Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

embryologie (suite)

De nos jours, l’embryologie, mettant à profit les étonnants progrès de la biologie, s’emploie à élucider les processus biochimiques qui président à la différenciation, aux remaniements et aux régressions spécifiques des tissus, qui jouent un rôle si important dans l’édification et le modelage de l’embryon. Des transformations protéiques sont à la base des processus de différenciation (S. Ranzi). Ces processus résultent du déclenchement des synthèses de protéines nouvelles, et c’est, en fin de compte, par l’apparition de protéines spécifiques que se caractérise la différenciation cellulaire. Dans certains cas, les mécanismes qui assurent les croissances ou les régressions spécifiques commencent à être connus, notamment en ce qui concerne l’évolution des éléments du tractus génital : à un moment donné, il y a chez tout embryon, quel qu’en soit le sexe, deux canaux géniteurs, le canal de Wolff et le canal de Muller. Normalement, chez l’embryon mâle, le canal de Wolff persiste, tandis que le canal de Muller disparaît, et inversement dans l’autre sexe. Ces deux phénomènes dépendent essentiellement de la présence ou de l’absence d’hormone mâle : tout semble se passer comme si une protéase cellulaire passait d’une activité de synthèse à une activité protéolytique selon l’hormone en présence sur le substrat en question (E. Wolff, A. Jost).

Les progrès réalisés dans la connaissance du développement normal fournissent maintenant des bases solides pour aborder le problème angoissant des malformations congénitales. Au cours du développement embryonnaire, la forme précède toujours la structure, la morphogenèse corporelle précède la formation des organes, et l’organogenèse précède elle-même la différenciation histologique. Les différents stades du développement, qui s’imbriquent étroitement, semblent prédéterminés dès le début de l’embryogenèse. De même, les perturbations de ce développement sont probablement déterminées, elles aussi, très précocement. Un même processus tératogène sera susceptible, selon son intensité, d’occasionner une perturbation de la morphogenèse, c’est-à-dire une monstruosité, ou bien des perturbations de l’organogenèse ou de l’histogenèse, c’est-à-dire des malformations, ou encore de simples déformations. Cependant, l’embryologie, appliquée à la médecine humaine, aura encore à surmonter beaucoup de difficultés avant qu’une prévention efficace contre les malformations ne soit réalisée.

Quoi qu’il en soit, l’embryologie, jadis science purement statique, est devenue aujourd’hui une des branches les plus dynamiques de la biologie.

Hans Spemann

Biologiste allemand (Stuttgart 1869 - Fribourg-en-Brisgau 1941). Il peut être considéré comme le créateur de l’embryologie expérimentale. Il a notamment réussi la transplantation de cellules d’une région de l’embryon à l’autre, permettant d’établir la notion d’induction et celle d’organisateur. (Prix Nobel de physiologie et de médecine, 1935.)

Ph. C.

 A. Giroud et A. M. Lelièvre, Éléments d’embryologie (Le François, 1946 ; 8e éd., 1969). / J. Langman, Medical Embryology (Baltimore, 1963 ; trad. fr. Embryologie médicale, Masson, 1965 ; nouv. éd., 1971). / B. Duhamel, P. Haegel et R. Pagès, Morphogenèse pathologique (Masson, 1966). / P. Guidoni, Embryologie (Doin, 1968). / J.-C. Beetschen, l’Embryologie (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1974).

embryon

Organisme animal ou végétal pendant les premiers temps de sa vie.


L’embryon végétal ou animal

La vie embryonnaire commence avec la formation du zygote (œuf fécondé) et se poursuit jusqu’à ce que l’être vivant acquière son autonomie et quitte l’état de dépendance absolue dans lequel il se trouve vis-à-vis de l’organisme maternel ou des matériaux que celui-ci a légués par l’intermédiaire de l’œuf ou de la graine.

Les processus du développement embryonnaire, en particulier la multiplication cellulaire accompagnée ou non de croissance, la différenciation morphologique et la spécialisation physiologique de la majorité des cellules, vont de pair avec la conservation de matériel à l’état embryonnaire : cellules germinales ou cellules somatiques, dont les potentialités n’ont pas été inhibées et dont certaines subsisteront au cours des stades ultérieurs du développement et jusque chez l’adulte.


L’embryon végétal

Chez les végétaux supérieurs, par exemple, l’édification d’un jeune embryon à partir de l’œuf conduit à un organisme formé d’un « corps primaire » (hypocotyle, radicule et cotylédons) et de deux ensembles de cellules méristématiques qui, par leur fonctionnement, engendreront toutes les cellules spécialisées de l’organisme : le méristème caulinaire, futur point végétatif, et le méristème radiculaire. Le jeune embryon reste attaché par son suspenseur au tégument interne de la graine. Sa nourriture est assurée par les réserves contenues dans l’albumen*, tissu très spécial, fondamentalement triploïde, mis en place chez les Angiospermes au moment de la double fécondation. Ultérieurement, les cotylédons eux-mêmes peuvent se substituer à l’albumen comme organes de réserves. Mais ils ne jouent un rôle que dans la mesure où les matériaux nécessaires à la germination de la graine et aux premières étapes de la croissance et du développement de la plantule y sont entreposés. Leur synthèse a été effectuée par la génération précédente, très précisément par l’organisme maternel.


Les embryons des animaux

Plus complexes dans leur organisation, ils acquièrent de même leurs caractéristiques spécifiques au cours des étapes de leur développement. De plus, et c’est le cas chez la plupart des Vertébrés, ils peuvent s’adjoindre diverses annexes, dont la nature dépend du type d’œuf dont dérive l’animal et de son milieu de vie.

Les œufs hétérolécithes des Amphibiens, pondus dans l’eau, s’y développent sans annexes embryonnaires et aux dépens du vitellus qu’ils contiennent. Ils forment une vésicule ombilicale, sac endodermique doublé extérieurement par la splanchnopleure et ouvert dans l’intestin par le canal ombilical. Dans la vésicule ombilicale, ou sac vitellin, sont entreposés les matériaux nutritifs nécessaires à l’embryon chez la plupart des Vertébrés aquatiques. Dans ce milieu, la vésicule ombilicale est seule, tandis que les Vertébrés aériens réalisent pour l’embryon un milieu aquatique secondaire grâce à l’amnios, limitant la cavité amniotique, et à l’allantoïde, diverticule ventral de l’intestin postérieur, qui, associé au cœlome extra-embryonnaire, vient se fondre à l’épithélium chorial. Les plus évolués des Vertébrés amniotes, les Mammifères placentaires, ont des œufs secondairement alécithes et dépourvus de vitellus, qui nécessitent un organe permettant l’alimentation de l’embryon à partir du sang maternel : il s’agit du placenta, dérivé, chez eux, de l’allantoïde. Les Mammifères ne sont cependant pas les seuls Vertébrés vivipares, et, dans certains groupes, la nutrition de l’embryon à partir des matériaux contenus dans le sang maternel est assurée grâce à un organe dérivé de la vésicule ombilicale et irrigué par des vaisseaux sanguins issus de celle-ci (omphaloplacenta ou placenta vitellin des Sélaciens vivipares par exemple).