenues qui convergent à Paris vers l’arc de triomphe de Jean-François Chalgrin (1739-1811).