Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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élevage (suite)

La viande constitue le produit le plus important de l’élevage. Autrefois, les graisses comptaient presque autant, mais l’emploi de plus en plus général des corps gras d’origine végétale leur enlève des débouchés importants : on le voit à la crise permanente des marchés des suifs ou du beurre. Les œufs et les produits laitiers sont au contraire l’objet d’une demande beaucoup plus ferme. Les progrès de la diététique de l’enfance tiennent largement à la part plus grande faite au lait et aux produits dérivés du lait.

Au fur et à mesure que le niveau de vie augmente, la demande de produits alimentaires dérivés de l’élevage s’élève : l’élasticité de la demande de viande, d’œufs et de certains produits laitiers par rapport aux revenus est positive et généralement élevée, à la différence de l’élasticité de la demande des produits d’origine végétale, qui est faible, et, pour certains d’entre eux, négative.

Les bêtes élevées fournissent également leur travail : les animaux de trait, de bât, de transport, de selle ont longtemps constitué une part très importante du cheptel. Là où l’élevage était inconnu ou impossible pour des raisons climatiques, l’homme ne devait compter que sur ses forces : il était absorbé par des tâches mécaniques. Les économies occidentales, au Moyen Âge et au début de l’époque moderne, tiraient au contraire beaucoup de l’utilisation de l’énergie animale.

Il s’agit d’un domaine où la situation évolue très vite : les bœufs et les chevaux disparaissent rapidement des campagnes françaises, comme de celles de la plupart des pays évolués. Cette transformation est en un sens bénéfique : étant donné la pénurie générale d’aliments riches en protéines, il est sain de voir tout l’élevage tourné vers la satisfaction des besoins les plus essentiels.

Les os, les poils ont longtemps constitué également des produits importants. On n’a plus guère besoin des os pour la production du noir de fumée. La laine et le cuir sont les seules matières premières d’origine animale dont la demande demeure ferme, mais le développement des textiles artificiels ou synthétiques, celui des matières plastiques risquent, à terme, d’ébranler cette position.

Dans l’économie agricole, la place des animaux tient aussi à leur rôle dans le maintien de la fertilité. La culture épuise le sol, et, sans engrais, il est nécessaire de le laisser reposer par la jachère. La révolution agricole du xviiie s., en Europe occidentale, a résulté d’une association plus intime de la culture et de l’élevage. Les plantes fourragères ont permis de nourrir un cheptel plus nombreux, qui a fourni une fumure plus importante et autorisé la suppression des jachères. L’infériorité des agricultures tropicales vient de ce que l’association de la culture et de l’élevage est rarement aussi systématique : aussi est-il impossible de travailler le sol de manière continue, en dehors des secteurs de riziculture irriguée.

L’association étroite de l’agriculture et de l’élevage, qui caractérisait toute l’économie rurale occidentale, est en train de se défaire. Cela tient à l’emploi généralisé des engrais et des amendements chimiques. À court terme, la substitution se fait sans difficulté. À long terme, elle risque de créer des déséquilibres dans la structure et la texture des sols, privés de leurs éléments organiques. Beaucoup s’inquiètent de cette évolution.

L’élevage moderne tend à être de plus en plus tourné vers une seule fin : la fourniture de produits alimentaires. Cela a permis une révolution profonde dans les techniques utilisées : lorsque l’élevage avait des fins multiples, il était à peu près impossible de rechercher la productivité maximale dans un secteur sans diminuer celle des autres branches : une vache qui travaille n’est pas une très bonne laitière, et réciproquement.


Les progrès de l’élevage

Ceux auxquels on assiste sont dus à plusieurs causes : la sélection et la meilleure hygiène alimentaire paraissent essentielles à qui veut rendre compte des transformations en cours.

Dès le xviiie s., en Grande-Bretagne, les agriculteurs éclairés ont compris, à la suite de Robert Bakewell (1725-1795), l’intérêt qu’il y avait à sélectionner des races pures en fonction des aptitudes désirées. C’est malheureusement un travail de longue haleine, et qui est à reprendre sans cesse. Les techniques de l’insémination artificielle ont hâté l’amélioration des races : il est plus facile que par le passé de s’assurer le concours de reproducteurs de choix.

Les transformations de la demande ont remis en cause certains des résultats obtenus précédemment. En Angleterre, par exemple, les races bovines étaient souvent appréciées en fonction de leur rendement en viande et en suif : le dernier débouché a disparu, ce qui nécessite une évolution profonde des caractéristiques des bêtes. En Suisse, l’élevage est resté longtemps tourné vers une fourniture équilibrée de viande et de lait : cela semble aujourd’hui remis en cause, et les éleveurs cherchent à se procurer des animaux plus spécialisés.

Dans la mesure où l’élevage est tourné davantage que par le passé vers une seule fin, il est possible de mieux connaître l’influence du régime alimentaire sur les résultats obtenus. On sait maintenant prévenir ou soigner la plupart des maladies qui menacent des bêtes dans les pays tempérés, et des progrès rapides sont faits dans le même sens dans le monde tropical. L’économie alimentaire de l’élevage est le domaine dans lequel les progrès les plus substantiels sont en cours à l’heure actuelle.

Dans le domaine de la production de la viande, par exemple, on s’est aperçu de ce que le croît diminue très vite avec le temps : si on veut valoriser au maximum la production végétale par l’intermédiaire animal, on est conduit à livrer sur le marché des bêtes plus jeunes ; la révolution est déjà achevée dans le domaine de la volaille. Elle s’esquisse dans celui de l’élevage bovin. Elle implique une transformation des habitudes alimentaires : la belle viande rouge de bœuf était intéressante à produire lorsque les bêtes servaient à plusieurs fins. Elle est devenue un luxe pour un élevage tourné tout entier vers le marché de la viande.